L’Organisation Non Gouvernementale Human Rights Watch a confirmé ce lundi 24 juillet, un nouveau raid meurtrier de la milice la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), contre les déplacés en Ituri, une province placée sous état de siège depuis plus de deux ans.
Selon le rapport de cette ONG présenté ce jour, la milice essentiellement Lendu a attaqué le camp de Lala, accueillant des personnes déplacées principalement Hema, pendant la nuit, alors que la plupart des résidents dormaient. Les combattants ont tué par balles ou à l’arme blanche, ou dans certains cas brûlé 23 enfants, 13 femmes et 10 hommes, et en ont blessé 8 autres. « Les soldats congolais et les forces de maintien de la paix des Nations Unies déployés dans la ville voisine de Bule ne sont pas intervenus », affirme HRW.
« Attaquer les civils dans les camps où ils sont venus trouver refuge et échapper aux violences est devenu la marque de fabrique sordide de la milice CODECO », a déploré Thomas Fessy, chercheur principal sur la RDC à Human Rights Watch avant d’ajouter que « ces camps devraient être des sanctuaires pour les déplacés plutôt que des lieux de massacre.
Pour lui, il est essentiel que les forces congolaises et les forces de maintien de la paix de l’ONU exercent leur mandat de protection afin de garantir la sécurité des personnes déplacées.
En même temps, Human Rights Watch atteste avoir mené des entretiens téléphoniques avec neuf survivants et témoins, qui ont déclaré avoir été réveillés par les coups de feu lorsque les combattants ont attaqué le camp.
« Les miliciens sont entrés dans le camp par les côtés sud et nord-est vers 2 heures du matin et ont immédiatement ouvert le feu sur les abris des déplacés. Ils ont tiré sur les personnes qui sortaient de leurs huttes pour s’enfuir tout en tuant d’autres personnes à l’intérieur des abris, dont certaines à l’aide de machettes et de couteaux. Les combattants ont ensuite incendié des dizaines de huttes et abris, y compris certains où se trouvaient encore des civils. Au moins 13 corps calcinés ont été retrouvés après l’attaque », relate HWR.
Pas d’intervention de la Monusco ni de l’armée congolaise
A en croire le condensé de ce rapport publié sur le site internet de cette structure, des personnes déplacées et des habitants du village voisin de Lodinga ont alerté par téléphone l’armée congolaise et la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO), alors que l’attaque était en cours, mais n’ont reçu aucune aide.
« Il y avait du feu qu’on pouvait même voir de loin, et des coups de balles qu’ils pouvaient entendre, mais ils ne sont pas venus », a déclaré un homme Hema de 32 ans cité par HRW qui souligne qu’un milicien de la CODECO a tué son fils de huit ans à coups de machette. « Nous ne savons pas ce que nous allons devenir si le gouvernement nous laisse sans sécurité dans le camp », a-t-il regretté.
Des soldats congolais étaient postés à environ 1,5 kilomètres du camp. Ils n’y sont entrés qu’après le lever du soleil, une fois les miliciens partis, pour aider à rassembler les morts et les blessés.
Les Casques bleus basés à Bule, à une distance d’environ six kilomètres du camp, n’ont pas pu intervenir, car l’un de leurs véhicules blindés de transport de troupes est tombé en panne, a déclaré à Human Rights Watch leur commandant, le major Imran Tareq. Cela les a empêchés de se déplacer en convoi de deux véhicules, comme l’exige la mission.
Le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies a répondu par courriel à des questions posées par Human Rights Watch, indiquant que la MONUSCO menait une enquête interne sur la réponse à l’attaque. « Si l’enquête de la Mission conclut que le personnel militaire n’a pas respecté ses obligations dans le cadre du mandat, sans aucune raison valable, il fera l’objet de mesures disciplinaires sévères », a déclaré ce Département. « Du côté civil, nous examinons également notre système d’alerte précoce et les réseaux d’alerte communautaires pour voir où des améliorations urgentes doivent être apportées ».
Deux jours après l’attaque, les déplacés ont enterré les morts, enveloppés dans des bâches plastiques, dans une fosse commune à proximité du camp, à l’exception de deux des victimes enterrées à Lodinga
Human Rights Watch rappelle dans son rapport que le cycle actuel de violence et de représailles en Ituri, qui a éclaté en décembre 2017, découle de problèmes anciens non résolus et qui perdurent depuis le début des années 2000. Des dizaines de milliers de civils avaient alors péri dans des massacres perpétrés entre 1999 et 2007. Des conflits résultant d’inégalités issues de l’époque coloniale autour du droit foncier et de la propriété, des relations ethniques, de l’ingérence de puissances régionales ou encore du contrôle des ressources naturelles entre communautés, en particulier entre Hema et Lendu, constituaient des enjeux clefs de la violence à l’époque et continuent de l’être aujourd’hui.