Mardi 18 février 2020, la République démocratique du Congo (RDC) va célébrer le 14ème anniversaire de sa décentralisation politique et économique, dans la foulée de celui de sa Constitution promulguée le 18 février 2006, après adoption par le Parlement le 9 janvier 2005 et le peuple congolais par référendum à la fin de la même année. Le pays passe donc de 11 à 26 provinces.
« Faire en sorte que les provinces soient plus faciles à gouverner en rapprochant l’administrateur de l’administré et, surtout, en dotant le pouvoir provincial des moyens financiers de sa politique de développement avec la retenue à la source des 40% des recettes générées par les provinces« .
DES CHIMÈRES
Aux termes de l’article 2 de la Constitution du 18 février 2006, la République démocratique du Congo est subdivisée en 25 provinces plus la ville de Kinshasa. Les provinces sont administrées par un Gouvernement et une Assemblée provinciale. Dans la pratique, la Constitution encaisse son premier couac, sa première violation. Le président de la République en exercice, Joseph Kabila Kabange, nomme les bourgmestres des zones urbaines et les administrateurs des territoires, devant être pourtant élus par des échevins votés par la population locale.
Le motif évoqué pour justifier cet impair ? » Privilégier les élections présidentielle et législatives (nationales et provinciales), sur insistance et pression de l’opposition qui espérait remporter, haut la main, ces scrutins. La pyramide électorale était alors renversée.
Au terme de l’article 226, « les dispositions de l’alinéa premier de l’article 2 entreront en vigueur endéans 36 mois qui suivront l’installation effective des institutions politiques prévues par la présente Constitution ». Second couac, deuxième violation de la Constitution.
Le Chef de l’État argue des » moyens insuffisants » pour justifier la non application des dispositions relatives à la décentralisation et renvoyer leur application sine die. C’est longtemps plus tard, en 2015, que la loi relative à la décentralisation est votée et promulguée, soit à une année de la présidentielle prévue légalement en 2016.
La troisième violation de la Constitution est ce « refus déguisé à deux reprises » de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) d’organiser les élections municipales et locales en 2006 et en 2011 pour « manque d’argent ». La quatrième violation de la Constitution est cette décision du gouvernement central de transformer « la retenue à la base des 49% des recettes produites par les provinces » en « rétrocession aux provinces ».
De violation en violation, les sanctions suspensives des gouverneurs de province prises par les Assemblées provinciales sont, elles-mêmes, » suspendues » cavalièrement par soit le Premier ministre soit le ministre de l’Intérieur ! Des sessions des Assemblées provinciales sont même suspendues dans la foulée…
De la loi sur la péréquation destinée à faire un partage équilibré des ressources nationales aux provinces mal servies par la nature, les gouvernants en parlent peu.
Quant aux conférences annuelles des gouverneurs de province, c’est parti pour la gloire. En 2011, des gouverneurs en poste, élus députés nationaux, avaient été contraints par Kinshasa à opter pour les fonctions de gouverneur !
LA SARABANDE : 6 A 21, DE 21 À 9 PUIS DE 11 A 26
C’est à une véritable sarabande des provinces que la RDC est soumise depuis son accession à la souveraineté internationale, le 30 juin 1960. Non seulement que le pays a changé plusieurs fois de nom depuis son indépendance (République du Congo de 1960 à 1964, République démocratique du Congo de 1964 à 1971, République du Zaïre de 1971 à 1997, République démocratique du Congo à partir de mai 1997 après la chute du maréchal Mobutu renversé par Laurent Désiré Kabila), le nombre des provinces est passé successivement de 6 à 9, puis de 11 à 26 à la suite de l’adoption par le Parlement, le 9 janvier 2015, de la loi relative au redécoupage du pays.
L’article 3 de la Constitution du 18 février 2006 a prévu des entités territoriales décentralisées que son la ville, la commune, le secteur et la chefferie dotées de la personnalité juridique et jouissant de la libre administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques.
Quatorze ans plus tard, ces entités territoriales ne sont pas mises en place par « manque de bonne volonté politique plutôt que de moyens financiers » selon la version officielle, soutiennent les analyses politiques. Ce découpage est effectif depuis 2015.
NOUVEAU DÉCOUPAGE TERRITORIAL DE LA RDC EN 26 PROVINCES
- Equateur (anc. Equateur)
Chef-Lieu : Mbandaka
Langue : Lingala
Superficie : 103 902 km²
2. Sud-Ubangui (anc. Equateur)
Chef-Lieu : Gemena
Langue : Lingala
Superficie : 51 648 km²
3. Nord-Ubangui (anc. Equateur)
Chef-Lieu : Gbadolite
Langue : Lingala
Superficie : 56 644 km²
4. Mongala (anc. Equateur)
Chef-Lieu : Lisala
Langue : Lingala
Superficie : 58 141 km²
5. Bas-Uele (anc.Province Orientale)
Chef-Lieu : Buta
Langue : Lingala
Superficie : 148 331 km²
6.Haut-Uele (anc.Province Orientale)
Chef-Lieu : Isiro
Langue : Lingala
Superficie : 98 683 km²
7. Ituri (anc.Province Orientale)
Chef-Lieu : Bunia
Langue : Swahili
Superficie : 65 658 km²
8. Kongo Central (anc.Bas-Congo)
Chef-Lieu : Matadi
Langue : Kikongo
Superficie : 53 920 km²
9. Kinshasa
Langue : Lingala
Superficie : 9 965 km²
10. Mai-Ndombe(anc.Bandundu)
Chef-Lieu : Inongo
Langue : Lingala
Superficie : 127 465 km²
11. Kwilu (anc.Bandundu)
Chef-Lieu : Bandundu
Langue : Kikongo
Superficie : 78 219 km²
12. Kwango (anc.Bandundu)
Chef-Lieu : Kenge
Langue : Kikongo
Superficie : 89 974 km²
13. Tshuapa (anc.Equateur)
Chef-Lieu : Boende
Langue : Lingala
Superficie : 132 957 km²
14. Tshopo (anc.Province Orientale)
Chef-Lieu : Kisangani
Langue : Swahili
Superficie : 199 567 km²
15. Sankuru (anc.Kasaï Oriental)
Chef-Lieu : Lusambo
Langue : Lotetela
Superficie : 104 331 km²
16 .Kasaï (anc.Kasaï Occidental)
Chef-Lieu : Tshikapa
Langue : Tshiluba
Superficie : 95 631 km²
17. Kasaï Oriental(anc.Kasaï Oriental)
Chef-Lieu : Mbuji-Mayi
Langue : Tshiluba
Superficie : 9 481 km²
18. Kasaï Central (anc.Kasaï Occidental)
Chef-Lieu : Kananga
Langue : Tshiluba
Superficie : 60 958 km²
19. Lomani (anc.Kasaï Oriental)
Chef-Lieu : Kabinda
Langue : Tshiluba
Superficie : 56 426 km²
20. Nord-Kivu
Chef-Lieu : Goma
Langue : Swahili
Superficie : 59 483 km²
21. Sud-Kivu
Chef-Lieu : Bukavu
Langue : Swahili
Superficie : 65 070 km²
22. Maniema
Chef-Lieu : Kindu
Langue : Swahili
Superficie : 132 520 km²
23. Tanganyika (anc.Katanga)
Chef-Lieu : Kalemi
Langue : Swahili
Superficie : 134 940 km²
24. Haut-Katanga (anc.Katanga)
Chef-Lieu : Lubumbashi
Langue : Swahili
Superficie : 132 425 km²
25. Lualaba (anc.Katanga)
Chef-Lieu : Kolwezi
Langue : Swahili
Superficie : 121 308 km²
26. Haut-Lomani (anc.Katanga)
Chef-Lieu : Kamina
Langue : Swahili
Superficie : 108 204
2 commentaires
Votre analyse du découpage derritorial est claire.
De cette analyse je conclurais que la résistance au changement vient du gouvernement central encouragé par la faiblesse du système judiciaire.
Nous devons encourager l’indépendance de la justice et le renforcement de la cours Constitutionnelle.
Je pense que cette décentralisation n’avait pas pour but le rapprochement des citoyens de leurs gouvernants, mais plutôt d’avoir la majorité des provinces par l’ancien pouvoir afin de gagner les élections qui ont lieu en 2019. D’ailleurs,même dans la métropole Kinshasa, on ne voit pas les fruits de la décentralisation: les juges présidents, les notaires, les maires…etc…se baladent avec leurs signatures, car ils ne signent aucun document sans avoir vu la couleur des billets donnés par le citoyen demandeur !!!! S’ils sont absents pour une raison ou pour une autre, les citoyens attendront tout le temps que cela durera: Aucune délégation de signature. Et si l’acte administratif est rédigé et signé avec des erreurs, le citoyen demandeur doit repayer pour que les erreurs commises à la saisie soient corrigées !!!! Tous les actes administratifs sont payants et l’argent est partagé entre les agents et le grand patron(notaire, juge, conservateur des titres immobiliers…etc…). Où est la décentralisation? Les citoyens ne voient aucune différence entre l’ancien et le nouveau système, car c’est le même système. Avant la décentralisation, tout se passait à l’hôtel de ville, mais néanmoins, on pouvait avoir son acte signé toute suite moyennent certes quelques billets.Pourquoi, dans une grande ville, vaste comme Kinshasa, avoir un notaire par District, alors qu’il devrait y en avoir au-moins un par commune? Il en est de même des tribunaux des affaires foncières,…etc…Les citoyens sont obligés de parcourir des kilomètres dans des conditions de transport difficiles, dépenser leur argent et attendre des heures voire des jours pour que l’acte administratif dont ils ont besoin soit signé !!!