Dans le temps, il suffisait que le bureau politique de la Majorité présidentielle de l’ancien Chef de l’État Joseph Kabila acte l’éjection d’un gouverneur, pour que s’en suive l’exécution, avec au passage, la suspension de l’Assemblée provinciale même, au moindre murmure.
De nos jours, le bureau politique de la MP, devenu Conférence des présidents du FCC, peut décider du départ d’un gouverneur, Atou Matubuana soit-il, pour être contredit par l’Assemblée provinciale, du Kongo central en espèce, sans craindre d’être fermée dans les jours qui suivent.
En effet, malgré le retrait de la confiance en le gouverneur du Kongo central Atou Matubuana et en son adjoint Justin Luemba par la Conférence des présidents du FCC ; en dépit de la délégation d’une forte délégation de ses cadres au Kongo central pour s’assurer de la fin du règne de l' »enfant rebelle » sur la province portuaire, l’Assemblée provinciale a brandit un carton rouge au FCC :
Une abstention, 19 voix pour et 21 voix contre la requête du procureur général près la Cour de cassation, la messe a été dite mardi 24 septembre par les représentants Ne Kongo : Atou Matubuana et Justin Luemba n’ont rien à faire devant les barreaux parce qu’ils ont à donner pour le développement du Kongo central. Les élus provinciaux ont préféré « l’immortalité » de la vidéo du scandale sexuelle, à « la moralité » made in la famille politique de Joseph Kabila, qui en réalité, dans ce scandale, a trouvé l’opportunité de placer un fidèle parmi les fidèles, aux commandes de ladite province.
Qu’est-ce qui a changé ?
La toute puissante famille politique du « Raïs » qui a régné sur le Congo durant 12 ans sans partage, a laissé ses plumes aux élections présidentielle et législatives jumelées du 30 décembre 2018. S’il a conservé une grande partie de son pouvoir avec ses majorités dans les deux chambres du parlement et dans la quasi-totalité des Assemblées provinciales, la coalition politique FCC a perdu la présidentielle, laissant émerger à la tête du pays un CACH, Félix Tshisekedi qui a grandi dans l’UDPS. Ce qui change beaucoup.
Encore fort sur la scène politique congolaise, le FCC est néanmoins diminué d’autant plus qu’il ne nivèle plus tous les leviers du pouvoir, et se partage même le gouvernement nationale avec son allié CACH. En matière de suspension des gouverneurs, la parole revient au président de la République et au ministre de l’intérieur. Institutions que le camp Kabila ne contrôle plus.
Ainsi, les députés provinciaux pouvaient aisément dire non à la requête du procureur, se sachant paisiblement à l’abri de l’épée de damoclès, qui jadis était suspendu sur les assemblées provinciales, avec effets réels aux Assemblées provinciales de l’ancienne province de l’équateur, ou de l’actuel province du Kasaï.
Enjeux de l’heure
La coalition FCC-CACH a plus d’une fois laissé transparaître de la méfiance entre les alliés qui la composent. Toujours dans ce secteur des gouverneurs, l’on se souvient de cette victoire au Sankuru de l’indépendant Stéphane Mukumadi, dont l’indépendance a été remise en question par le perdant FCC Lambert Mende :
« Un indépendant ? Mon œil ! C’est UDPS ! (parti politique du président Tshisekedi) », s’était il exclamé après sa défaite pour dire que, c’est l’UDPS qui a conquis cette province dans laquelle le FCC est majoritaire à l’Assemblée provinciale. Pour CACH et FCC, le calcul ici est simple : contrôler la province portuaire, productrice des recettes.
Survécu au vote des élus provinciaux alors qu’il continue à être malmené par sa famille politique, Atou Matubuana ne serait-il pas en train de lever la tête pour voir où se trouve un autre leader politique à qui il peut faire allégeance ? Surtout sachant que, mis à part l’Alesmblée provinciale, son sort dépend aussi du ministre de l’intérieur et du président de la République.
Le dilemme
La vidéo des responsables de la province du Kongo central impliqués dans un scandale sexuel a choqué toute une nation. Au-delà des calculs politiciens, le FCC a un argumentaire. Argumentaire qui s’inscrit dans la ligne de mire de la politique du président de la République Félix Tshisekedi : État de droit, changement de mentalité ne cessent de resonner depuis son avènement au pouvoir.
Lui dont, officiellement, son parti politique UDPS n’a enregistré qu’une victoire aux élections des gouverneurs de province, la province du Kasaï oriental, voudra-t-il saisir la balle au bon afin de soutenir un Atou Matubuana affaibli et persécuté pour obtenir son allégeance ? Ou fera de ce cas, un exemple de l’État de droit, de la moralisation de la vie publique que poursuit la structure de changement de mentalité créée à cette fin ? Ça vaut le coût de raisonner. Mais quoi qu’il arrive, Félix Tshisekedi est attendu au tournant.