« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux », mettait en garde un homme sage. Voilà trois ans que les Congolais se dressent pour l’avènement du premier transfert démocratique de pouvoir dans un pays ravagé. A cela s’ajoute pas moins des dizaines d’années de crise, d’injustice, de tragédie et même fatalité qui déciment tout un peuple, dès l’aube de la naissance de cette nation.
Un matin du lundi 19 septembre 2016 à Kinshasa, des hommes, des jeunes et des femmes sont sortis dans la rue, fatigués d’attendre des élections qui ne viennent toujours pas. Déterminés, fougueux, justes de leur cause, ils seront cependant réprimés dans le sang. Plusieurs dizaines d’entre eux perdront ingratement la vie, sacrifices suprêmes et martyres de la démocratie qui doit naître ici au Congo.
Durant l’année qui suivra, à Lubumbashi, à Goma, à Beni, à Butembo ; un peu partout, le Congo profond bouillonne d’envie de liberté, il voit ses enfants payer cher de leurs vies dans les rues, déterminés à arracher la tenue de ces élections inéluctables. Des centaines seront emprisonnés. D’autres, comme les Rossy Mukendi ou les Luc Nkulula, seront victimes d’un spectacle désolant de la banalisation de vies humaines par un pouvoir oppresseur et écœurant. Des femmes seront torturées, des bébés gazés, des prêtres catholiques molestés. Jamais, ici au Congo, des hommes n’ont été à la fois si fiers et écrasés. Jamais un pouvoir n’a tant fait de mal à une nation et à son propre peuple, s’opposant à ses aspirations légitimes de liberté.
Peu importent les sacrifices, du moment qu’une lutte noble apporte ses fruits. Le 30 décembre, les combattants congolais de la liberté sont finalement arrivés à Canaan. Malgré les dernières tentatives de résistance d’institutions et personnes toujours farouchement opposées au vent de la liberté, des millions de personnes ont bravé la nature et les tracasseries pour voter un nouveau président et des nouveaux députés. Le peuple s’est exprimé, les martyrs auraient alors pu se reposer en paix et être fiers de ce que ce pays, au bout des sacrifies énormes, a accompli.
Mais voilà. Un bateau chavire souvent à bon port. Une semaine après ce vote historique, ses résultats sont théâtres d’une martingale politique émétique. Rumeurs, bras de fer, torpillage, diabolisation, malice, négociations, tripatouillage, gèle, modification, falsifications, mensonges… telles sont les pratiques actuelles autour de la situation en RDC. Chacun veut gagner, y compris sans le Congo.
La vérité des urnes, réclamée d’un camp à l’autre, farouchement soutenue par des prêtres catholiques fiers et combatifs, est au cœur d’un marchandage qui ne dit pas son nom. La Commission électorale est sur le point de publier des résultats qui seraient finalement loin des aspirations populaires. Une fois de plus, le Congo devrait se contenter du moindre mal, d’un peu de liberté pour un peu de sécurité. La vérité, la vraie vérité, serait impossible à atteindre, trop couteuse, trop compliquée.
58 ans après l’indépendance, alors que ces populations ont tout donné pour arracher ce premier transfert démocratique de pouvoir, le vainqueur pourrait être celui qui sera désigné dans un salon huppé, autour de quelques bouteilles frêles de champagne, loin de la vérité et des volontés de peuple qui mérite pourtant mieux. Mais la vérité des urnes cessera de l’être à partir du moment où elle sera négociée. Qu’importe, qu’il soit un opposant, le prochain Président ne saurait être issu des négociations politiques. A nouveau, le Congo est face à son destin, appelé à agir ou, une fois de plus, à se laisser faire. Dressons nos fronts!
Litsani Choukran,
Le Fondé.