Le 16 mai 2024 à Kinshasa, une nouvelle surprenante a secoué le monde des affaires en République Démocratique du Congo (RDC). L’administration Biden a manifesté sa volonté de lever les sanctions imposées à Dan Gertler, le milliardaire controversé du secteur minier, mais à une condition stricte : qu’il abandonne toutes ses opérations commerciales et ses actifs en RDC. Cette révélation provient d’un article publié par Bloomberg, et elle met en lumière un enjeu crucial pour Washington : l’accès aux minéraux stratégiques, tout en naviguant les eaux troubles des redevances détenues par Gertler.
Selon Bloomberg, deux responsables américains, sous couvert d’anonymat en raison de la nature délicate des discussions, ont révélé que le département du Trésor est prêt à offrir un allègement limité des sanctions à Gertler. En échange, l’homme d’affaires israélien devrait se retirer entièrement du Congo, y compris renoncer à ses lucratifs flux de redevances sur trois projets stratégiques. Ces mines, riches en cuivre et en cobalt, sont essentielles pour la fabrication des batteries de véhicules électriques, un secteur en plein essor. Cependant, le passé tumultueux du Congo, marqué par la corruption, dissuade les investisseurs occidentaux, alors même que les entreprises minières chinoises prospèrent dans la région.
Les sanctions contre Gertler remontent à 2017, imposées par les États-Unis en raison d’accords miniers et pétroliers jugés opaques et corrompus sous l’administration du président Joseph Kabila. Fin 2020, à la veille de son départ de la Maison Blanche, Donald Trump avait temporairement levé ces sanctions après des pressions du gouvernement israélien. Toutefois, cette décision a été annulée dès le début du mandat de Joe Biden.
La stratégie américaine visant à alléger les sanctions pour pousser Gertler à quitter la RDC découle en partie de la volonté d’accroître les investissements dans les minéraux critiques nécessaires aux véhicules électriques. Le but est d’éviter la dépendance vis-à-vis des sources contrôlées par la Chine, qui domine actuellement l’industrie.
Gertler, de son côté, n’a jamais été accusé de crime et a toujours nié tout acte répréhensible. Ni lui ni ses avocats n’ont répondu aux demandes de commentaires formulées par Bloomberg. En 2022, Gertler avait pourtant conclu un accord avec le gouvernement congolais pour restituer certains de ses actifs en échange de pressions sur les États-Unis pour lever les sanctions. Mais il avait conservé ses redevances dans les plus grandes sources de cobalt non chinoises du monde.
Ces redevances ont rapporté à Gertler plusieurs centaines de millions de dollars, grâce aux projets métallurgiques détenus par Eurasian Resources Group et Glencore Plc, d’après les estimations du consortium anti-corruption Congo Is Not For Sale. Les débats internes au sein du gouvernement américain et la difficulté à arrêter ces paiements en cours ont finalement conduit à l’offre actuelle.
Glencore a refusé de commenter la situation, et Eurasian Resources Group n’a pas répondu aux sollicitations de Bloomberg. Le gouvernement congolais, de son côté, est resté silencieux face aux demandes de commentaires.
Jean Claude Mputu, porte-parole de Congo Is Not For Sale, a exprimé son indignation face à cette possible issue. « Payer encore pour des choses qu’il a acquises illégalement et dont il a déjà profité, pour moi, c’est vraiment récompenser la corruption », a-t-il déclaré. Il a ajouté que le gouvernement congolais devrait récupérer les paiements précédents effectués à Gertler.
En plus de devoir abandonner ses poursuites judiciaires contre ceux qui l’ont critiqué, Gertler serait également tenu de se soumettre à un audit de ses actifs et de placer la moitié des produits de ses ventes de redevances sous séquestre.
Dan Gertler, issu d’une des familles de diamantaires les plus en vue d’Israël, est arrivé pour la première fois au Congo en 1997 pour y commercer des diamants. Sa relation étroite avec Joseph Kabila lui a permis d’amasser une fortune colossale à travers des investissements massifs dans les minerais et les blocs pétroliers du pays.