La molécule thérapeutique mAb114, jugée efficace pour le traitement curatif contre la maladie à virus Ebola à l’issue d’un essai clinique mené au cours de l’épidémie d’Ebola qui sévit au Nord-Kivu est en réalité la propriété du gouvernement américain apprend POLITICO.CD des sources du ministère de la santé de la RDC et de l’organisation mondiale de la santé, OMS.
« En fait l’idée de prélever le sérum des survivants et l’utiliser pour soigner vient bien du professeur Jean-Jacques Muyembe. Mais la molécule thérapeutique a été développée par un laboratoire américain. C’est pour ça que c’est le gouvernement américain qui détient la propriété de la molécule » explique à POLITICO.CD une source du ministère de la santé, qui a suivi de près l’essai clinique.
« Les professeurs Jean-Jacques Muyembe-Tamfum et Sabue Mulangu sont répertoriés comme inventeurs de la demande de brevet relative à mAb 114, US Application No.62/087, 087 (PCT Application No.PCT/US2015/060733) liés aux anticorps anti-virus Ebola et à leur utilisation; bien qu’ils fassent partie des inventeurs de cette demande de brevet, l’invention en question appartient au gouvernement des États-Unis » écrit une note de l’organisation mondiale de la santé datant du 18 octobre 2018 en lien avec l’essaie clinique de la molécule thérapeutique mAb114, consultée par POLITICO.CD.
« Et les professeurs Jean-Jacques Muyembe-Tamfum et Sabue Mulangu n’ont pas reçu d’argent pour cette invention et, étant donné la faible valeur commerciale des produits obtenus (limités à une utilisation lors d’épidémies d’Ebola Zaïre), ils estiment peu probable qu’ils recevront des revenus en tant qu’inventeurs à l’avenir » poursuit la même note consultable en ce lien.
Le 24 novembre 2018, le comité d’éthique de l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Kinshasa a émis, par sa décision ESP/CE/129/2018, un avis favorable au protocole de l’essai clinique randomisé portant sur la praticabilité, l’innocuité et l’efficacité des traitements expérimentaux des patients atteints de la maladie à virus Ebola (MVE) annonçait un communiqué rendu public par le ministère de la santé à la même date.
« Depuis le début de l’épidémie d’Ebola au Nord-Kivu, quatre molécules thérapeutiques sont utilisées pour traiter les patients dans tous les centres de traitement d’Ebola (CTE) installés, à savoir le mAb 114, ZMapp, Remdesivir et Regeneron » écrivait le document.
Jusqu’à présent, ces quatre traitements thérapeutiques ont été administrés à la majorité des patients Ebola de l’épidémie actuelle à titre compassionnel, ou, plus formellement, au titre du protocole d’utilisation contrôlée en situation d’urgence d’interventions non homologuées (MEURI). Toutefois, l’utilisation des traitements thérapeutiques sous ce protocole ne prévoit pas la généralisation des preuves scientifiques collectées sur l’efficacité et l’innocuité de chacun de ces traitements. Par ailleurs, l’utilisation à titre compassionnel est seulement permise lorsqu’il n’y a pas d’essai clinique en cours indique la même source.
« Le comité scientifique mixte s’est désormais mis d’accord sur un protocole d’essai clinique. Les informations précieuses sur l’efficacité des traitements obtenues lors de l’essai clinique permettront de développer ces traitements à une plus grande échelle pour sauver plus de vies » peut-on lire dans le texte disponible sur la mailing liste du ministère de la santé.
« L’essai clinique a commencé cette semaine avec trois des quatre molécules thérapeutiques, à savoir Zmapp, mAb 114 et Remdesivir, uniquement dans le CTE de Beni. Dans le futur, l’essai pourra être étendu aux autres sites et inclure la quatrième molécule. Pour l’instant, les autres CTE en place continueront à administrer les traitements thérapeutiques à titre compassionnel selon le protocole MEURI ».
D’un point de vue pratique, le patient (ou sa famille) devra donner son consentement ferme et éclairé pour participer à l’essai clinique et bénéficier d’un traitement thérapeutique, tout comme c’était le cas lors l’utilisation à titre compassionnel. La différence majeure est que le choix du traitement administré au patient se fera de façon randomisée, c’est-à-dire il ne se fera plus sur base d’une décision des médecins soignants du CTE, mais se fera par tirage au sort pour éviter tout risque de subjectivité rapportait la note.
« Les patients peuvent refuser de participer à l’essai clinique. Ils recevront tout de même un niveau de soin égal aux patients participants et continueront à bénéficier des traitements symptomatiques (tels que la réhydratation, les transfusions sanguines, le suivi de la pression sanguine) dont les bénéfices restent importants. Les patients participant à l’essai clinique continueront à être traités dans le CTE, les traitements symptomatiques leur seront toujours administrés en plus des traitements thérapeutiques, et ils seront suivis par les cliniciens jusqu’à leur rétablissement complet ».
Le Professeur Jean-Jacques Muyembe, directeur Général de l’Institut National de Recherche Biomédicale (INRB), et le Dr Richard T. Davey Jr., directeur Adjoint de la Division de Recherche Clinique du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), sont les deux Investigateurs Principaux (PI) de cet essai clinique concluait le communiqué de presse.
Fiston Mahamba (@FMLarousse) | POLITICO.CD
Un commentaire
“En fait l’idée de prélever le sérum des survivants et l’utiliser pour soigner vient bien du professeur Jean-Jacques Muyembe. Mais la molécule thérapeutique a été développée par un laboratoire américain. C’est pour ça que c’est le gouvernement américain qui détient la propriété de la molécule”explique à POLITICO.CD une source du ministère de la santé, qui a suivi de près l’essai clinique.
Ce serait bien, sauf que l’idée de prélever le sérum de survivants et l’utiliser pour soigner les malades date de la première épidémie d’Ebola à Yambuku en Equateur en 1976 avec l’équipe du regretté Dr Firmin Krubwa. Ce sont ces prélèvements qu’il a fait qui ont par ailleurs servi aux américains du CDC d’Atlanta pour déterminer que le virus d’Ebola était un nouveau virus différent de celui de Marburg. Tout cela est documenté. Ce qui n’enlève rien aux mérites du Prof Muyembe d’avoir poursuivi les recherches.