Les événements de la nuit ont commencé par une attaque coordonnée contre la résidence de Kamerhe. Les assaillants, habillés en tenue militaire et portant l’ancien drapeau du Zaïre, ont affronté les policiers pendant près d’une heure. Après l’échec de leur attaque initiale, ils ont tenté de se réfugier au Palais de la Nation, où ils ont brièvement pris position avant d’être neutralisés par les forces de sécurité.
Les assaillants ont publié des vidéos sur les réseaux sociaux, où ils affirmaient vouloir changer la gestion de la République et dénonçaient la gouvernance de Kamerhe et du président Tshisekedi. « Nous sommes fatigués de cette gestion. Nous voulons un changement radical », déclarait l’un des assaillants.
L’attaque de la résidence de Kamerhe
Vers 04h30 le 19 mai, des individus armés en tenue militaire ont tenté de prendre d’assaut la résidence de Vital Kamerhe, vice-premier ministre et ministre de l’économie, située dans le quartier huppé de Gombe à Kinshasa. Les échanges de tirs ont été intenses et ont coûté la vie à deux policiers chargés de la sécurité de Kamerhe. Un des assaillants a également été tué dans les affrontements.
Les voisins ont rapporté des scènes de chaos et de panique, décrivant des coups de feu nourris et des mouvements désordonnés des assaillants qui tentaient de pénétrer dans la résidence. « Une vingtaine de militaires, identifiés comme des FARDC, ont attaqué la résidence de Vital Kamerhe », a rapporté un témoin. Après l’échec de leur attaque initiale, les assaillants ont pris la fuite en direction du Palais de la Nation, siège symbolique de la présidence congolaise.
Incursion au Palais de la Nation
La situation a rapidement dégénéré lorsque les assaillants ont pénétré au Palais de la Nation. Sur une vidéo parvenue à POLITICO.CD, on peut voir une dizaine d’hommes armés arborant l’ancien drapeau du Zaïre et tenant des propos en anglais et en français, affirmant vouloir instaurer un « New Zaire ». Ils se sont présentés comme des membres de la diaspora congolaise venus pour renverser le gouvernement en place.
« Nous sommes fatigués. Au point de se mettre debout ainsi, on est fatigué. On ne peut pas évoluer avec Kamerhe ni Félix (Tshisekedi), ils ont fait beaucoup de bêtises à la tête de notre pays », déclarait le chef de la bande, visible sur la vidéo. Les assaillants semblaient déterminés et bien organisés, mais leur incursion au Palais de la Nation a été de courte durée.
Selon plusieurs sources sécuritaires, les images montrent clairement que les assaillants étaient armés et équipés, certains d’entre eux utilisant même des drones. Un témoin a rapporté : « On les a bien entendus. Ces militaires ont abandonné un minibus dans la rue. »
Vital Kamerhe et sa famille sont sains et saufs, des assaillants rapidement neutralisés et arrêtés
Les forces de sécurité ont rapidement encerclé le Palais de la Nation et lancé une opération pour neutraliser les assaillants. « Nous sommes face à une opération de sabotage », a expliqué un haut gradé à POLITICO.CD sous couvert d’anonymat. Selon lui, le groupe s’est dirigé vers le Palais de la Nation pour faire croire à une tentative de coup d’État après avoir échoué dans leur attaque contre la résidence de Kamerhe.
La plupart des assaillants ont été « neutralisés » par les forces de l’ordre. Parmi eux, des individus portaient des passeports canadiens et américains, ajoutant une dimension internationale à cette tentative de déstabilisation. Les autorités ont également trouvé sur les lieux des documents et des équipements suggérant une préparation minutieuse. Selon nos informations, le chef de la bande, Christian Malanga, un membre de la diaspora congolaise résidant aux États-Unis, a été tué dans les échanges de tirs.
Une source sécuritaire a confirmé : « Les vidéos montrent l’homme qui menait l’opération. Il a été neutralisé lors des échanges de tirs avec les forces de sécurité. »
Dans un bref message diffusé à la télévision publique, le porte-parole de l’armée congolaise, le général de brigade Sylvain Ekenge, a annoncé que les FARDC ont déjoué un coup d’État. « Les auteurs de cet acte sont arrêtés », a-t-il déclaré, ajoutant que la situation est désormais sous contrôle et exhortant les Kinois à reprendre leurs activités normalement.
Le ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, a également rassuré la population dans un communiqué : « En attendant une communication élaborée sur les incidents qui se sont déroulés dans la commune de la Gombe, nous tenons à rassurer la communauté nationale et internationale que nos forces de défense et de sécurité ont rétabli, avec promptitude, l’ordre public perturbé par des hommes armés. »
Malgré l’attaque, Vital Kamerhe et sa famille sont en sécurité. « La famille est sous le choc, mais ils vont tous bien », rapportent plusieurs de ses proches à POLITICO.CD. Michel Moto, député de Walikale et bras droit de Kamerhe, a confirmé sur Twitter : « La résidence de l’honorable Vital Kamerhe a été attaquée vers 4h30, ce dimanche 19 mai 2024, par un groupe d’hommes armés en tenue militaire. Deux des policiers commis à sa garde, ainsi qu’un des assaillants ont perdu la vie. L’honorable Vital Kamerhe et sa famille sont sains et saufs, leur sécurité a été renforcée. »
Qui est Christian Malanga, l’homme à la tête de l’assaut raté ?
À la tête de ces assaillants, qui ont reconnu appartenir à la diaspora congolaise et qui ont exprimé leur ras-le-bol contre le pouvoir en place, se trouvait Christian Malanga, parlant français, anglais et lingala, dans un live diffusé sur Facebook lorsqu’il menait leur opération. D’après nos sources, il a été tué par la Garde.
Né le 2 janvier 1983, Christian Malanga est un homme politique, homme d’affaires et ancien officier militaire congolais. Après avoir participé aux élections parlementaires contestées en 2011, il a formé le Parti congolais uni (UCP) en 2013. Cette formation politique a pris position en faveur du retour au Zaïre, l’ancien nom de la RDC. Malanga a également été nommé premier ambassadeur de la Liberté religieuse internationale lors d’une table ronde en 2013. En 2017, il a créé un gouvernement en exil à Bruxelles, donnant naissance au Nouveau Zaïre.
Après son service militaire, Malanga a fondé sa propre entreprise, Malanga Congo, engagée dans des projets de travaux publics et de passation de marchés. Ces activités lui ont donné une base solide pour sa carrière politique, et il s’est présenté aux élections législatives en tant que candidat indépendant de l’opposition en 2011.
La capitale congolaise reste sous haute tension, avec des blindés positionnés autour du Palais de la Nation et une présence militaire renforcée. Les autorités congolaises ont lancé une enquête pour déterminer les motivations et les soutiens éventuels des assaillants. Une conférence de presse est attendue dans la journée pour fournir plus de détails sur l’opération et les mesures prises pour garantir la sécurité dans la capitale.
Cette tentative de déstabilisation intervient dans un contexte politique déjà tendu en RDC. Vital Kamerhe, figure politique influente et potentiel candidat à la présidence, a été récemment au cœur de plusieurs controverses et enquêtes judiciaires. Sa proximité avec le président Tshisekedi en fait une cible privilégiée pour ses opposants.
Les autorités congolaises devront maintenant renforcer la sécurité et restaurer la confiance de la population. Cette tentative de coup d’État met en lumière les tensions sous-jacentes et les défis sécuritaires auxquels le pays est confronté. La réaction rapide des forces de sécurité et la neutralisation des assaillants ont permis d’éviter un scénario plus catastrophique, mais des questions subsistent quant à la stabilité politique et à la gestion des conflits internes en RDC.