Le 2 janvier 2017, alors que le monde entier se félicite d’un accord arraché au bout de la nuit de la Saint-Silvestre à Kinshasa, fixant les conditions de départ du président Joseph Kabila et laissant entrevoir une sortie de crise en République démocratique du Congo, la Majorité Présidentielle viendra doucher tous les espoirs. Lambert Mende, cadre de la majorité, annonce que sa famille politique a signé cet accord « sous réserve », dénonçant le manque d’inclusivité, et bloquant ainsi son application, alors qu’une course contre la montre devrait être engagée afin d’organiser les élections à la fin de l’année 2017 comme prévu.
Le MLC du côté de Kabila
En filigrane, la majorité a raison. Plusieurs opposants n’ont en effet pas signé cet accord. Si les ministres du gouvernement Bandibanga, qui font alors partie des récalcitrants, viendront finalement signer, une coalition politique fait tourner la montre, se fait désirer et tend les nerfs de la classe politique. Il s’agit du Mouvement de Libération du Congo (MLC), dirigé alors depuis les prisons de la Cour Pénale Internationale (CPI), par son leader incontesté, Jean-Pierre Bemba. Le parti de l’ancien vice-président, pourtant ennemi public de Joseph Kabila, que l’on accuse de l’avoir fait emprisonner, joue étrangement le jeu du pouvoir congolais, en bloquant l’application de l’accord.
A Kinshasa, on ne tarde pas à s’attaquer au MLC, y compris sa coalition du Le Front pour le respect de la Constitution. Le 14 janvier, sa crier gars, Eve Bazaïba se rend au Centre Interdiocésain, siège de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENC0), où elle signe finalement l’accord. Officiellement, le MLC et ses alliés ont changé leur position après « une injonction » de Jean-Pierre Bemba, qui a, à travers une correspondance, demandé à ses partisans et leurs alliés de signer l’accord en vue de permettre une première passation pacifique et civilisée du pouvoir au plus vite.
Néanmoins, cet épisode, comme d’autres, mettent en lumière des contacts entre le pouvoir et Jean-Pierre Bemba, qui reste un acteur majeur, malgré son emprisonnement depuis près de neuf ans. Dans les coulisses, beaucoup rapportent alors que des négociations directes ont eu lieu entre Kabila et le leader du MLC. Une situation qui sera peut-être prouvée par la suite.
Libération calculée?
En effet, en avril 2017, les rôles s’inversent. Alors que le Rassemblement, principale coalition de l’opposition et plusieurs autres partis refusent de signer l’arrangement particulier, qu’ils accusent de violer l’accord du 31 décembre 2016, à Kinshasa, le MLC fait sensation. Fidèle Babala, très proche de Jean-Pierre Bemba et Secrétaire général adjoint du MLC, fait irruption au Palais du peuple, siège du Parlement congolais, pour parapher l’entente. La furie qui s’en suivra n’est que logique. Le MLC, un mouvement issu des rébellions contre Kabila, et dont le leader paie encore le prix fort de son affrontement contre le président congolais, serait-il devenu collaborateur de ce dernier ?
Aujourd’hui, Jean-Pierre Bemba est acquitté par la CPI, une surprise générale que personne n’attendait. Auprès des congolais, ce leader au franc parler digne du maréchal Mobutu est perçu comme le seul à pouvoir réellement faire face à Kabila. Ses liens avec les militaires, y compris avec des anciens ex-FAZ intégrés dans les Forces armées de la RDC (FARDC), serait un avantage, à en croire plusieurs analystes.
Cependant, Bemba a néanmoins toujours été plus proche de Kabila durant la transition « 1+4 » qui a abouti aux premières élections libres au pays. Par ailleurs, sa libération est loin d’être anodine. Si la CPI a toujours été accusée à Kinshasa, d’avoir été « un instrument manipulé à la solde de Kabila », la libération de Bemba serait logiquement une action politique, avec des visées que personne ne peut imaginer.
De plus, cette libération intervient au même où le pouvoir de Kinshasa est une perte de vitesse. L’Angola, grand allier de Kabila, ou encore le Rwanda, ont haussé le ton pour demander la tenue des élections à la fin de cette année. La France et la Belgique sont également en colère contre Kinshasa. Dans ce décor, et alors que Kabila est dos au mur, Bemba démarque soudainement, au risque de tout bouleverser.
Gaston Engbaka