Un rapport de « contrôle citoyen » sur la gouvernance budgétaire, intitulé « Le Biface du parlement congolais – Un contrôleur à contrôler », publié par le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), révèle des actes de mauvaise gestion et des soupçons de détournement de fonds au sein de l’Assemblée nationale congolaise. Le rapport, couvrant les exercices budgétaires 2021 à 2023, a été élaboré dans le cadre du volet « suivi budgétaire et engagement citoyen » du CREFDL.
Ce travail s’appuie sur un examen citoyen de 500 documents budgétaires et des entretiens avec 100 personnalités politiques et agents de l’administration publique. Les constatations du CREFDL montrent que l’inefficacité du contrôle des finances publiques découle en grande partie de l’enrichissement illicite au sein de l’Assemblée nationale. Les membres des partis politiques de la majorité parlementaire occupant des postes de responsabilité au sein des bureaux des deux chambres sont davantage préoccupés par l’accumulation de richesses que par leur rôle de contrôle politique.
Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale, est pointé du doigt comme responsable de ces crimes. En tant que président de l’Assemblée nationale au moment des faits, il est à la base de toutes les dépenses, dont les acquisitions et les investissements douteux mis en lumière par le CREFDL. Déjà impliqué dans une bataille de pouvoir avec Vital Kamerhe, candidat désigné de la coalition au pouvoir pour devenir président de l’Assemblée à sa place, Mboso est accusé d’obstruction en refusant d’organiser l’élection du bureau permanent de l’Assemblée nationale, bloquant ainsi la mise en place du gouvernement.
Les irrégularités révélées
En 2022, le Trésor public a déboursé 198 milliards de CDF (94,9 millions de dollars) pour l’Assemblée nationale au titre d’investissement sur ressources propres, contre une prévision initiale de 20 milliards de CDF (10 millions de dollars), soit un taux d’exécution de 949,73 %. Parmi ces dépenses, 90,2 millions de dollars ont été alloués à l’acquisition de véhicules terrestres, alors que la prévision initiale n’était que de 4,5 millions de dollars, soit un taux d’exécution de 1 999,85 %.
Les enquêtes du CREFDL montrent que le bureau de l’Assemblée nationale a acheté 12 bus de 30 places (marque COASTER) pour le transport du personnel administratif et 14 minibus pour les directeurs des services. Le montant total de 90,2 millions de dollars paraît largement surestimé, même en tenant compte des prélèvements fiscaux et des frais de transport.
Le processus d’acquisition des véhicules est resté opaque, sans publication de Plan de Passation des Marchés Publics (PPM) ni des décisions d’attribution provisoire ou définitive sur le site de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP). Ceci constitue une violation flagrante des articles 13 et 34 de la loi nº 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics. Le dernier PPM de l’Assemblée nationale publié date de 2020. Aucun avis de non-objection (ANO) de la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics (DGCMP) n’a été émis ou publié, malgré l’obligation légale.
La construction de deux bâtiments destinés à abriter certains services de l’administration et les bureaux des commissions permanentes de l’Assemblée nationale suscite également des inquiétudes. Un montant de 4,1 millions de dollars a été utilisé contre une prévision de 5,1 millions de dollars, soit un taux d’exécution de 80,38 %. Selon les entretiens avec le personnel administratif, une parcelle aurait été achetée dans le quartier Beau-vent de la commune de Lingwala, mais le prix, la procédure d’achat et l’adresse physique restent secrets. Malgré ces fonds déboursés, les commissions parlementaires continuent de louer leurs bureaux.
Le CREFDL constate que les investissements les plus importants réalisés par l’Assemblée nationale entre 2021 et 2023 concernent les véhicules terrestres, avec un total de 95,4 millions de dollars dépensés. Pendant ce temps, le personnel administratif continue de travailler dans des conditions précaires.
En 2023, un crédit de 6 milliards de CDF (3,4 millions de dollars) a été constitué, suivi de 19 milliards de CDF (7,6 millions de dollars) en 2024, pour la construction d’un bâtiment abritant le Centre médical de l’Assemblée nationale. Pourtant, les travaux n’ont toujours pas commencé, et les montants alloués semblent disproportionnés par rapport à la capacité et la qualité attendue.