Le gouvernement de la République démocratique du Congo veut obtenir rapidement le retrait anticipé de la Mission de l’ONU sur son territoire.
Dans une correspondance datée du 1er septembre, le vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula a saisi le président du Conseil de Sécurité de l’ONU pour réitérer l’option levée par le gouvernement congolais d’accélérer et d’avancer à la fin de 2023, le retrait « échelonné, responsable et durable » de la MONUSCO, annoncé depuis 2018, par le Conseil dans sa résolution du 27 mars 2018 et dont le plan de transition élaboré a été adopté dans sa résolution du 20 décembre 2021.
D’emblée, le chef de la diplomatie congolaise a fait part de la gravité de la crise sécuritaire accentuée à l’Est de la RDC. A l’en croire, les faiblesses et limites de la MONUC (MONUSCO ) comme réponse institutionnelle de l’ONU à la menace à la paix et à la sécurité internationales en gestation en RDC, s’étaient déjà révélées.
«… Ayant adopté dans la pratique une approche plutôt conciliatrice et défensive, plus proche des principes du Chapitre VI que de ceux du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, il n’avait pas été possible à la MONUC ni d’éviter les affrontements meurtriers entre les armées ougandaises et rwandaises dans la ville de Kisangani en juin 2000, les combats entre les milices armées à Bunia en 2003 et la prise de Bukavu par les rebelles de Jules Mutebusi, en février 2004, puis ceux du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) de Laurent Nkundabatware en 2005-2009, ni de protéger la population civile contre les atrocités ainsi que les dégâts collatéraux de ces guerres, ni d’endiguer l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC », a indiqué Christophe Lutundula rappelant le contexte ayant conduit à la transformation de la MONUC en la MONUSCO en juillet 2010 avec pour mission de contribuer, pendant une période de transition bien définie, à la stabilisation de la RDC, pays post conflit, par la protection des populations civiles et l’appui aux principales réformes en matière de gouvernance et de sécurité.
Cependant, note le ministre des Affaires étrangères, en 14 ans de présence en RDC, son bilan est « mitigé et son efficacité de plus en plus mise en cause » malgré son apport aux forces armées congolaises (FARDC) et à la police nationale congolaise.
« En effet, sans exonérer les autorités congolaises de leur responsabilité constitutionnelle de défendre leur pays, d’assurer sa stabilité et sa sécurité interne et externe, il est indéniable qu’en dépit du déploiement au Congo d’environ 16.000 militaires et policiers pour appuyer les efforts du Gouvernement, le cycle infernal des massacres des populations civiles, des violations massives des droits de l’Homme, des crimes de guerre et contre l’humanité ainsi que d’exploitation illégale au grand jour des ressources naturelles de la RDC par des groupes armés nationaux et étrangers (ADF/MTM, UPCP, ULPC, FDLR, M23, NYATURA,RAI MUTOMBOKI, CODECO, ZAÏRE……) a continué et s’est amplifié à l’Est de la RDC, plus particulièrement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Le terrorisme intégriste de la mouvance Daesh a même étendu ses tentacules en Ituri par les Forces Démocratiques Alliées (ADF) », a révélé le diplomate congolais s’appuyant sur les différents rapports de groupes d’experts de l’ONU mandatés par le Conseil de sécurité pour enquêter sur la situation d’insécurité à l’Est de la RDC.
Cerise sur le gâteau, Christophe Lutundula a dans la même démarche, paraphrasé le récent rapport du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui dresse un bilan désastreux de la situation sécuritaire et humanitaire en RDC, après 25 ans de présence de l’ONU en RDC à travers la MONUC, puis la MONUSCO. Ce rapport ajoute qu’au cœur du chaos, il y a eu la résurgence, en 2021, de la rébellion du M23 qui s’est emparé des larges pans de la province du Nord-Kivu et où les terroristes ont mis en place des administrations parallèles et procèdent à des arrestations arbitraires et à des exécutions extrajudiciaires.
MONUSCO n’a pas pu assurer la protection de la population civile
Le gouvernement de la RDC estime que l’ONU et le Conseil de sécurité ne se sont pas suffisamment manifestés pour rassurer la population congolaise et convaincre de leur volonté politique réelle d’aider la RDC à mettre fin à la crise dont ses citoyens paient un lourd tribut. A ce titre, le gouvernement a justifié « les mécontentement et les frustrations » des populations de l’Ituri et du Nord-Kivu traduits par des manifestations populaires violentes de juin-juillet 2022, à Goma, Beni, Butembo et Kasindi, exigeant le départ de la MONUSCO de la RDC et qui ont causé la mort de 30 civils et 5 casques bleus.
« Depuis lors, en réalité, la confiance a été rompue et n’est plus revenue entre les habitants de ces contrées, sinon l’ensemble des Congolais et la MONUSCO. Si elle n’est pas patente, la tension ne reste pas moins latente, prête à dégénérer à tout moment en choc frontal comme le démontre l’ultimatum de quitter le territoire congolais d’ici le mois de décembre, lancé actuellement à Rutshuru par les Wazalendo à la MONUSCO et aux Forces régionales de la Communauté d’Afrique de l’Est. Les derniers incidents malheureux survenus à Goma le 30 Août 2023 et qui sont soldés par des pertes en vies humaines, n’ont fait que confirmer cette appréhension et devraient interpeller le Conseil de sécurité », a détaillé Lutundula pour qui le rejet de la Mission onusienne par les congolais est d’autant plus fort que les processus de paix de Nairobi et de Luanda sont bloqués par le Rwanda et le M23 qui refusent d’obéir aux demandes de la Communauté internationale et d’appliquer le plan de paix issu de ces deux processus sans que ni les casques bleus de l’ONU, ni la Force régionale de l’Afrique de l’Est présents au Nord-Kivu ne les y contraignent.
Pour le gouvernement congolais, la MONUSCO a perdu sa crédibilité et la confiance des congolais et s’est disqualifiée pour servir encore de réponse institutionnelle adéquate et efficace à la crise sécuritaire à l’Est de la RDC.
« Bien au contraire, aux yeux de la population congolaise, elle devient un problème à résoudre plutôt qu’une solution à cette crise », a-t-il argué.
La Mission onusienne est de plus en plus indésirable sur le territoire congolais. Depuis quelques mois, plusieurs appels à manifester contre la MONUSCO ont été lancés particulièrement dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Pas plus tard que le 31 août 2023, une autre manifestation anti-MONUSCO a été réprimée dans le sang à Goma, capitale du Nord-Kivu. Au cours de cette manifestation, au moins 43 civils, tous membres de la secte mystico-religieuse dénommée la Foi naturelle judaïque messianique pour les nations (FNJMN) Agano La Uwezo Wa Neno (Wazalendo) ont été tués.