Pour ceux d’entre nous qui sommes nés dans les années 1980 ou après, la crise politique que traverse notre pays nous semble soudaine. Et pourtant, celle-ci résulte d’un éternel recommencement. Les mêmes hommes, les mêmes visages, les mêmes noms se succèdent, alors que le pays lui, fait du surplace, voire de la régression.
Pour mieux comprendre cette situation, passons en revue les événements qui accompagnent l’instauration, le 24 avril 1990, du multipartisme par feu président Mobutu.
LE CONTEXTE. Un peu comme le président Kabila, le Maréchal tout-puissant Mobutu est acculé. Ayant longuement utilisé la guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis pour se maintenir au pouvoir, régnant sans merci sur ce pays continent, le Léopard doit à présent abdiquer face la pression de ces alliés d’hier et celle de la rue. Car, entre-temps, le mur est tombé, celui qui séparait les deux Allemagnes soviétique et occidentale, symbole de cette rivalité qui faisait du président Mobutu un allié de taille pour Washington. Le vent de la démocratie souffle. Et arrive bientôt sur le continent noir. Et donc, la toque du Chef suprême ne peut y faire face. De plus, la querelle est ici purement financière: une question de vie ou de mort.
En effet, pour contraindre Mobutu, les fameux « bailleurs de fonds », un peu ce qu’on appelle aujourd’hui « Communauté internationale », ont posé de conditions. Pour consentir de nouveaux crédits, les pays africains devaient passer par les fourches caudines de l’ajustement structurel, se soumettre aux conditions posées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. En d’autres termes: s’ouvrir à la démocratie. En embuscade, un homme aura tout aussi joué un rôle important: Étienne Tshisekedi wa Mulumba, oui, encore ce vieux Étienne décidément.
Lui et ses potes de fac ont décidé d’embêter le Maréchal avant même cet épilogue, en lui écrivant une lettre qui aura le mérite d’entrer dans la légende populaire: la fameuse lettre des 13 parlementaires. Depuis, un peu comme Kanyma et les militants de … l’UDPS, une navette est vite mise en place: entre les prisons zaïroises et les domiciles des ancêtres de l’opposition actuelle. Bruno Tshibala doit surement savoir de quoi on parle ici. La redoutable Division Spéciale Présidentielle (DSP), les « bana moura » de l’époque, mais en version plus améliorée, auront tout tenté contre le vieux Etienne et ses potes: en vain. Et donc fatigué de cette corrida face aux taureaux du Rassemblement de l’époque, l’Aigle Sese Seko de Kawele décide, un peu comme le Raïs, d’abdiquer. Il veut « démocratiser ». C’est ainsi qu’interviendra l’inoubliable scène « Mobutu pleura », le 24 avril 1990.
ET DONC C’EST TOUT? Pas du tout. Toujours comme avec le Raïs, Seskoul n’était pas du tout content de lâcher le pouvoir. Il a donc mis en place des mesures un peu spéciale: un multipartisme limité à trois ; il quitte la direction du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), la Majorité Présidentielle de l’époque, tout en mettant officiellement une transition en place. Celle-ci devrait conduire le pays… aux élections dans les deux années à venir. Ca ne vous rappelle pas quelque chose?
Un premier ministre est nommé fin avril de la même année. Dans la foulée, l’épiscopat zaïrois, la CENCO de l’époque, propose l’organisation d’une Conférence Nationale Souveraine pour soutenir la transition démocratique. L’ancêtre du Dialogue du Centre Interdiocésain. Mobutu accepte. Et comme avec l’accord du 31 décembre, pendant environ un an et demi (août 1991-décembre 1992), la Conférence ne débouche sur rien. Une « marche de l’espoir » organisée par les chrétiens de Kinshasa est réprimée dans le sang le 16 février 1992. Contrairement à la volonté du peuple, comme toujours, Mobutu ne compte pas abandonner le pouvoir. La désignation d’Étienne Tshisekedi, comme premier ministre par les Conférenciers, un peu comme avec son fils Félix Tshisekedi, n’apporte pas de changement. Mobutu le démet de ses fonctions le 5 février 1993. Nous voilà le 22 avril 2017. D’où le dossier de POLITICO.CD à lire bientôt.
LE DISCOURS DU MARECHAL.
Litsani Choukran,
Le Fondé.
Un commentaire
excellent article et excellent timing. Oui l histoire se répète. Est ce que le nouveau despote du moment va faire souffrir le beau et grand Congo aussi longtemps aussi que Seskoul à l’époque?