L’Etat de droit, ce concept symbolisant la réforme de la Justice en République Démocratique du Congo peine à apposer ses empreintes en dépit de la volonté de son instigateur, l’actuel Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis plus de quatre ans.
Le Chef de l’État congolais estime même que la justice pourrait être considérée comme la tâche d’huile sur son premier quinquennat, lui qui s’est d’ores et déjà déclaré candidat à sa propre succession.
« S’il y a un bémol à mettre sur mon bilan, je ne suis pas satisfait du bilan dans le domaine de la justice. J’ai beaucoup compté sur le pouvoir judiciaire. Comme on le dit dans la bible, la justice élève la nation. Malheureusement dans notre cas, la justice détruit notre Nation. J’ai tout mis en œuvre pour essayer de faire comprendre, surtout aux chefs d’institutions ma vision, mais malheureusement, je n’ai pas l’impression que nous sommes sur le même diapason », a déploré Félix Tshisekedi répondant aux questions des congolais lui transmises sous forme d’une interview par sa porte-parole, Tina Salama.
Accusé d’instrumentaliser la justice à travers des arrestations « arbitraires » afin de taire les opinions hostiles à son pouvoir et des opposants, le président de la République démocratique du Congo a réfuté toute implication dans les démarches visant l’arrestation ou même la libération de certaines personnes.
« Nous récoltons souvent la critique de l’opinion de manière injuste. Par exemple, lorsqu’on met quelqu’un en prison de façon préventive, en attendant son jugement, et qu’on le libère après, on pense toujours qu’il y a l’intervention de l’Etat. Je peux vous le dire devant Dieu, je ne suis intervenu dans aucun cas de ce pays pour demander l’arrestation ou la libération de quelqu’un, jamais. Parce que je veux que la justice soit indépendante », a-t-il argué tout en supputant que les institutions doivent être libres d’exercer leur pouvoir sans contraintes venant de la hiérarchie. « Je pense que cette justice a besoin des réformes », a-t-il martelé.
Des décisions judiciaires s’apparentent au hasard et à la théâtralisation de la justice
Ces nouvelles critiques à l’encontre du pouvoir judiciaire interviennent après celles d’octobre 2022. En effet, lors de la soixante-douzième réunion du conseil des ministres, Félix Tshisekedi avait insisté sur la rationalisation de l’action de la justice dans le renforcement de la gouvernance publique et de l’Etat de droit. Ce rappel à l’ordre survenait après qu’il a constaté des décisions judiciaires qui, dit-il, s’apparentent au hasard.
Félix Tshisekedi avait rappelé lors de cette réunion, le rôle pivot reconnu à la justice dans l’architecture constitutionnelle de la RDC.
Nonobstant, il avait déclaré avoir constaté que, loin de se relever de ses faiblesses pour l’instant, la justice va encore mal s’invitant sur le banc des accusés, à la grande incompréhension et désolation des congolais.
« Chaque jour, dans tous les coins du pays, le peuple assiste abasourdi scandaleusement à des actes ou comportements de certains acteurs judiciaires ainsi qu’à des actions ou décisions judiciaires, à la limite du hasard et de la théâtralisation de la Justice, creusant davantage la méfiance devenue légendaire entre le peuple et la Justice », avait fustigé Félix Tshisekedi précisant qu’au regard des dysfonctionnements relevés tant pour ce qui concerne la Justice pénale, la Justice civile ou administrative qui sont la voie qui mène à la justice est assimilée à tort ou à raison à « un vrai chemin de la croix ».
Ainsi, il avait interpellé le Conseil Supérieur de la Magistrature à se mobiliser pour relever efficacement le défi de la régulation administrative et disciplinaire de la Magistrature.
En sa qualité de magistrat suprême, Félix Tshisekedi avait promis d’ y veiller dans le cadre de ses prérogatives. « Car, face à une telle situation, c’est lui qui devient, pour la population en danger et désespéré, comptable ou coupable de cette inaction ou de l’action désarticulée de la Justice », rapportait le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya, dans son compte rendu.
Pour ce faire, Félix Tshisekedi avait chargé la ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux de travailler avec le Conseil Supérieur de la Magistrature en activant la passerelle légale du cadre de concertation prévue à l’article 17 du Règlement Intérieur du Conseil Supérieur de la Magistrature afin de proposer une série des pistes de solution rapide.
Ce travail devrait se faire sans enfreindre l’indépendance constitutionnelle du Pouvoir Judiciaire qui bien plus qu’un droit exclusif pour les Magistrats est une garantie reconnue pour les justiciables d’avoir une justice impartiale.
En outre, l’Inspection Générale des Services Judiciaires et Pénitentiaires, comme instrument d’accompagnement du ministère de la Justice avait été enjoint à jouer son rôle de manière efficace.
Le président congolais a menacé de revisiter, au cas où le problème est structurel, les mécanismes légaux ou même institutionnels afin d’insuffler à la justice un nouveau souffle.