Devant une clôture teintée aux couleurs de la marque brassicole Primus sur un des arrêts des avenues Lubero dans la tumultueuse ville commerciale de Butembo, un homme calme nous accueille. Après notre brève présentation, nous avions indiqué à ce dernier être venu répondre à un rendez-vous avec le président du patronat local suite a une conversation téléphonique.
Esquissant un sourire, ce dernier nous indique de le suivre dans l’enceinte de la propriété. Se faufilant entre les véhicules de transport aux inscriptions « Au Paysannat » en plein chargement, ce dernier, nous précise à notre grand étonnement que c’était bien lui qui nous avait parlé au téléphone.
Polycarpe Ndivito Kikwaya, 66 ans, est le président de la Fédération des entreprises du Congo (chambre de commerce et syndicat des commerçants) dans la ville de Butembo et dans le territoire de Lubero, représentant également le secteur privé congolais dans le Corridor Nord des marchés africains.
Dans une interview accordée à POLITICO.CD en mai 2019, il dresse un bilan de la dévastation de l’économie de l’est de la RDC par l’insécurité doublée de l’épidémie d’Ebola.
« En tant que commerçants et humains, nous sommes affectés par la maladie d’Ebola car elle est mortelle. Nos clients tant locaux, régionaux et internationaux ont peur de venir s’approvisionner dans la région. Quant à l’importation internationale, des frais supplémentaires sont soumis à nos marchandises car les transporteurs qui avant nous ramenaient les marchandises en provenance d’Asie déchargeaient au port de Mombasa (Kenya) ou de Dar-es-Salam (Tanzanie) ne franchissent pas la frontière congolaise. Ils déchargent les conteneurs à la frontière congolaise et ougandaise et nous sommes obligés de payer d’autres frais pour que les marchandises arrivent à destination.
Au niveau de la chambre de commerce locale, nous avons lancé des initiatives pour impliquer nos membres dans la lutte contre la maladie du virus Ebola, en plaçant les lavabos devant chaque magasin et les affiches que nous avons lancées devant chaque unité de production. Il y a aussi le volet de sensibilisation par train des associations des opérateurs économiques. Cette formation se fait par la méthode a cascade ; consistant à former les formateurs, qui à leur tour vont restituer les acquis de ces ateliers sur la maladie du virus Ebola dans leurs associations.
La ville de Butembo a une population estimée à 1 million d’habitants. La moyenne du coût de la consommation locale la plus basse est d’un dollar américain par jour et le maximum étant de cinq dollars américains par jour. En prenant une estimation à partir de ce calcul, une journée sans travail coûte aux opérateurs économiques entre 1 million et 5 millions de dollars américains par jour. A cela, il faut ajouter la valeur des échanges économiques, qui facilitent la circulation des marchandises ; ils sont également de plusieurs millions de dollars. Ces chiffres nous les tenons à partir des banquiers qui nous donnent les statistiques des paiements bancaires quotidiens.
On a aussi besoin des biens locaux en souffrance pour l’exportation. Il y a le quinquina, le cacao, le café, des minerais vendus en valeur auprès des acheteurs, mais dont les opérateurs économiques ne peuvent pas respecter le délai de livraison. C’est un manque à gagner pour les opérateurs économiques et l’État congolais (qui reçoit une part sur toutes les transactions commerciales d’exportation et d’importation). C’est une situation qui a un impact négatif sur les affaires dans la région ».
Polycarpe Ndivito Kikwaya, 66 ans et qui travaille dans le secteur commercial dans la région de Butembo depuis les années 1980, après sa licence en biologie au département de microbiologie de l’Université de Kisangani estime qu’aucun commerçant ne peut s’impliquer dans le maintien de l’insécurité au profit que les activités de la réponse génèrent. « Les expatriés employés par l’équipe de la réponse et qui peuvent être des consommateurs de biens des opérateurs économiques sont une centaine. Il est inadmissible qu’un opérateur économique puisse entretenir l’insécurité pour pérenniser la maladie a virus Ebola, qui décime et perturbe les activités de millions de citadins de Butembo, qui sont les consommateurs directs de produits des commerçants locaux. Tous les commerçants sont dans un combat commun pour que cette maladie soit éradiquée et que le bon climat des affaires puisse être restauré » précise cet opérateur économique, qui appelle à l’appropriation de la lutte contre la maladie du virus Ebola par la population locale, indiquant que la disponibilité des vaccins et autres traitements contre cette maladie est une chance pour l’éradication rapide de cette maladie.
Que la communauté internationale qui lutte aux cotes de population contre Ebola s’implique également pour la stabilisation de l’est de la RDC
Le président du patronat local plaide notamment pour la réhabilitation des routes par le gouvernement et ses partenaires dans la lutte contre le virus Ebola, qui sont le seul moyen de transport pouvant aider les équipes d’intervention à atteindre les villages les plus isolés de la région, ou les cas de virus Ebola continuent d’être à notifier. « Les mesures de lutte préventive contre la maladie à virus font appel à l’utilisation de l’eau pour se laver les mains. Mais dans la plupart des régions affectées par la maladie, les zones urbaines ne doivent pas s’alimenter à partir d’eau potable. Il serait souhaitable que les intervenants dans la riposte contre le virus Ebola incluent dans leurs projets, un axe d’adduction d’eau potable afin de permettre aux collectivités locales de pouvoir avoir accès à ce produit ».
Polycarpe Ndivito Kikwaya invite en conclusion la communauté internationale, qui accompagne le ministère de la santé dans la lutte contre le virus Ebola à travers l’Organisation Mondiale de la Santé, à se joindre à cette lutte, la traque et l’éradication des groupes armés, qui affectent négativement les activités économiques. « La mission des Nations Unies en RDC, qui est la plus grande mission de maintien de la paix dans le monde, devrait joindre ses efforts à ceux de l’OMS pour démanteler la zone de tous ces groupes armés ».
Un commentaire
Comment les lecteurs avisés peuvent-ils vous prendre au sérieux si vous publiez une interview de 2019 sous un titre d’actualité « Nouveau président du CES »?