20 juin 2020. Kinshasa est en ébullition. Comme une grande partie du pays. Les regards sont braqués sur la télévision publique, qui diffuse depuis plusieurs jours un procès hautement médiatisé et surtout, hautement symbolique. Pour la première fois en République démocratique du Congo, un haut responsable du pouvoir, en l’occurrence le Directeur de cabinet d’un Président de la République est jugé pour des faits graves de corruption et détournements présumés. Vital Kamerhe est en effet à la barre depuis son arrestation en avril de la même année. Mais ce procès ne laisse aucune surprise sur son issue. Tant, durant son déroulement, POLITICO.CD met clairement en exergue des faits troublants sur la responsabilité présumé du président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC).
Cependant, des événements vont vite faire douter de la transparence du procès au sein de POLITICO.CD. Ce samedi 20 juin 2020 donc, le procès ne débute par à 09H du matin comme il était prévu. Les accusés, leurs avocats, le personnel judiciaire et les agents de la RTNC qui couvrent l’évènement attendent toujours. Ils attendent l’arrivée du juge-président, Pierrot Bakenda Mvita. Toutefois, pendant que le public attendait le dénouement de ce procès centré le « nouvel Etat de droit » que veut incarner le président Tshisekedi, un document tombe dans la rédaction de POLITICO.CD. Il est envoyé par une source anonyme, qui prétend alors qu’il s’agirait du jugement du procès de Vital Kamerhe. Dans celui-ci, le Directeur de cabinet du président serait déclaré coupable et condamné à 20 ans de prison, ainsi que 10 ans d’inéligibilité pour « détournement de fonds » et « corruption ». Ses co-accusés, l’homme d’affaires libanais Jammal Samih, patron d’Husmal et de Samibo, deux sociétés impliquées dans la construction de logements sociaux pour le programme des 100 jours, et Jeannot Muhima Ndoole, chargé du service import-export à la présidence de la République, y sont également reconnus coupables. « Il s’agit du verdict qui sera lu tout à l’heure par le tribunal. Il a été soumis au Chef pour qu’il donne son approbation », affirme cette source qui dit « travailler à la Présidence ».
Une ascension « préfabriquée
Pendant que POLITICO.CD analysait le document, le juge-président se pointe enfin à la prison de Makala où a lieu le procès en audience foraine. Voilà Pierrot Bakenda lisant donc le même document, mots pour mots, que celui qui a été envoyé à POLITICO.CD quelques minutes avant même le début de cette audience finale. Par la suite, plusieurs autres sources confirmeront le fait que cette décision judiciaire ait été réellement envoyé « à la présidence bien avant sa lecture ».
Mais, ce procès ne révèle pas seulement l’étrange manière de fonctionner de la justice congolaise. Pendant son déroule, deux avocats de la partie civile, l’Etat, mènent la danse. D’abord le bâtonnier Coco Kayudi Misamu du Barreau de Kinshasa / Matete, mais surtout Dieudonné Kaluba Dibwa. Ce dernier est particulièrement à l’attaque face à Vital Kamerhe. Menant la défense de l’Etat, Kaluba se fait remarquer grâce à sa théorie du «détournement intellectuel », pourtant non reconnue par la loi congolaise en tant que telle. Il originaire de la région du Kasaï, la même que le président Tshisekedi. Kabula est né à Mbuji-Mayi en 1966, il est Docteur en Droit public avec la plus grande distinction depuis le 31 août 2010, à l’Université de Kinshasa. Il est Professeur à la Faculté de Droit de la même université. Il est alors également Avocat à la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et exerce comme Conseil devant la Cour pénale internationale.
Un an plus tard, une vague de promotions accompagnent ceux qui ont réussi à faire condamner celui qui devient alors ancien Directeur de cabinet du Chef de l’Etat. Le juge Pierrot Bankenge Mvita est nommé président du tribunal de grande instance Kinshasa-gombe. Mais à ses côtés, Dieudonné Kaluba Dibwa est plébiscité. Le voilà nommé juge à la Cour constitutionnelle, pendant que Félix Tshisekedi livre une âpre bataille politique face à la coalition de Joseph Kabila. Les dessous de cette nomination sont à trouver dans le prochain acte.
Dans ce dossier
— Dieudonné Kaluba, une ascension « préfabriquée » (actuellement en lecture)
— Comment Félix Tshisekedi a placé Dieudonné Kaluba à la tête de la Cour Constitutionnelle (Dans une heure)
— Dieudonné Kaluba, les coulisse d’une chute (Ce dimanche 15 mai 2022)