Le Rwanda, sous la direction de Paul Kagame, a utilisé la tromperie et la ruse comme rhétorique pour justifier son intervention militaire en RDC essentiellement dans le but de conserver l’accès aux minerais 3T.Le Rwanda s’est également engagé dans une guerre de manoeuvre, cherchant à briser la cohésion sociale et militaire globale de la RDC en instrumentalisant une partie de la communauté congolaise d’origine tutsie.
Ces tactiques ont mis à mal l’autorité de l’État congolais et cela permet cyniquement au Rwanda de s’en servir comme prétexte pour justifier l’instabilité de la partie Est du territoire où son armée opère.Les racines des stratégies du Rwanda ont été expliquées en détail dans le rapport Kassem, l’enquête de Nations Unies de 2002 sur le pillage des ressources en minerais de la RDC
Alors qu’il commençait officiellement à retirer ses forces militaires à la fin de 2002, le Rwanda a parallèlement mis en place une série de mécanismes de contrôle économique, remplaçant les directeurs congolais des sociétés parapubliques par des hommes d’affaires de Kigali afin de garantir la continuité des revenus provenant de l’eau, de l’électricité et des installations de transport. Pendant ce temps, les militaires rwandais impliqués dans les activités minières sont restés en place, bien qu’ils aient cessé de porter des uniformes et qu’ils aient continué leur travail en adoptant une apparence commerciale.
Kigali a réorganisé les forces rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), composé essentiellement de troupes de l’armée rwandaise, afin d’instiller un grand nombre de soldats rwandais au sein des unités de l’armée congolaise et des forces de défense locales.La plupart des unités congolaises étaient dirigées par l’Armée patriotique rwandaise (APR)18 depuis un certain temps, et cette réorganisation a permis d’intégrer un nombre important de soldats rwandais dans l’armée de la RDC.Au lieu de partir pour le Rwanda, un grand nombre de Hutus rwandais servant dans l’armée rwandaise ont reçu de nouveaux uniformes et ont été affectés à des brigades congolaises en tant que Hutus congolais.Seule une partie des soldats rwandais qui s’étaient rendus en RDC, que diverses sources estiment entre 35 000 et 50 000, ont réellement quitté le pays en 2002.
Paradoxalement, une série d’accords de paix soutenus par les Nations unies et les donateurs occidentaux ont donné une légitimité et un poids à ceux qui avaient commis des crimes contre le peuple congolais.Les accords de Lusaka de 1999 et de Sun City de 2002 ont entraîné des années d’insécurité, et même de carnages.En vertu de ces accords, des dizaines de milliers d’anciens combattants ont été officiellement intégrés dans les forces armées congolaises, dans le cadre d’un processus appelé brassage, puis mixage.
De nombreux rebelles soutenus par le Rwanda, tels que le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), ont été amnistiés et ont obtenu des postes de responsabilité dans l’armée, ce qui a conduit à une structure de commandement parallèle et a assuré le chaos.Cela a également conduit à l’infiltration et à la subversion des forces armées.Les combattants ont conservé divers niveaux de contrôle sur le territoire et l’extraction des ressources.La guerre qu’ils ont menée était une continuation de la politique rwandaise par d’autres moyens.
Aujourd’hui, le gouvernement de la RDC n’a pas de contrôle significatif sur la région riche en minerais du Kivu Oriental.C’est le Rwanda, directement ou indirectement, qui assume ce contrôle. En 2023, la coalition RDF/M23 a étendu la zone sous son contrôle, en poussant plus loin vers le nord-est, le sud et l’ouest, malgré une vigoureuse contre-offensive de l’armée congolaise soutenue par des groupes armés locaux et des sociétés militaires privées, selon les enquêteurs des Nations Unies. La coalition RDF/M23 a pris le contrôle d’autres routes, ponts et villes stratégiques, notamment Nyamilima, début janvier 2023, Kitshanga, fin janvier 2023, Mushaki, fin février 2023, et brièvement, la zone minière de Rubaya, le 26 février 2023.
La coalition RDF/M23 a réussi à encercler complètement Goma, coupant toutes les voies de communication alimentant la ville, sauf celle menant au Rwanda.Selon Radio France, le 2 avril 2024 : « Les combats… font rage à Saké, le verrou de Goma, à 20 km de la capitale du Nord-Kivu.Tous les accès sont désormais bloqués, Goma encerclée.De toute la région, la population fuit les combats et se rapproche de la ville. Les camps de réfugiés sont saturés, les campements sauvages se multiplient le long des routes, avec des tentes par milliers. Un million et demi de personnes sont à la dérive. »
En février 2024, l’armée rwandaise a tiré un missile sol-air sur un drone d’observation des Nations Unies dans l’est du Congo mais a manqué sa cible, selon un document confidentiel des Nations Unies consulté par l’AFP.
Le 27 mars 2024, Bintou Keita, Représentante spéciale des Nations Unies pour la RDC, a affirmé devant le Conseil de sécurité que « la situation sécuritaire dans l’est de la RDC s’est encore détériorée depuis la fin des élections (en décembre 2023), le M23 marquant des avancées significatives et étendant son territoire à des niveaux sans précédent.Cette situation a abouti à une situation humanitaire encore plus désastreuse, avec des déplacements internes atteignant un nombre sans précédent ».
La diplomate, qui dirige également la MONUSCO, a expliqué que le M23 a repris la totalité des positions précédemment tenues par la Force Régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est, qui s’est retirée en janvier.Les forces du M23 ont poursuivi leur progression vers le Sud, encerclant Sake et Goma.L’Afrique du Sud a depuis envoyé un contingent de 2000 soldats de maintien de la paix afin d’aider les forces armées congolaises à restaurer la stabilité.24
Plusieurs sources ont déclaré aux Nations Unies que l’objectif des actions militaires du Rwanda en RDC, qualifiées « d’opérations Nord- Kivu », est de renforcer le M23 en lui fournissant des troupes et du matériel et de les utiliser pour prendre le contrôle des sites miniers, acquérir une influence politique dans le pays et décimer les FDLR dirigées par des Hutus.
Le détournement de la réglementation relative à la chaîne d’approvisionnement en minerais 3T
Le commerce illicite des minerais 3T de la RDC tout au long de la chaîne d’approvisionnement mondiale est structuré à la manière de la criminalité internationale organisée, laquelle implique des groupes d’individus qui opèrent à l’échelle transnationale dans le but d’obtenir du pouvoir, de l’influence et des gains commerciaux par des moyens illicites.Ces groupes défendent et protègent souvent leurs activités par la violence et la corruption.
Dans la région des Grands Lacs, ce commerce illicite s’est poursuivi à grande échelle pendant de nombreuses années, en dépit des pseudo-mesures de conformité internationales adoptées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les régulateurs de marché tels que la Securities and Exchange Commission (SEC) et son homologue européen, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), les systèmes de certification des minerais et les auditeurs tiers.
Si le Rwanda a pu vendre effrontément pendant des années des minerais blanchis en provenance de la RDC voisine, c’est en grande partie parce que les institutions et les régulateurs internationaux ont été pris au piège par l’industrie.Les relations opérationnelles étroites entre les régulateurs et les entités réglementées dans la chaîne d’approvisionnement mondiale en minerais artisanaux sont désormais intégrées et normalisées, et donc institutionnalisées. Cela signifie que le commerce illicite des minerais est considéré comme légitime, que la nature criminelle persistante de ce commerce n’est pas reconnue publiquement et qu’elle n’est donc pas traitée de manière appropriée.
Dans la région des Grands Lacs, ce commerce illicite s’est poursuivi à grande échelle pendant de nombreuses années, en dépit des pseudo-mesures de conformité internationales adoptées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les régulateurs de marché tels que la Securities and Exchange Commission (SEC) et son homologue européen, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), les systèmes de certification des minerais et les auditeurs tiers.
Un acteur de l’industrie minière, ayant requis l’anonymat et qui a travaillé dans le commerce des minerais dans les Grands Lacs pendant des décennies a déclaré que l’industrie minière dépendait d’un « modèle d’intérêts conflictuels impliquant les grandes entreprises de l’électronique, de l’aérospatiale, des turbines terrestres, de l’automobile et des appareils médicaux, par l’intermédiaire de l’industrie internationale de la conformité – de la Responsible Minerals Initiative26 (Initiative pour les minerais responsables) jusqu’à la « International Tin Supply Chain Initiative » (ITSCI),27 qui ferment les yeux pour faire avancer et maintenir leurs propres intérêts conflictuels. »
La source précitée a comparé cette industrie minière et ses régulateurs à un cartel du crime organisé, et a affirmé que les régulateurs ne rendent publiques que les violations des droits de l’homme qui servent leur propre racket. Il a qualifié les atrocités associées au commerce illicite des minerais en RDC « d’eau au moulin. »
Dans ce dossier :
DANS CE DOSSIER
1ère partie (en cours de lecture):
— Tout vient de la RDC
— Les crimes associés au blanchiment de minerais de sang de la RDC vers Rwanda
2ème partie (en cours):
— Les racines d’une guerre sans fin autour de l’extraction artisanale des minerais de sang
— Le détournement de la réglementation relative à la chaîne d’approvisionnement en minerais 3t
— Les principaux acteurs occidentaux du blanchiment de minerais de sang en provenance de la RDC (à venir)
3ème partie (à venir):
— Cas récents de commerce illicite de minerais de sang en provenance de la RDC
— Les mécanismes de la fraude au Rwanda
— Les profiteurs de la commercialisation des minerais de la RDC par le Rwanda