Le 24 janvier 2019 à Kinshasa, au Palais de la Nation, la RDC voit, pour la première fois de son histoire, un président sortant et un président entrant se passer le flambeau. Une ère nouvelle est déclarée. Félix Tshisekedi, dans son discours à la nation, s’engage alors à restaurer le Congo, en luttant contre la corruption, principal fléau qui gangrène le pays. Le 25 janvier 2019, Tshisekedi prend ses fonctions officiellement. Le même jour, Vital Kamerhe prend également ses fonctions de directeur de cabinet du Chef de l’État. Dans la soirée, un communiqué est diffusé, signé par le nouveau chef du cabinet du Président, sur ordre de Tshisekedi. Toutes les dépenses sont suspendues et devraient recevoir un aval de la Présidence congolaise, dit-il.
Ils ont conclu un accord avant d’arriver au pouvoir: à lire ici.
Les jours suivants, les discussions autour de la formation du gouvernement s’embourbent. C’est alors que Vital Kamerhe, affirment ses proches, proposera un plan de 100 jours au Président. Il s’agit d’un programme d’urgence, évalué à plus de 400 millions USD, qui vise à lancer de grands travaux, dans l’attente de l’arrivée d’un gouvernement. Ainsi, le 2 mars 2019, le président Félix Tshisekedi déplace la gotha politique vers le somptueux Échangeur de Limete. Sous ce symbole des prétentions illusoires du régime de Mobutu, Félix Tshisekedi étale ses ambitions.
En somme, le nouveau président vise surtout à « impacter » les esprits. Le programme ne cherche pas tant que ça à résoudre les problèmes prioritaires. Non, il veut monter ce nouveau Chef d’Etat contesté, dont certains doutent de la légitimité, y compris du pouvoir, en train de « faire quelque chose »
Ainsi, de l’autre côté de la ville, en mai 2019, la société chinoise CREC 8 démarre les travaux de construction d’un saut-de-mouton au rond-point Pompage, à l’ouest de Kinshasa. Ces travaux, explique-t-on, consistent en la construction d’un viaduc devant assurer la diffusion du trafic dans cinq sens, vers Mbudi, Brikin, Maman Yemo , Nzolantima et Saint Mukassa, en vue d’éliminer les embouteillages constatés souvent aux heures de pointe dans cette partie de la capitale.
Montrer que Tshisekedi travaille
Sur place, les Chinois ouvrent la voie pour l’Office des voiries et drainage (OVD) à qui le gouvernement confie la supervision de neuf ouvrages à construire. Il est prévu une construction « des ouvrages d’assainissement sur l’axe Pompage Brikin en passant par la carrière des grès de la CARRIGRES presque achevée », l’OVD. « L’OVD procédera à la construction de différentes couches de la chaussée à partir de la semaine du 05 mai », annonce-t-on. Mais, cet endroit et son ouvrage resteront le symbole d’un fléau qui s’abattra bientôt sur Kinshasa.
Les jours passent et la capitale congolaise est plongée dans une véritable anarchie de circulation. Sur les sites où ces ouvrages sont en construction, des colonnes de véhicules empoisonnent la circulation, dans une ville de 12 millions d’habitants environ, et où la conduite au volant est déjà une véritable épreuve. Des tas de tôles encerclent les sites des travaux, cachant l’évolution, créant de plus en plus la frustration de la population qui ne voit rien progresser.
En juillet, la Présidence congolaise s’énerve. « Les saut-de-moutons devant libérer Kinshasa de ses interminables embouteillages sont devenus un cauchemar pour les automobilistes kinois. Que se passe-t-Il ? Le président [Félix Tshisekedi] va se rendre sur les différents chantiers…. Là où rien n’est fait, les tôles bleues seront démontées. Les sites, rouverts à la circulation et les régies des travaux passeront à la caisse, rembourser l’argent perçu », vocifère Kasongo Mwema Yamba Yamba, le porte-parole du président Félix Tshisekedi.
Accompagné de Vital Kamerhe, son directeur de cabinet très présent sur ce projet, Félix Tshisekedi descend sur le terrain le 17 juillet 2019. Il commence sa tournée par le symbolique site de Pompage, dans la commune de Ngaliema. Il ira visiter également celui de « Socimat » aux portes de la Gombe, reliant la très huppée commune de Ngaliema au centre-ville de Kinshasa. Ici, le président constate « une lenteur ». Mais, loin des proclamations de son porte-parole, le Chef de l’État terminera sa visite en sourire. Rien n’est alors fait, les travaux, explique-t-on, vont globalement bien.
L’enlisement
Mais, voilà. Les jours avancent et des tôles bleues, qui encerclent des sites entiers sur des rues kinoises de plus en plus impraticables, ne surgissent toujours pas les fameux « sauts-de moutons ». Le symbole de « Pompage » annonce même une inauguration en novembre 2019. Rien n’est fait.
Pire, en décembre, Félix Tshisekedi y rencontre l’aventure de sa vie. Ce lundi-là, le Chef de l’État congolais commence sa journée en lançant l’inauguration d’un pavillon décimé, il y a 5 mois et actuellement réhabilité, de la clinique Ngaliema, dans la commune de la Gombe. Il ira, ensuite, poser la première pierre pour la construction du complexe industriel de traitement d’eau potable au quartier Ozone, dans la commune de Ngaliema. Le clou du spectacle, selon la Présidence, il est prévu que le président inaugure le saut-de-mouton de Pompage.
Seulement, ce jour-là, patatras. Alors que le tapis rouge et le vacarme qui va avec envahissaient les alentours du « saut-de-mouton de Pompage », le président Félix Tshisekedi sera le grand absent. L’inauguration n’a pas lieu. Aucune explication officielle n’est fournie sur le champ. Mais, le constat sur place est éloquent : Tshisekedi a failli inaugurer un ouvrage inachevé.
L’ouvrage, « qui est quasiment prêt », avait encore besoin de quelques ajustements, notamment la construction des voies adjacentes. Ces dernières devaient permettre aux véhicules et aux autres usagers de circuler normalement en dessous du saut-de-mouton pour déboucher sur les autres artères, permettant de résoudre la problématique des embouteillages à ce niveau, l’objet de l’ouvrage. Si ces voies n’étaient pas encore toutes prêtes jusqu’au lundi 23 décembre 2019, il y a surtout les parkings qui n’ont pas été aménagés, et des tonnes d’immondices entreposés au pied et dans les côtés en bas du viaduc.
La polémique éclate. Les rumeurs aussi. Si la présidence reste silencieuse, Benjamin Wenga Basubi, Directeur de l’OVD, est annoncé aux arrêts, avant de se libérer et confirmer l’avancement des travaux, sans expliquer le ratage. L’intersyndicale de l’OVD monte au créneau sur les antennes de Radio Top Congo FM : “Nous prions le président, chef de l’État, qui a toujours écouté la Base, mais aussi les autres composantes sociales de daigner réceptionner cet ouvrage et de pouvoir l’inaugurer avant la Saint Sylvestre pour alléger la souffrance des habitants de Kimbwala, Malueka, Mbudi, CPA, Kinsuka, Don Bosco, Lutendele et Pompage“. Une nouvelle promesse qui ne sera pas respectée.
En 2020, la colère monte au volant. Les Kinois n’en peuvent plus. La situation économique sérieuse et tendue rencontre le souffre des embouteillages, faisant chuter la côte de popularité de Félix Tshisekedi. Mais, le Président est concentré dans sa tournée internationale, ou une étrange joute verbale avec ses alliés Kabilistes.
Étrangement, c’est son directeur de cabinet, Vital Kamerhe, qui monte cette-fois au créneau. L’homme présente un bilan flatteur, à l’occasion de l’An 1 du pouvoir du président Félix Tshisekedi. Vital Kamerhe lâche une bombe. D’abord, il annonce que les « sociétés qui exécutent les travaux son asphyxiées ».
Il provoque la colère de l’internet congolais. Et le stoïque bras droit du Président se hasarde encore à annoncer une date pour la fameuse inauguration pour le 30 janvier 2020.
Le diable est dans les détails
Le dieu des dates n’étant pas congolais, encore moins Tshisekediste, le 30 janvier, le site « Pompage » est de nouveau séché par le président Félix Tshisekedi. Comme avant, le Chef de l’État a encore raison. Les travaux n’ont rien à avoir avec les maquettes vendues.
Vital Kamerhe se retrouve avec une corde au cou. Car, le directeur de cabinet du Président avait osé annoncer que les travaux, dans leur ensemble, avaient atteint 70% de taux d’exécution. Le ministre des Finances, Sele Yalaghuli, issu du camp Kabila, le guillotine. L’argentier national annonce que ces travaux, qui ont certes reçu un décaissement largement supérieur, sont « en deçà de 50% » d’exécution.
Au lendemain du fiasco de « Pompage », des récupérations et polémiques, l’OVD sort les détails. Dans un tableau distribué à la presse, la société de l’État, en charge de l’ouvrage, donne des précisions à mettre les choses au clair. Tenez. Les travaux des « sauts-de-moutons » sont évalués à hauteur de 45,5 millions USD.
À ce stade, le gouvernement a fait des paiements cumulés autour de 21,2 millions USD, soit près de 46% du taux de décaissement. Les travaux, estime ce document de l’OVD, sont exécutés à hauteur de 41%. En détails, sur les neuf sauts-de-moutons, deux restent symboliques : ils ont reçu un paiement de 40%, mais ont un taux d’exécution de 0%.
À POLITICO.CD, l’OVD renseigne que le paiement a servi à l’achat des matériaux de construction. « À ce stade, nous avons toujours le matériel pour ces deux sauts-de-moutons. Mais, il manque des ressources pour débuter les travaux », explique un cadre de la société de l’État.
La même situation est observée un peu partout. Jean-Marc Kabund, président de l’UDPS, initie une tournée le vendredi 6 février 2020 matin pour en savoir plus. Dans l’Est de la ville, où les travaux stagnent le plus, des chantiers sont à l’arrêt. Ici, dans un ouvrage confié à la société SAFRICAS, le personnel est en congé depuis le 27 janvier 2020 pour des “contraintes logistiques”. Selon plusieurs sources, les prestataires manquent de liquidités pour continuer les travaux.
Le chaos poussera le président Félix Tshisekedi à réagir, saisissant la justice congolaise et demandant même un audit. A suivre au prochain Acte.
Un commentaire
Trop de fautes d’orthographe dans vos articles, veuillez faire relire par quelqu’un d’autres et utiliser des mots simples dans la rédaction.