Depuis le 1er janvier, l’opposant Moïse Katumbi ne s’est plus exprimé en public. Alors que sa coalition de LAMUKA, qui soutient Martin Fayulu, conteste toujours l’élection de Félix Tshisekedi, l’ancien gouverneur du Katanga entretient une position soignée, ne daignant jamais contester en public la victoire de celui qui était, il y a à peine quatre mois, son allié indéfectible.
Par ailleurs, les proches de Katumbi multiplient des signaux positifs envers Félix Tshisekedi. Gabriel Kyungu, un proche de l’ancien gouverneur, a même annoncé que ce dernier n’était pas l’ennemi de Félix Tshisekedi. L’Alternance pour la République (AR), une des multiples plateformes qui soutiennent Katumbi, a finalement « pris acte » de Prestation de serment de Tshisekedi jeudi dernier à Kinshasa.
Un long exil
Dans les coulisses, Katumbi compte bien sur Félix Tshisekedi pour regagner le pays qu’il a quitté depuis plusieurs années, au prix de délaisser Martin Fayulu, de plus en plus isolé. En effet, c’est depuis 2016 qu’il s’est exilé en Europe, affrontant le régime de Joseph Kabila à distance. Durant les négociations de la Saint-Sylvestre en décembre 2016, le camp du président Kabila a systématiquement refusé que son cas soit retenu parmi les emblématiques que la médiation catholique devait régler ultérieurement.
Pour la petite histoire, le 16 juin 2017, l’ancien gouverneur du Katanga rend publique une lettre du Comité des Droits de l’homme de l’ONU adressée à l’un de ses avocats. Dans cette correspondance, l’organe de l’ONU affirme prendre en compte la plainte déposée contre la RDC par des avocats de Katumbi, tout en demandant aux autorités congolaises de sécuriser son retour au pays. Dans la foulée, l’opposant annonce son retour « imminent », « le temps de faire mes valises et je rentre« , dit-il à la presse en souriant.
Contre toute attente, le gouvernement congolais, qui a contraint l’opposant à l’exil et s’est longtemps opposé à son retour, change de ton. Le 19 juin, le ministre congolais de la justice, Alexis Thambwe affirme même que Moïse Katumbi était libre de regagner le pays. « Nous avons reçu une note sur son cas du Comité des droits de l’homme de l’ONU, avec des mesures provisoires. Monsieur Katumbi n’a pas un problème avec le Président, ni avec le gouvernement. Il peut rentrer au Congo quand il veut« , a dit M. Thambwe.
Des affaires en cascades
Le lendemain, le Procureur Général de la République, Floribert Kabange enfonce le clou. Dans une lettre adressée à l’avocat de Moïse Katumbi, Me Jean Joseph Mukendi, et datée du 20 juin 2017, le PGR annonce retirer à l’ex-gouverneur du Katanga l’autorisation de séjourner à l’étranger pour de raison médicales.
En effet, Moïse Katumbi a quitté le pays en 2016 pour se faire soigner à l’étranger. Un accord a été trouvé avec les autorités judiciaires, lui interdisant, pendant la durée de son séjour à l’étranger, d’évoquer notamment la procédure en justice contre sa personne. Néanmoins, durant son long séjour, qualifié depuis d’exil politique, Katumbi semble ne s’être conformé à cette exigence.
Etrangement, c’est du côté de Moïse Katumbi que l’on apprécie peu cette convocation à se présenter devant la justice. « C’est encore un nouveau piège que concoctent les sbires du pouvoir« , confie un proche de l’opposant congolais.
Conflit personnel avec Kabila?
Un an plus tard, à l’approche de l’élection Présidentielle, la justice congolaise annonce l’ouverture d’une information judiciaire contre Moïse Katumbi que la police belge a interpellé à Bruxelles en possession « d’un passeport litigieux ».
Katumbi a en effet a été interpellé à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem avec un passeport falsifié, mais a néanmoins été autorisé à rester en Belgique pour y régulariser sa situation. L’ancien gouverneur du Katanga s’est défendu en accusant le régime du président Joseph Kabila d »instrumentaliser » les services de l’Etat congolais. Selon lui, l’incident provient du fait que « les passeports semi-biométriques » tels que le sien ont été « retirés du système » par les autorités congolaises.
Cette affaire s’ajoutera à une autre, celle de la détention d’un passeport italien. Alors qu’il était plutôt attendu par les autorités judiciaires à Kinshasa Moïse Katumbi, qui a vu son passeport semi-biométrique être désactivé, se voit refuser un nouveau passeport à l’ambassade la RDC à Bruxelles.
Libre de rentrer finalement?
En août, il tente de regagner Lubumbashi mais son jet privé est interdit d’atterrir. Il tente par la suite de forcer le passage au poste frontalier de Kasumbalesa avant de faire un face à face de deux jours avec les autorités congolaises et ses partisans. Alors que la date limite pour le dépôt des candidatures pour la Présidentielle expire, Moïse Katumbi ne regagnera finalement pas le pays.
Le fait est que Joseph Kabila et Moïse Katumbi ont pour l’instant une dent dure entre eux. Dans une longue interview à Jeune Afrique, l’ancien président congolais a une fois de plus qualifié l’ancien gouverneur de « Judas », laissant entrevoir que son retour au pays était impossible. « Moïse Katumbi, c’est un peu Judas Iscariote : il m’a trahi sans même y mettre les formes, sans aucune élégance« , affirme-t-il.
Mais les choses ont changé. Félix Tshisekedi son ancien allié au sein de la coalition Rassemblement, vient d’arriver au pouvoir. Et déjà, du côté de Katumbi, malgré le soutien farouche apporté à Martin Fayulu et même la détérioration des rélations entre l’ancien gouverneur et le nouveau président, on espère un retour au pays.
Des proches de Katumbi commencent déjà à appeler à la décrispation souhaitée dans l’accord de la Saint-Sylvestre, y compris le retour de leur leader. Alors que Félix Tshisekedi a annoncé la libération prochaine des prisonniers politiques, il est possible qu’il ne s’oppose pas au retour de son ancien allié au pays.
« C’est un sujet qu’on ne peut pas évoquer pour l’instant« , écarte cependant l’actuel pouvoir à Kinshasa. Katumbi pourrait bien revenir, même si, au chapitre judiciaire, des poursuites sont toujours en cours contre le leader de Ensemble. Une autre histoire sans doute.