Dans une enquête publiée ce mardi 12 juillet 2016, Greenpeace Afrique accuse le Gouvernement congolais d’avoir violé le moratoire qu’il a lui-même mis en place en 2002 sur l’attribution de nouveaux titres d’exploitation forestière. L’ONG illustre ses accusations par trois cas :
« Une enquête de Greenpeace Afrique révèle que le gouvernement congolais a accordé en 2015 trois concessions d’une surface totale de 650.000 ha à la Société la Millénaire Forestière SARL (SOMIFOR) dans les provinces de l’Equateur et de la Tshuapa, ainsi qu’à la société la Forestière pour le Développement du Congo SARL (FODECO) dans la province de la Tshopo, violant ainsi le moratoire qu’il a lui-même mis en place en 2002 sur l’attribution de nouveaux titres d’exploitation forestière. », dit le communiqué de l’ONG.
Greenpeace estime que les pré-conditions pour lever ce moratoire sont bien loin d’avoir été atteintes, et qu’une telle mesure donnerait lieu à une situation encore plus chaotique dans le secteur forestier.
« Nous exigeons du gouvernement congolais de non seulement annuler immédiatement les contrats des concessions de SOMIFOR et celle de FODECO présentés par Greenpeace, mais aussi de déterminer s’il y a eu d’autres violations du moratoire et de s’assurer que les officiels impliqués dans ces illégalités soient punis », a déclaré Irène Wabiwa Betoko, Responsable de la campagne Forêt à Greenpeace Afrique.
Dans une lettre datée du 9 juin dernier, Greenpeace a demandé des clarifications sur ces violations flagrantes du moratoire au Ministre de l’Environnement, mais n’a pas reçu de réponse à ce jour. Ce dossier sera également transmis au Procureur Général de la République de la RDC afin qu’il puisse enquêter sur ces affaires.
L’ONG pointe du doigt Bienvenu Liyota Ndjoli, ancien Ministre de l’Environnement.
« Le 30 janvier 2016, Robert Bopolo Mbongeza, le Ministre de l’Environnement, Conservation de la Nature et Développement durable (MECNND), a déclaré que “les démarches sont en cours” pour obtenir du gouvernement la levée du moratoire. Au moment de cette annonce, le Ministre ne pouvait pas ignorer que son prédécesseur avait illégalement attribué ces trois nouvelles concessions forestières. Les chercheurs de Greenpeace se sont procuré ces contrats signés en 2015 par le Ministre de l’Environnement et du Développement durable de l’époque, Bienvenu Liyota Ndjoli. Dans le rapport publié aujourd’hui, Greenpeace présente les preuves qu’avec ces attributions faites dans le secret, le gouvernement congolais contourne le moratoire avec l’intention de le lever avant que les conditions préalables ne soient remplies, menaçant ainsi la deuxième plus grande forêt tropicale au monde. »
Contexte :
D’une superficie de 155 millions d’hectares, la forêt de la RDC représente environ un dixième de ce qu’il reste de la forêt tropicale dans le monde. Elle abrite des éléphants de forêts, des gorilles, des bonobos, des okapis, des centaines d’espèces d’oiseaux et des milliers de plantes. Le moratoire a été décrété en 2002, juste après la fin de la guerre, pour empêcher le pillage de ces immenses forêts et protéger ainsi leur biodiversité. Avec l’appui de la Banque Mondiale, la RDC était supposée transformer son secteur forestier en une industrie durable qui devait générer des milliards de dollars de revenus et des milliers d’emplois, tout en protégeant la forêt. Pourtant, au lieu de mettre en place les mesures auxquelles il s’était engagé, le gouvernement congolais a violé à de nombreuses reprises le moratoire en accordant de nombreux titres illégaux, alimentant la corruption et créant d’énormes dommages économiques et sociaux.