Outre les inondations à Kinshasa, au Kasaï, au Kivu et à l’Équateur ; les tueries et manifestations contre la Monusco a Beni ; les congolais ont été choqués la semaine dernière par la parution sur les réseaux sociaux d’une correspondance du Coordonateur du Mécanisme national de suivi de l’accord cadre d’Addis-Abeba, MNS, adressée à l’Auditeur des FARDC, pour lui demander « le retrait » des mandats d’arrêts lancés contre les membres du M23.
Ils se sont indignés de voir une telle « gracieuse mesure de grâce » faite à des anciens bourreaux du peuple congolais, au moment où d’autres groupes rebelles comme les ADF continuent à décapiter ce même peuple de la RDC à Beni et environs. Certains qui ont vu dans cette correspondance une façon d’encourager les forces négatives d’opérer en RDC car in fine, elles seront graciées, ont accusé Félix Tshisekedi de « haute trahison ».
Face à ces réactions, le MNS a apporté un rectificatif, parlant d’une confusion des termes : « retrait » et « suspension « . En réalité, c’est la « suspension des mandats d’arrêts » qui a été demandée à l’Auditeur des FARDC, conformément à la feuille de route qui guide le MNS dans sa supervision de l’application des déclarations de Nairobi que le gouvernement a signées en 2013 avec le M23, s’est-il justifié.
La toile, la rue, ont grondé. Mais POLITICO.CD s’est donné la tâche de chercher de la lumière sur ce sujet. De nos recoupements, il résulte que la correspondance adressée à l’auditeur des FARDC et le rectificatif qui s’en est suivi sont en fait une conséquence d’une mésentente entre le Coordonnateur Claude Ibalanky et son adjoint Patrick Mutombo, en témoigne une autre correspondance non médiatisée sur ce feuilleton, sur laquelle politico.cd est tombé dans ses recherches.
Piège ?
La correspondance sous nos yeux (que nous nous gardons de publier pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu qui brûle déjà assez haut) est un blâme du Coordonnateur du MNS Claude Ibalanky à l’égard de son adjoint Patrick Mutombo. Il le reproche d’avoir distribué la lettre adressée à l’auditeur des FARDC, à des personnes qui n’étaient pas mises en ampliation. D’où sa fuite sur les réseaux sociaux.
Il se dégage de cette correspondance que la fameuse correspondance destinée à l’auditeur des FARDC était une proposition du coordonateur adjoint Patrick Mutombo faite à son titulaire Claude Ibalanky qui, à son tour, l’a signée. D’où le soupçon sur Patrick Mutombo d’avoir glissé expressément l’expression « retrait » dans cette correspondance, à la place de « suspension » inscrit dans la feuille de route.
Divergences
Le coordonnateur Claude Ibalanky apporte sa touche à la structure qu’il a trouvée. Sans s’y opposer, Patrick Mutombo a proposé à plusieurs reprises d’être associé aux innovations qu’apporte son titulaire, afin que celles-ci n’entrent pas en collision avec les dispositions qui encadrent la mission du MNS et que leur impact soit maximal. Jusqu’à ce jour, il ne s’est pas fait entendre. Les divergences d’approche, les divergences méthodologiques, constituent la principale cause du malaise entre Claude Ibalanky et Patrick Mutombo, raconte-t-on.
Et les finances dans tout ça ? Il est de coutume que lorsqu’un titulaire et son adjoint s’opposent le point d’achoppement soit les finances.
« Le Coordonnateur honoraire Denis Kalume avait instauré certains avantages sociaux pour les agents du MNS comme le transport, la communication… Aujourd’hui, elles n’existent plus. Pourtant à son époque, le MNS comptait 90 agents. À ce jour, nous ne sommes plus que 60. Donc, ce qui était fait du temps du Général Kalume pouvait continuer à l’être, vu que le nombre d’agents a baissé », fait-on observer.
Le MNS, une priorité pour Félix Tshisekedi
Arrivé au pouvoir à la suite des élections de décembre 2018, Félix Tshisekedi a placé le curseur sur la pacification de l’est de la RDC. Un objectif que poursuit aussi l’accord cadre d’Addis-Abeba dont le Mécanisme national de suivi, le MNS, se charge de superviser l’application. Continuité de l’État rime avec héritage de son prédécesseur Joseph Kabila.
Les milieux diplomatiques racontent que dès son arrivée au pouvoir, la plupart de partenaires de la RDC ont prodigué comme conseil au président Félix Tshisekedi, de crédibiliser les institutions de la République, s’il s’attendait à un accompagnement de leur part, dans sa quête de la paix entre autres.
C’est ainsi qu’en moins de deux mois au pouvoir, soit le 18 mars 2019, Félix Tshisekedi s’est empressé de doter un nouveau leadership au MNS, vu son aspect technique dans la poursuite de la paix par la voie diplomatique avec les pays voisins.
Dans son ordonnance présidentielle portant nomination du coordonnateur et du coordonnateur adjoint du MNS publiée le 18 mars 2019, il a fait confiance à celui qu’il est attribué le mérite de lui avoir introduit dans plusieurs salons des Chefs d’État de la sous région, Claude Ibalanky et à Patrick Mutombo, ancien conseiller de François Muamba au MNS (un autre proche de Félix Tshisekedi) pour diriger cette structure d’appui dans la lutte contre forces les négatives à l’est.
Le MNS et ses vieux démons
Comme dans le passé où hébergent encore déclarations de Engulu traduisant l’hostilité dans laquelle il vivait avec son titulaire François Muamba au prix du blocage de l’institution ; au présent, Claude Ibalanky et Patrick Mutombo semblent répéter l’histoire au risque d’éloigner les partenaires de la RDC désireux à nouveau d’appuyer le MNS dans sa mission. Par-ci par là, une médiation, notamment de François Muamba, considéré comme le trait d’union entre le coordonateur et le coordonateur adjoint, est souhaité .