Loin d’être un terrain conquis, Bukavu est avant tout un terrain politique où des grands leaders se frottent. Vital Kamerhe est donné favori dans le coin, il y a été le député le mieux élu des législatives du 30 décembre 2018. Mais rien n’est acquis au Congo. A l’aéroport de Kavumu, niché entre les belles collines sud-kivutienne, des visiteurs atypiques affluent….
Des politiques, des journalistes, et même des simples admirateurs. Ils forment les premiers signaux d’une ruée, dans l’attente d’un événement. A l’entrée de la ville, le long du majestueux lac Kivu, c’est un grand panneau géant qui annonce les couleurs. On y voit Moïse Katumbi, le principal opposant congolais. « Tout le monde en parle ici. Les gens sont impatients de le voir » murmure Frank, le chauffeur, en pointant le doigt en direction du panneau publicitaire.
Un peu plus loin, dans cette ville certes pas grande, à la Place de l’indépendance, un autre panneau, comme tant, appelle à la mobilisation. « Ca va être intéressant. Ceux qui sont au pouvoir croient que cette ville leur est acquise alors que la population ici est surtout à la recherche de celui qui va réellement répondre à ses attentes », croit savoir Frank.
Selon les organisateurs, l’ancien gouverneur arrive mercredi dans la ville à l’issue de sa tournée dans la province voisine du Nord-Kivu. Moïse Katumbi y avait entamé un « Safari », dans le but de communier avec la population, trois ans après son départ en exil.Toutefois, derrière cette tournée, se joue également le jeu politique autour de l’opposition qui doit faire face à Félix Tshisekedi et Joseph Kabila, qui coalisent au pouvoir.
En effet, l’opposition congolaise coalisée au sein de LAMUKA est divisée. Martin Fayulu soutenu durant la présidentielle notamment par Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, conteste toujours l’élection de Tshisekedi. Alors que Bemba et Katumbi prônent plus tôt un regard tourné vers l’avenir. Cependant, dans cette guéguerre, et alors que l’opposition doit designer son Porte-parole institutionnel, Moïse Katumbi voit ses alliés le contester, alors qu’il dispose, de loin, de la première force d’opposition au parlement, avec une soixantaine d’élus à la chambre basse.
En venant à Bukavu, loin de ses terres conquises du Katanga, Katumbi tente également d’élargir son influence sur des terrains pourtant bataillés entre d’autres leaders, notamment Vital Kamerhe, Modeste Bahati, ou encore Néhémie Mwilanya. Mais la donne a changé. « Depuis l’arrivée au pouvoir de Félix [Tshisekedi], la population ici est un peu déçu. Si le président reste populaire, c’est surtout Kamerhe qui a un peu déçu avec cette histoire de 15 Millions« , lance Frank.
Car en effet, Vital Kamerhe a été cité dans une sombre affaire de 15 millions qui auraient été détournés, alors que la justice enquête. Par ailleurs, les deux autres prétendants sont également en perte de vitesse. Tous les deux étant avec Kabila, ils souffrent d’un rejet. Le mois dernier, le gouverneur de la province, Claude Nyamugabo Bazibuhe, lui aussi Kabila, a même été hué en pleine manifestation officielle aux côtés du président Tshisekedi.
A Bukavu, dans les petits carrefours, alors que le temps passe, des petits groupes discutent beaucoup de la politique. Et ils ont quasiment tous le nom de « Moïse » dans la bouche. A croire que l’homme est vraiment attendu, au tournant même. Car s’il a été victorieux dans le Nord, le Sud reste une autre affaire. Plus que quelques heures pour le découvrir.
Depuis la ville paisible,
Litsani Choukran,
POLITICO.CD.