« Le poisson commence à pourrir par la tête », serait-ce ce que Félix Tshisekedi a voulu éviter en prenant des distances avec son plus proche allié politique, Vital Kamerhe, afin de garantir la vie d’une lutte qui a durée près de 40 ans, à la manière de la traversée du désert par les enfants d’Israël ?
D’aucuns espèrent à ce jour que devant les magistrats, le directeur de cabinet cite son président comme complice de la panoplie des détournements dont il est accusé. Mais le tableau de bord de la gouvernance de Félix Tshisekedi indique que l’attente risque d’être longue et épuisante.
Il y a quelques mois, les médias ont fait état d’une réunion au cours de laquelle le président de la République Félix Tshisekedi a tapé du point sur la table, pour rappeler à l’ordre ses membres de cabinet qui se laissaient aller dans la jouissance, tout étant moins préoccupés par l’accomplissement républicain de leurs devoirs, afin d’accompagner le succès du mandat du président. Comme un Tshisekedi qui se respecte, il a même promis à TOUT son cabinet que la prochaine fois, ce ne serait pas avec lui qu’ils se réuniraient. Ce serait plutôt avec la justice. Un point m’a intéressé à cet instant : « le Chef de l’État n’a pas donné le temps à son directeur de cabinet de lui répondre », rapportait Jeune Afrique.
Il était peut-être trop tôt, pour le commun de mortel spécifiquement, de réaliser que le nouveau conducteur de la République Démocratique du Congo venait de faire un virage à gauche, avec ce souci manifeste de faire profiter à tous les congolais les richesses de leur pays, comme l’enseigne le socialisme, idéologie politique à laquelle son parti UDPS a souscrit depuis des lustres. Le tout, en prenant appui sur la justice, pour couper les mains et trouer les poches de ceux qui ont transformé leurs poches en caisses de l’Etat.
Gouvernements des professeurs
Depuis la chute du premier gouvernement démocratique formé par le premier premier ministre Patrice Emmery Lumumba, la RDC est passée par des phases de tâtonnement, avant de plonger dans une dictature universellement connue.
Cette dictature a donné un caractère scientifique (apparent) à la gestion de la Res publica dès ses premières heures, lorsque le Maréchal recourut aux jeunes étudiants de Louvanium qui ont constitué l’essentiel du Groupe de Binza, avec mission principale (réelle ) d’asseoir la dictature mouboutienne.
Au fil des années, il fallait se trouver au sommet de l’échelle d’apprentissage pour se retrouver dans la gestion des affaires publiques. Devenir professeur, est apparu en quelque sorte comme la clé qui ouvre tous les bureaux ; la clé qui fait accéder à des responsabilités politiques supérieures ; la clé qui fait asseoir à la table de partage des richesses immenses, considérées comme potentielles par la majorité des congolais, mais réelles pour cette minorité élitiste.
Étant en même temps de moins en moins à l’université, dans des laboratoires de recherche. Diplômes politiquement motivés et académiquement négligés.
Depuis, une classe s’est créée. Une bourgeoisie politicienne composée de ceux qui ont soutenu des thèses à Sorbone, ULB, Liège, Louvanium,… Ils ont ce papier, ce laissez passer, qui leur permet de se retrouver régulièrement dans les gouvernements successifs, l’administration, les entreprises publiques et régies financières, et que sais-je encore !
C’est l’ensemble de cette classe politique qui, depuis des années, est au pouvoir jusqu’à ce jour.
Savoir sans impact
Le paradoxe est que, lorsqu’on circule dans les rues de Kinshasa, dans les provinces du pays, on ne sent pas du tout l’impact social de l’intelligence de ces érudits. Leur savoir a plus servi à développer des méthodes scientifiques de corruption, asservir le peuple dans une paupérisation telle que la majorité de congolais : fonctionnaires, enseignants, soldats, paysans soient-ils, ne pensent au quotidien qu’à comment manger, dormir, se faire soigner, éduquer les enfants, sans plus. La production scientifique est un luxe pour ces sages.
Au soir de sa présidence, c’est un aveu d’échec que le président Joseph Kabila fait. En 18 ans, il a échoué de transformer l’homme congolais, au point qu’il a cherché ne serait-ce que 15 hommes pour transformer ensemble le Congo, et n’en a pas trouvé. Ce qu’il n’a pas dit, ce qu’en 18 ans aussi, il n’a pas laissé la justice fonctionner dans son autonomie. Les mesures de lutte contre la corruption par exemple, ont souvent tourné en feu de paille, qui s’éteint aussitôt allumé. Les assassinats ont été enterrés par des enquêtes interminables.
La punition réservée aux détourneurs ou aux meurtriers, était la perte de l’emploi à l’endroit X, avant d’en récupérer un autre à l’endroit Y plus tard. Du pur moubutisme.
La rupture
Félix Tshisekedi s’est vu obliger de porter le slogan de la campagne de son père de 2011 : « Le peuple d’abord ». Dès son arrivée au pouvoir, il a manifesté son désir d’envoyer un peu en congé ces mêmes personnes qui nous ont assez gouverné, en exigeant des nouvelles figures au gouvernement. On déduirait que s’il avait assez de marge de manoeuvre, cette volonté se traduirait dans plusieurs autres institutions du pays.
Au bout d’une année et quelques mois, il s’est constaté que le cinquième président de la République a réalisé qu’il faut restaurer le pouvoir judiciaire qui, depuis le début de l’indépendance, a perdu son prestige au profit du pouvoir exécutif, et dans une certaine mesure, du législatif. Un pouvoir judiciaire indépendant, impartial et efficace, est garant de la stabilité politique, sécuritaire, du développement et du progrès.
Il a été observé se succéder à la prison centrale de Makala, le coordonnateur administratif des services personnels du Chef de l’Etat, Mr Dieudonné Lobo, un ami intime du président et membre de l’UDPS ; les chefs d’entreprises publiques et privées ; l’ancien ministre de la santé Oly Ilunga, le directeur de cabinet du Chef de l’Etat Vital Kamerhe. Et la porte de Makala reste encore ouverte jusqu’au moment où nous grifonnons ces lignes. Toutes ces personnes ont en commun deux traits : des intouchables d’hier et; ne sont pas tous opposants à Félix Tshisekedi.
A ce jour, le fils d’Étienne qui risque d’être seul contre toute la classe politique, un peu comme son père, a bien introduit le feu dans la case de la vipère. En témoigne ce congrès improvisé par Thambwe Mwamba et compagnie, pour tenter de le destituer ; cette récente littérature du député national Delly Sessanga qui n’a que renforcé les fossoyeurs de la lutte contre la corruption ; ou encore ces agitations du ministre de la justice dans le dossier OGEFREM.
L’espoir est permis
Si la présidence de Félix Tshisekedi n’a pas encore réduit sensiblement les anti-valeurs en RDC grâce à la direction qu’il a empruntée, les indicateurs indiquent d’ores et déjà que son virage audacieux l’a mis sur la bonne direction. La visite à Nsele de son prédécesseur Joseph Kabila pour négocier, après un bras de fer à distance qui a tourné en faveur de Tshisekedi tant dans l’opinion qu’à la justice, est un autre feed-back positif qui ne peut qu’encourager le président dans sa marche.
Ibrahim Sheji, philosophe herméneute.
4 commentaires
Le chef de l’État doit garder cet élan en mettant en avant les soucis du peuple
Je tiens à féliciter monsieur Ibrahim de ces lignes combien importantes retraçant la réalité de notre pays, mais Aussi politico des efforts qu’il fournit en invitant les congolais pour décortiquer la situation de leur pays.
La lecture selon laquelle la dictature de Mobutu a promu la classe « intellectuelle » ne tient pas compte des changements qu’à connus la politique de Mobutu dès le début des années 70.
La classe intellectuelle a dû changer de rôle; d’un groupe messianique pour le Congo (vu que l’éducation formelle susentendait le savoir-faire) à un danger pour la politique relativement tyrannique de Mobutu.
Ceux là qui se trouvaient déjà à bord ont dû s’adapter créant une class politique basée sur une culture de clientélisme que nous vivons jusqu’au jour. Ce n’était plus une question de classe intellectuelle ou élitiste, mais plutôt d’une culture politique qui profitait, et profite toujours, à ceux qui connaissent ses règles.
Depuis l’accession a l’independance jusqu’a nos jours le peuple congolais n’a jamais jouit le droit d’interet et benefice d’etre appelé congolais par le fait meme qu’un citoyen congolais qui par sa valeur de son pays devait etre dans le monde entier un mr respectieux mais etait diminué à cause de ses dirgeants alors maintenant que le peuple trouve un dirigeant competant qui cherche a lui remetre sa valeur longtemps perdu ns voyons les soient disant bourgeois et meme professeurs des grandes universites venir pour detruire ce droit longtemps perdu