Cela fait pratiquement deux semaines, depuis que l’ex-ministre congolais des Transports et député national, Chérubin Okende, a été assassiné dans la capitale congolaise, Kinshasa. Entre attente de la mise en place d’une commission d’enquête et celle des résultats de l’autopsie, l’affaire Okende continue de susciter beaucoup d’interrogations au sein de l’opinion nationale et internationale.
Le corps sans vie de Chérubin Okende, 61 ans, a été retrouvé dans la matinée du jeudi 13 juillet, criblé des balles et abandonné dans sa jeep garée sur l’avenue des Poids lours, dans la commune de Limete à Kinshasa.
Le même jour, les médias annonçaient que « le procureur de la République s’est déplacé tôt dans la matinée pour constater les faits. La fille de Chérubin Okende s’est rendue sur place afin d’identifier le corps de son père ».
L’annonce de l’assassinat de celui qui occupait jusqu’en décembre dernier, la fonction de ministre des Transports, a suscité beaucoup d’émotions et vague de réactions dans le camp de l’opposition – dont il faisait partie – mais également celui du pouvoir en place, où le même jour, plusieurs figures du régime dont le Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi, lui-même et son Premier-ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, avaient invité la justice à se saisir du dossier pour appréhender les véritables auteurs de ces actes et les condamner.
Où en est la mise en place de la commission d’enquête ?
Suite à l’assassinat de Chérubin Okende, une réunion de sécurité avait urgemment eu lieu le même jour, autour du Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde.
Selon les informations en possession de la rédaction de POLITICO.CD, à la suite de cette réunion tenue en urgence, il avait été indiqué qu’une enquête préliminaire diligentée par la Police nationale congolaise – afin d’identifier les personnes impliquées – était en cours.
Par conséquent, pour appuyer cette procédure enclenchée, la réunion de sécurité avait décidé de l’implication d’une commission d’enquête pluridisciplinaire plus large incluant tous les services. Ceux-ci devraient être, entre autres, composés des services étrangers afin de faire la lumière sur ce meurtre, de façon « rapide et transparente ».
De la parole à l’acte – bien que la composition de la commission d’enquête sur le meurtre de Cheribin Okende ne soit pas encore mise sur pied à ce jour – pour garantir l’indépendance de l’enquête sur l’assassinat de Chérubin Okende, le gouvernement de la République démocratique du Congo a sollicité des États-Unis d’Amérique, de la Belgique, de la France et de l’Afrique du Sud, l’envoi des experts pour apporter leur expertise.
D’après une source diplomatique citée par l’Agence congolaise de presse, c’est par le truchement du vice-premier ministre de l’Intérieur, Sécurité et Affaires coutumière, Peter Kazadi, que le gouvernement congolais a entrepris cette démarche.
La dépêche de l’Agence congolaise de presse rapportait également que la Belgique a confirmé avoir reçu cette correspondance. Au Quai d’Orsey, en France, la demande a été également réceptionnée, a confirmé un fonctionnaire.
« Nous avons écrit officiellement aux gouvernements belge et sud-africain pour qu’ils puissent nous envoyer leurs experts pour faire partie de la commission d’enquête sur l’assassinat du député national et ministre honoraire, Chérubin Okende […] Ils feront partie de la commission d’enquête qui sera mise sur pied pour élucider sur les circonstances de l’assassinat de Chérubin Okende », a fait savoir, pour sa part, une source du ministère des Affaires étrangères et Francophonie congolais.
De son côté, l’agence belge de presse a confirmé que la Belgique a reçu depuis le même jour, la demande d’assistance judiciaire de la République démocratie du Congo pour « faire la lumière sur cette affaire tragique ».
Malgré ces contacts entamés par le gouvernement congolais, le parti politique Ensemble pour la République – auquel appartenait Chérubin Okende – a dans une communication faite la semaine dernière, dénoncé la lenteur quant à la mise en place de cette commission pluridisciplinaire avec l’appui de l’expertise belge, sud-africaine et de la mission de l’ONU en RDC (MONUSCO).
« Avant que les preuves ne se dissipent, nous exigeons que cette commission d’enquête indépendante soit mise en place très rapidement. Le temps perdu sert aux assassins », a expliqué Dieudonné Bolengetenge, secrétaire général de cette formation politique de l’opposition.
Imbroglio autour de la communication sur le dossier ?
« Si vous avez tout le film de ce que j’ai dit, je n’ai jamais été affirmatif. J’avais dit et je le redis aujourd’hui : Monsieur Chérubin Okende avait été tué dans son véhicule, le moteur encore en marche, la climatisation allumée, la ceinture de sécurité en place sur son corps, avec une arme à côté de lui, donc du siège du chauffeur, avec une balle qui lui avait traversé la tête. Je parlais au conditionnel, probablement », se rétractait le Procureur Firmin Mvonde, après avoir indiqué quelques jours plutôt des propos confirmant la thèse d’un assassinat par balle.
Dans un article publié ce matin par POLITICO.CD, il a été annoncé que la famille de Chérubin Okende, a écrit au Procureur de la République pour exprimer sa désapprobation face aux différentes conférences de presse tenues par le Procureur Général près la Cour de Cassation au cours desquelles il a fait des affirmations sur les circonstances de l’assasinat du ministre honoraire des Transports qui serait mort, à l’en croire, par balle et ce, en l’absence de toute autopsie.
Dans cette lettre exploitée par POLITICO.CD, le collectif d’avocats-conseils ont déploré que le représentant du ministère public ait communiqué sur l’existence des premiers suspects dont l’interrogatoire se poursuit, en toute violation du caractère secret de l’instruction pré-juridictionnelle.
Pour la famille de Chérubin Okende, ces déclarations qu’elle qualifie de précipitées, tendent à préparer l’opinion à accepter les conclusions qui sembleraient avoir déjà été arrêtées.
Pour avoir confirmé leur plainte par le soin de Samba Micheline, veuve du défunt, en date du 21 juillet dernier devant six personnes se présentant comme membres d’une commission d’enquête, la famille Okende veut être fixée sur l’identité de l’autorité judiciaire (en l’occurrence le Parquet) habilitée à communiquer sur cette affaire.
Quid de l’autopsie ?
Dans l’avant-midi de ce mercredi, le tri-hebdomadaire kinois, Africanews a révélé que la justice a « surpris » la famille de Chérubin Okende et les avocats ce matin en « leur faisant brusquement part de l’autopsie prévue ce même jour ».
« Dans l’intérêt de tous ceux qui disent qu’ils n’ont rien à cacher, l’autopsie du corps de Monsieur Chérubin Okende ne saurait être faite sans la présence des experts de la Monusco et des médecins légistes indépendants. Le gouvernement a promis au monde entier une enquête indépendante avec la participation des experts étrangers. Nous y tenons tous », a laissé entendre un des membres du collectif d’avocats mentionnée par la source précitée.
La semaine dernière, face à la presse, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde précisait que seule l’autopsie devrait déterminer si la mort est venue par balle ou non. Il a également souligné le fait que celle-ci est « cruciale » et ses résultats sont attendus pour donner l’éclairage et la certitude sur certaines zones d’ombre de l’enquête.
« La balle a été tirée de l’intérieur du véhicule, est-ce que la cause de la mort vient de la balle tirée sur lui ? Dans quel état se trouvait la victime si ce n’est pas par balle, au moment où cela avait été fait ? J’ai des résultats un peu plus importants par rapport à ça, je ne peux pas le livrer pour le moment. L’autopsie dont le résultat est attendu viendra mettre un point sur ça », a-t-il conclu ses explications au sujet de l’armée trouvée sur la scène du crime.
Pourtant, l’affirmation de Firmin Mvonde attestant que l’ancien ministre des Transports a été tué par balles sans aucune autopsie préalable, n’a pas arrangé Ensemble pour la République qui dénonce non seulement « l’agitation et la précipitation », mais surtout la violation du caractère secret de l’instruction.
« Il est tout à fait troublant que le maître de l’action publique en personne, ici le Procureur Général près la Cour de cassation, annonce une conclusion selon laquelle l’honorable Chérubin est mort par balles, sans autopsie et sans enquête sérieuse. Comment peut-on violer de manière aussi éhontée le sacro-saint principe du secret de l’instruction », pestait la famille politique du défunt.