Chaque vie est fragile. Aussi, il arrive qu’à un moment donné, que l’on soit plongé dans le doute. Ce sentiment de manque de certitude, de soupçon et méfiance interminables, qui nous tient dans la peau, tentant de nous maintenir au sol tout en nous secouant, telle une tornade qui s’acharne sur un arbre. On se sent ainsi impuissant. Écrasé. Chaque Congolais en ce moment ressentira la même chose. Tant, si les nouvelles qui nous viennent, surtout ce week-end, de l’Est du pays ne sont pas de nature à sortir qui que ce soit de cet étant profond de perdition, l’attitude que nous voyons au plus haut sommet de notre Nation ne nous est guère réconfortante. A cela, tel un sort qui s’acharne sur une destinée, s’ajoute des frères morts ce samedi, pour avoir été regardé un concert dans un stade qui porte plus que jamais son nom des « Martyrs ».
Tour à tour, les cités et villages tombent dans l’Est du pays. L’ennemi qui nous assiège depuis des décennies, tel un cancer qui ronge les cellules vitales d’un corps qui tient à la vie, n’a eu que la moquerie et de la désinformation pour nous faire encore plus mal. Tenez, le voilà prétendant la débandade des meilleurs d’entre nous : les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), qui n’ont certes pas démérité, défendant chaque centimètre de la mère patrie, au prix des sacrifices les plus suprêmes. Les voilà ainsi moquées et dénigrées par l’ennemi. Cette propagande n’a d’égale que notre désarroi, l’inquiétude de tout un peuple qui reste impuissant, face à une fatalité sans fin.
Mais voilà, ne comptez pas sur moi pour vous bercer de tristesse inutilement. Ni pour capituler. En ce moment où plus aucun signe de bonnes nouvelles ne pointe à l’horizon, c’est derrière nous que le réconfort arrive : vers le passé, où jadis, les meilleurs d’entre nous ont fait brillé ce pays, participant à sa création même. Je fais simplement allusion à l’un des meilleurs d’entre eux : Patrice Emery Lumumba. Plongé dans ses pensées, dans son idéologie et surtout dans son attachement inébranlable à ce et pays et son unité, je le vois bien s’adresser à nous en ces temps sombres, pour nous montrer la voix. Et il n’aurait sans doute pas manquer de nous demander de nous ressources auprès de l’histoire. Celle des peuples libres. Celle des opprimés. Un peu partout dans le monde. Toutes les grandes Nations ont connu des telles tragédies.
Le vaillant Joseph Reed, qui combattu aux côtés de George Washington à Long Island ne me donnera pas tort. Face à une centaine de navires britanniques, un corps expéditionnaire formé de plusieurs centaines de bâtiments, de 10 000 marins et 32 000 soldats venus soumettre les peuples d’Amérique et empêcher la naissance de l’une des nations les plus fascinantes au monde, ce Secrétaire et aide de camp du Premier président des Etats-Unis sera témoin d’une des plus grandes bravoures au monde, où la liberté triompha. A l’orient, meilleurs enseignements nous viennent. Celui de la Chine en premier. Symbolisé parfois dans des cinéma que vous reconnaitrez : la saga Ipman et autres. Des hommes et des femmes subissant d’innombrables humiliations et massacres jusqu’à ce qu’un homme se lève et dise : ça suffit ! Zedong Mao est sorti de là pour lancer une révolution qui va restaurer la Nation chinoise dans sa fierté pour en faire aujourd’hui une des grandes puissances économiques de ce monde, si pas la première.
Notre cause est juste
Voyez-vous, mes chers compatriotes, je ne suis pas dans un mécanisme de pensée positive. Ces histoires nous démontrent, si besoin est, que tous les peuples de ce monde qui ont livré le juste combat pour la plus juste des cause qu’est la liberté, ont toujours triomphé. Face à l’agression rwandaise, face aux massacres de nos populations par les Islamistes des ADF, ou encore face à des multiples entreprises de déstabilisation de notre pays, surtout celles qui visent à le Balkaniser, nous menons le plus juste des combats : car nous n’avons ni cherché à dominer d’autres, ni à les agresser. Le Congo a toujours vécu dans la paix avec ses frères de la Sous-région et ceux du reste du monde. Nous n’avons jamais refusé de partager nos richesses, mais avons simplement réclamer la liberté : celle de profiter de ces richesses dans un commerce équitable et le respect mutuel. La liberté de vivre en paix aux côtés de nos voisins et de disposer nous-mêmes de notre destin. Notre cause est donc juste. Nous livrons le combat pour nos vies, celles de nos enfants et petits-enfants. Nous livrons le combat de notre avenir, de notre existence en tant que Nation. Notre État est remis en cause par tous ces dangers qui nous guette et ceci exige à chaque Congolais, où qu’il soit, au pays ou dans le monde, d’en prendre conscience.
Oui ! Ce qui nous divise souvent ici est la question du leadership. Beaucoup d’entre-nous condamnerons le leadership actuel à la tête du pays et auront bien raison sur plusieurs chapitres. Moi-même, je n’hésite pas à condamner l’attitude de nos dirigeants face aux enjeux existentiels qui s’imposent à nous aujourd’hui. Cependant, ces condamnations et admonestations ne peuvent plus continuer à nous diviser. Car la seule façon de faire face à ces dangers qui nous guettent est de restaurer notre unité, de constituer un bloc commun et de se lever comme un seul homme ! Aussi, autant je vous demande aujourd’hui de vous ressaisir et de faire le pas vers cette mobilisation ultime et Sine qua non pour notre survie, autant j’en appelle ici à nos autorités, le Président de la République en premier, à pouvoir saisir l’occasion. Il est temps que nous puissions créer un point de rupture entre nos divisions et notre ultime combat pour l’avenir de notre Nation. Car rien ne sert de nous affronter autant de fois, alors que nous pouvons bien mourir tous, en tant que Nation, une seule fois.
Le 20 décembre 2017, j’ai écrit un appel demandant à tous de ne pas « abandonner le Congo ». Et je vous parlais alors du mot « HAN ». Un mot d’origine sino-coréenne, qui est d’autant plus difficile à traduire que les langues orientales ont une capacité à mieux rendre les émotions comparativement aux les langues occidentales. On peut dire en simplifiant qu’il s’agit d’un mélange de regret, de rancœur, d’amertume, et même de nostalgie, que l’on ressent après des sacrifices et des efforts non récompensés, des attentes déçues, ou encore des rêves évanouis. Le han est un sentiment d’amertume qui n’est pas violent et pas nécessairement l’expression du désespoir, mais plutôt une douce révolte contre la fatalité et l’impuissance.
La Corée comme la République démocratique du Congo, ont une histoire lourde des tragédies. Depuis sa fondation lointaine, la Corée a subi 934 invasions, mais les plus éprouvantes ont été celles du Japon dans l’histoire récente du pays. L’assassinat de la reine Ming par les services secrets japonais en 1895 est vécu par les Coréens comme le plus terrible des drames nationaux, car cette femme était adorée par son peuple. Cet assassinat est le prélude de la terrible annexion de la Corée par le Japon entre 1905 et 1945. Pendant ces 40 ans d’occupation japonaise le peuple coréen subi des sévices physiques et des humiliations morales horribles. Le Japon oblige la Corée à adopter la langue japonaise, à se convertir au shintoïsme et à adorer l’Empereur. Mais le pire réside certainement dans la prostitution forcée de nombreuses femmes coréennes au « service » des soldats japonais. Quand on connaît le sens de l’honneur et la pudeur des femmes d’Asie, on imagine la profondeur du traumatisme engendré par une telle exaction.
De ce qui précède, les leçons à tirer sont énormes. Il ne sera pas plus important de rappeler les multiples sévices vécus par le peuple congolais tant depuis l’époque coloniale, qu’avec les assassinats de nos héros — Patrice Emery Lumumba dont on ne retrouvera même pas la dépouille, ou encore la plus récente série d’agression et de pillages de nos ressources, aux millions de victimes civiles: nos frères et sœurs massacrés, ravagés et abattus délibérément. Des siècles de souffrance laissent à présent un Han, un sentiment de révolte où même la résignation n’est plus naturellement une option.
En ce sens, je vous appelle à vous munir de la colère du « HAN », de faire le sacrifice de l’Unité, malgré les faiblesses de nos dirigeants et nos divergences. A ces derniers, de se munir de la même colère et d’une prise de conscience profonde et responsable pour enfin communier avec les forces vives de cette Nation et livrer cet ultime combat. Luttons ! Luttons face à nos faiblesses, face à nos carences, face à nos propres fils qui trahissent et qui sont en connivence avec l’ennemi, face au destin et même face aux fatalités. Face à l’ennemi, interne ou externe, luttons! Luttons encore et encore ! C’est ainsi que nous triompherons. N’abandonnons pas la lutte! N’abandonnons pas le Congo! Il faut se concentrer sur ce qu’il nous reste et non sur ce qu’on a perdu. Car c’est dans les moments les plus sombres qu’on voit le mieux les étoiles. Souvenez-vous, les avions décollent toujours face au vent.
Litsani Choukran
Votre compatriote.