« Je rends hommage au président Joseph Kabila. Aujourd’hui, nous ne devons plus le considérer comme un adversaire mais plutôt comme un partenaire de l’alternance démocratique dans notre pays« , déclare Félix Tshisekedi debout à Limete, au siège de l’UDPS, entouré d’une foule euphorique. Nous sommes le 10 janvier à Kinshasa. Il est trois heures du matin. La Commission électorale vient alors de déclarer le fils d’Etienne Tshisekedi victorieux de la Présidentielle. La déclaration sort de l’ordinaire, tant les familles Tshisekedi et Kabila se sont affrontées autour du pouvoir, en commençant par leurs paternels, d’un côté Mzee Laurent-Désiré Kabila, et de l’autre, Etienne Tshisekedi. Mais les choses vont changer.
Félix Tshisekedi, héritier du Sphinx, s’est allié à l’héritier du héros national « Mzee » pour conquérir le pouvoir. Si tout semble opposer les deux hommes, l’histoire ne les situent pas pour autant si loin, l’un de l’autre. En effet, c’est dans les mamelles de la lutte pour la démocratie que Félix Tshisekedi a tété. Derrière l’épaisse ombre de son père, loin du pays dans les années 85, FATSHI se forge, dans une diaspora Bruxelloise qui veut en découdre avec le maréchal Mobutu Sese Seko.
Loin de l’Europe, de l’autre côté du monde, un jeune homme est obligé de vivre clendestinement. Son père et sa famille sont poursuivis par le même Mobutu. En Tanzanie où il se fait appeler, pour des raisons de sécurité liée à sa clandestinité, Hippolyte Kanambe Mtwale, il est inscrit à l’école française de Dar es Salaam, mais s’occupe également des pêcheries que son père possédait alors sur le lac Tanganyika. En octobre 1996, il rejoint ce dernier, prend les armes et part à la chasse de Mobutu. Au même moment, dans les années 98, Félix Tshisekedi est obligé de vivre en exil à Bruxelles, regardant son père, Etienne Tshisekedi, tenir tête à Mobutu, dans les rues de Kinshasa.
Félix Tshisekedi et Joseph Kabila ne seront jamais vus en public. Et donc au 24 janvier 2019, le monde entier scrute le moindre détail entre les attitudes de deux hommes, qui s’affichent en Grands seigneurs, l’un passant le flambeau à l’autre, mais composant autour d’une coalition inédite. Mais vite, et sans doute peut-être liés par leur passé d’ancien exilés, le courant passe bien. Les sourirs fusent depuis la tribune d’honneur installé au Palais de la nation le jour de prestation de serment entre le deux.
Un détail précieux de cette nouvelle amitié qui commence, lorsque Félix Tshisekedi fait un malaise en direct à la Télévision, étouffé par le Gilet pare-balles qu’il n’a l’habitude de porter, c’est Joseph Kabila qui s’en presse d’intervenir auprès de son assistant, Michee Mulumba, lui donnant un conseil avisé : « Qu’ils [les médecins] ne le transportent pas. Qu’on lui donne un peu d’eau, et surtout qu’on lui enlève le gilet [par balles], tout ira bien ».
« Il n’y a qu’un seul Président et c’est Félix Tshisekedi », répète souvent Joseph Kabila aux cadres de sa coalition. “Un jour nous devrons même songer à lui [Kabila] rendre hommage pour avoir accepté de se retirer“, estime de son côté Félix Tshisekedi. “Pourquoi, compte tenu de son expérience, ne pas lui confier des tâches diplomatiques spéciales, faire de lui un ambassadeur extraordinaire du Congo ?” Interroge-t-il.
Les jours suivants, entre la remise et reprise, une visite à la Cité de l’UA et même un repas en privé qui feront la une des journaux, les deux hommes se trouvent une amitié inattendue. Ils composent ensemble, calmant chacun les démons de son camp et tentant de faire avancer un Congo qui n’en demandait pas moins.