Depuis quelques semaines, la rédaction de POLITICO.CD exploite à fond le rapport du groupe des experts de l’ONU sur la République Démocratique du Congo en rapport avec la situation sécuritaire marquée par le foisonnement de groupes armés qui sèment terreur et désarroi dans l’Est du pays. L’objectif de cette édition spéciale est de vulgariser le contenu de ce rapport dont la copie a été transférée au Conseil de sécurité de l’ONU.
Dans ce numéro, POLITICO.CD revient sur l’intensification des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) en dépit de l’instauration de l’état de siège, une mesure sécuritaire spéciale en place depuis Mai 2021.
En effet, le groupe d’experts de l’ONU indique dans ce rapport que la suspension partielle des opérations des factions de la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO) après la signature des actes d’engagement de cessez-le-feu unilatéraux en 2020 a pris fin peu après l’instauration de l’état de siège, en mai 2021, déclenchant ainsi, des violents combats entre les FARDC et des factions de la CODECO dans plusieurs zones.
Ces experts rapportent qu’au même moment, des factions de la CODECO se sont engagées dans des cycles de représailles contre le groupe armé Zaïre et ont multiplié les attaques contre des civils dans les territoires de Mahagi et de Djugu ce qui a déclenché des opérations militaires conjointes FARDC-MONUSCO contre l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/ Coopérative pour le développement du Congo (URDPC/CODECO) à partir de décembre 2021.
Ces affrontements ne seront pas en impacts. Le 5 avril 2022, un Casque bleu népalais a été tué par balle au cours d’une opération conjointe FARDC-MONUSCO de bouclage et de perquisition dans le village de Bali, dans la zone contrôlée par l’URDPC/CODECO.
Ils estime qu’Il y a eu peu, voire aucun progrès en matière de désarmement et de démobilisation, malgré une visite à Bunia, le 28 décembre 2021, du coordonnateur du programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS), Tommy Tambwe, et la nomination, en décembre 2021, d’une « taskforce » dirigée par Thomas Lubanga, qui fait l’objet de sanctions. Au contraire renchérissent-ils, les dirigeants de l’URDPC/CODECO, se référant aux processus précédents au cours desquels ils avaient soumis leurs demandes, ont refusé de rencontrer l’équipe spéciale jusqu’à ce que d’autres groupes armés, dont Zaïre, rejoignent le processus. Le 16 février 2022, des factions de la CODECO ont enlevé près de Bambu plusieurs membres de la taskforce qui ont recouvré leur liberté les 4 et 12 avril 2022.
Commandement, structure et recrutement
A ce point, ce rapport des experts de l’ONU paraphrase un changement de commandement et la structure des factions de la CODECO . Cependant,soutient ce rapport, « sous l’impulsion de l’URDPC/CODECO, des factions de la CODECO, ou à tout le moins certains combattants et commandants de ces factions, ont commencé à se regrouper à partir de la fin de 2021 environ ».
D’après les explications d’un ancien combattant de la Force de défense contre la balkanisation du Congo (FDBC), il avait rejoint l’URDPC/CODECO en mars 2022 et qu’il faisait campagne pour persuader ceux qui ne l’avaient pas encore fait de rejoindre URDPC/CODECO.
« Le même combattant a déclaré, tout comme les dirigeants de l’URDPC/CODECO, que le « général » Kadogo, qui avait succédé au chef de Bon Temple, Tuwo, après son assassinat en mai 2021 par la FDBC, avait rejoint l’URDPC/CODECO et était chargé des opérations dans la région de Nyangaray », peut-on lire dans rapport parvenu à POLITICO.CD.
Par ailleurs, ajoute le même document, Si certaines recrues se sont engagées volontairement, en partie en réaction à certains crimes qui auraient été commis par certains membres des FARDC contre la population Lendu , des factions de la CODECO ont recruté de force des hommes lendu, obligeant certains à fuir. « L’URDPC/CODECO, avec l’aide de certains chefs locaux, a organisé des rotations de civils lendu contraints de prendre part aux combats et d’attaquer des villages hima », précise ce rapport.
Crimes contre des civils et utilisation d’enfants
Cette situation s’est soldée par des attaques contre des camps de personnes déplacées internes par l’Union des révolutionnaires pour la défense du people congolais/Coopérative pour le développement du Congo – URDPC/CODECO
De mi-novembre 2021 à début février 2022, des factions de la CODECO ont mené une série d’attaques meurtrières contre des camps de personnes déplacées internes dans les chefferies de Bahema Nord et de Bahema Badjere, dans un contexte de tensions croissantes entre les factions de la CODECO et Zaïre à partir d’octobre 2021.
En date du 21 novembre 2021, l’URDPC/CODECO a attaqué le camp de déplacés de Tsuya, près de la mission catholique de Drodro, et le camp de déplacés de Jangi-Ivo, près du centre de Drodro, le 28 novembre 2021. Ces camps abritaient environ 15 000 personnes au total, presque toutes membres de la communauté hima. Dans le camp de Tsuya, 32 personnes déplacées internes ont été tuées, dont 11 femmes, 11 enfants et 11 personnes âgées. Vingt-quatre personnes déplacées internes ont été tuées dans le camp de Jangi-Ivo.
Par conséquent, les experts de l’ONU démontrent dans leur rapport que ces attaques ont causé immédiatement le déplacement massif des personnes déplacées internes vivant à Drodro et de la population des villages environnants vers le camp de déplacés de Rhoe, qui jouxte la base militaire de la MONUSCO. Le nombre de déplacés est ainsi passé d’environ 21 000 en octobre 2021 à environ 65 000 au plus fort de la crise.
Dans la soirée du 1er février 2022, l’URDPC/CODECO a attaqué le camp de déplacés de Plaine Savo, à Bule, qui abritait environ 24 000 personnes, presque toutes hima. Soixante-deux personnes ont été tuées, dont 17 femmes et 19 enfants. « Une femme a subi des mutilations génitales. Au moins 38 personnes ont été blessées, dont 21 grièvement, parmi lesquelles 17 enfants. De nombreux abris ont été détruits par les assaillants, qui ont vérifié si des personnes se trouvaient à l’intérieur », martèlent les experts.
À Drodro et à Plaine Savo, des combattants de l’URDPC/CODECO ont tué et ont blessé des personnes déplacées au moyen d’armes à feu et de machettes.
« Leurs actions ont par ailleurs témoigné d’un certain degré de planification et de l’application de tactiques militaires. Ils étaient notamment identifiables par leurs tenues spécifiques. En outre, lors de l’attaque du 21 novembre contre Drodro, ils ont attaqué simultanément des villages voisins », ajoute la même source.
Toujours à Plaine Savo indique le rapport, « les combattants avaient attaché des torches à leurs armes et se parlaient en code pour se distinguer des personnes déplacées hima vivant dans le camp. Ils ont tiré sur ceux qui fuyaient ou qui n’ont pas pu donner le code convenu. Six personnes déplacées internes ont entendu les combattants dire qu’ils étaient venus pour les exécuter. Une personne déplacée les a entendus dire qu’ils cherchaient des armes ».
Selon plusieurs sources contactées par les experts de l’ONU, les attaques menées à Plaine Savo et à Drodro étaient des représailles contre les opérations de Zaïre et le pillage de champs appartenant à des Lendu par des Hima et/ou des combattants de Zaïre, et avaient été motivées par des soupçons selon lesquels des combattants de Zaïre vivaient dans les camps de déplacés ou y avaient caché des armes. Les dirigeants de l’URDPC/CODECO ont déclaré que la présence de Zaïre dans les camps avait motivé les attaques.
Persistance des violences sexuelles liées au conflit
Les actes de violence liés au conflit commis par des combattants de la CODECO, y compris des membres de l’URDPC/CODECO, sont restés généralisés tout au long des années 2021 et 2022, et ont été largement commis en toute impunité. Des femmes et des jeunes filles de toutes les ethnies qui menaient leurs activités quotidiennes de subsistance ont été violées, parfois en réunion, à plusieurs reprises. Des viols et des viols collectifs ont également eu lieu lors d’attaques et ont été utilisés comme moyen de représailles.
« Ainsi, en février 2022, dans des champs à Biba, près de Nizi, un combattant de l’URDPC/CODECO ou des FDBC a violé une fille de la communauté mambisa âgée de 12 ans, et deux autres combattants ont violé une fille de 16 ans. Leur chef a ensuite interrogé les filles au sujet du groupe armé Zaïre et les a ensuite utilisées dans le cadre de négociations pour tenter d’obtenir la libération d’un homme d’affaires Lendu enlevé par Zaïre », renseigne ce rapport.
En mai 2021, à Londoni, près de Libi, lors d’un raid au cours duquel des combattants de l’URDPC/CODECO ont tué un homme lendu parce qu’il ne soutenait pas le groupe armé, les combattants ont violé en réunion deux femmes Lendu. En janvier 2022, deux combattants de l’URDPC/CODECO ont violé la femme d’un acteur de la société civile du secteur de Walendu-Tatsi qui ne soutenait pas l’URDPC/CODECO.
Persistance des crimes contre des membres de la communauté lendu
En plus des cas de viols signalés, les experts de l’ONU ont fait savoir que les factions de la CODECO ont continué de réprimer les civils lendu non coopératifs, y compris des chefs locaux en les tuant ou en les maltraitant, et en battant ou en détenant ceux qui refusaient de payer des taxes ou qui n’en avaient pas les moyens.
A titre illustratif, des combattants de l’URDPC/CODECO ont, en date du 16 janvier 2022 arrêté un acteur de la société civile dans le secteur de Walendu-Tatsi, ont tiré avec l’arme qu’ils avaient placée sur sa tête et l’ont roué de coups, l’accusant d’avoir trahi un chef spirituel de l’URDPC/CODECO que les FARDC avaient arrêté le même jour.
Utilisation d’enfants
par ailleurs, des factions de la CODECO ont continué d’utiliser des enfants dès l’âge de 10 ans, notamment comme combattants et pour tenir les points de contrôle de l’URDPC/CODECO et des FDBC. Certains portaient des armes blanches et des baïonnettes. Pour sa défense, le commandement de l’URDPC/CODECO a nié avoir utilisé des enfants.
Pour les experts, les actes présentés dans cette section et ceux commis contre des travailleurs dans des sites miniers, peuvent donner lieu à des sanctions en vertu des dispositions des alinéas d) et/ou e) du paragraphe 7 de la résolution 2293 (2016), reconduites par la résolution 2582.