18 mai 2018, à Kinshasa, sur le Boulevard Triomphal, un cercueil gît par terre. Autour, des dizaines des policiers qui encerclent le lieu. C’est la dépouille de Rossy Mukendi Tshimanga, l’activiste congolais tué le 25 février dernier durant les échauffourées entre les forces de l’ordre et les militants de l’opposition, descendus ce jour-là dans les rues, à l’appel des Catholiques, pour réclamerPour réclamer « l’application intégrale » de l’accord de la Saint-Sylvestre.
L’image choque, tant à travers l’opinion publique du pays que le monde entier. Jusqu’au bout, Rossy Mukendi aura donc été persécuté par la police congolaise. Il faudra plusieurs heures pour que la dépouille soit rendue aux organisateurs des funérailles et portée en terre. A la base, alors qu’une foule des centaines de partisans et hommes politiques tentaient de prendre ce boulevard symbolique en direction du cimetière où était censé être enterré cet homme déjà considéré comme un héros national, des éléments de la police se sont alors interposés, craignant une manifestation soudaine.
Si les images provoquent un tollé, les conséquences logiques de ces funérailles mouvementées, après plus de deux mois de prise d’otage de la dépouille, sous forme d’interdiction d’enterrement, seront peut-être constatées beaucoup plus tard, et là où on s’y attendait le moins. Près de deux semaines, jour pour jour, Fernand Mukendi, rend subitement l’âme.
Logiquement, la colère laisse place aux accusations. Tout de suite, les militants et anti-Kabila montent au créneau pour lier cette nouvelle tragédie qui terrasse la famille Mukendi à celle du « héros » Rossy. « Le père du héros national Rossy Mukendi, est mort de stress et d’angoisse. Je rends hommage à un homme que j’ai bien connu et apprécié. Je suis triste en colère. Encore une victime de la Kabilie qui n’a d’autre valeur que le pouvoir pour le pouvoir« , lance ouvertement Sindika Dokolo, leader du mouvement citoyen « Les Congolais debout » via son compte Twitter.
Comme M. Dokolo, l’avocat Jean-Claude Katende est aussi sans équivoque. « La nouvelle du décès du père de Rossy MUKENDI est un grand choc », dit-il avant d’accuser également le pouvoir. « Cet homme est mort par crise cardiaque à cause de toutes les injustices qu’il a subies à l’occasion du décès de son fils. Il a été privé de voir le corps de son fils pendant plusieurs mois et lors de l’enterrement il a assisté impuissant au spectacle où la police a profané le cercueil de Rossy MUKENDI en plein jour. L’Etat n’a rien fait contre les policiers qui ont agi de la sorte… »
Il sera néanmoins difficile d’établir les liens tangibles. Du côté de l’Hôpital de l’amitié sino-congolaise, située dans la commune de N’djili à l’Est de Kinshasa, où M. Mukendi a rendu l’âme, le staff médical a catégoriquement refusé de répondre aux questions de POLITICO.CD. « Nous ne voulons pas de problèmes« , répond un médecin qui a requis l’anonymat.
Cependant, comme les acteurs politiques, la famille pense également que la disparition du père ait définitivement un lien avec celle du fils. « Il souffrait de l’hypertension. Mais son état a toujours été sous contrôle. Sauf que depuis la mort de Rossy, rien n’allait vraiment. En plus, tous les stress et les problèmes engendrés durant les obsèques ont sérieusement entamé son état de santé. Il a commencé à avoir des complications dès le soir des obsèques« , explique un membre de la famille qui a requis l’anonymat.
Selon des sources médicales, M. Mukendi est bel et bien mort à la suite d’un infarctus du myocarde, déclenché par une l’hypertension artérielle. Néanmoins beaucoup de facteurs doivent être pris en compte. Le stress, explique le Docteur Jean-Pierre Kayembe à la rédaction de POLITICO.CD, est un des facteurs principaux.
Le Dr. Kayembe, un médecin traitant à Kinshasa, ajoute que le comportement des personnes autour de la victime doit être pris en compte sur le pronostic vital ; notamment un acheminement rapide du concerné vers l’hôpital et une prise en charge urgente pourrait sauver la victime. « En cas d’infarctus du myocarde, les médecins doivent intervenir dans un délai de 90 minutes pour éviter des lésions cardiaques irréversibles« , dit-il.
« Au début de la crise, le patient ressent une violente douleur thoracique décrite comme un coup de poignard. Il devient fatigué, essoufflé, et est victime de nausées. Face à de tels symptômes, appelez immédiatement les services médicaux. Plus vous trainez, moins la personne a des chances de s’en sortir« , ajoute-t-il.
Dans le monde, beaucoup meurent subitement à cause de cette crise. De Papa Wemba à Michael Jackson, on retient souvent que le stress soit à la base du déclenchement. A Kinshasa cependant, on en saura jamais plus sur la mort de Ferdinand Mukendi. Toujours est-il que le nom cette famille meurtrie sera désormais plus que lié au destin du pays.
Litsani Choukran.