Le gouvernement congolais s’est récemment félicité d’avoir levé 36 milliards FC (21 millions USD au taux budgétaire moyen annuel de 1684 FC le dollar américain sur ces deux lots des Bons du Trésor d’une valeur globale de 50 milliards FC. Sur un des lots, l’argentier du pays renseigne un taux de couverture de 32% du montant en adjudication sur les 6 mois d’échéance et à un taux de 9%.
Le deuxième lot de trois mois rapportait 30 milliards FC (17,814 millions USD) sur les 25 milliards FC visés, soit un taux de couverture du montant en adjudication de 132% et l’ambitieux calendrier des émissions des Bons du Trésor a prévu de lever 110 milliards FC (65,320 millions USD) durant le mois de mai 2020sur le marché intérieur de la RDC.
Ces très faibles performances interpellent et démontrent sans surprise que l’Etat congolais a des grandes difficultés à lever des fonds considérables sur le marché intérieur. Ces modiques chiffres trouvent leur explication dans les faiblesses structurelles, le manque de confiance en l’émetteur et autres caractéristiques improductives du système financier congolais. Le Ministère des Finances et la Banque centrale devraient tirer les conséquences de ces résultats et s’accorder sur les réformes visant l’amélioration du profil économique et financier de la RDC.
Cette dynamique conjointe viserait notamment l’amélioration des données fondamentales de notre économie qui doivent être aussi fiables, précises que fidèles à l’économie réelle. Ce débat semble très intéressant mais il est souvent évité par ignorance ou par absence d’ambitions. Le financement obligataire ou l’emprunt public local est à ce jour une pratique plutôt établie. Il sert à financer des investissements prévus par le budget : acquisitions durables ou immobilisations importantes.
Cependant, avec tous les détournements, vols, gabegies financières et autres irresponsabilités encore observées dans la gestion courante du pays, toute masse empruntée ne servirait qu’à couvrir le déficit d’énormes frais de fonctionnement, servir la dette ou financer les dépenses imprévues, sans réel effet d’entrainement sur les différents secteurs de l’économie.
Le secteur public est le premier investisseur local et à ce titre, Il devient urgent que nous élaborions d’abord un plan de développement sérieux avec des priorités nationales clairement définies et exprimées dans le temps. Les projets concrets identifiés et autres gros ouvrages serviraient de véritables leviers à d’autres projets et secteurs pour justement avoir cet effet d’entrainement dans la création extensive de la richesse par le travail (la production).
Le financement des grands projets à réaliser par les opérateurs économiques locaux permettra également de sédentariser ces capitaux, résorber le chômage et créer une véritable dynamique économique locale. Nous faisons allusion aux projets structurants tels que les infrastructures de communication, l’agro-industrie et l’’énergie. Le saupoudrage que nous avons connu dans un passé récent et la gestion hasardeuse des urgences actuelles semblent uniquement s’inspirer de beaux discours récités au Parlement et à la télévision.
Notons tout de même quelques observations liées à notre cadre macro-économique, au faible taux d’autofinancement de l’Etat mais également à la notation des prêteurs. Quelles sont les ambitions traduites dans la combinaison de produits structurés proposés ? En cas des taux variables, avons-nous une maîtrise de critères d’indexation prévisible pour éviter les risques de dérapages (financiers) pour un pays qui est déjà déficitaire, avec une inflation qui semble difficile à contenir ? Il se trouve que ces titres publics sont libellés en monnaie locale, émis à taux fixe, à échéance courte et sans indexation sur l’inflation. Ils transfèrent ainsi le risque d’inflation aux investisseurs et pourraient en dissuader plus d’un.
Compte tenu des enjeux et besoins réels, les prêteurs sont-ils prêts à prendre plus de risques dans la durée ou ils sont encore frileux, privilégiant le très court terme. Il n’y a donc pas de rendement élevé sans risque et nous préconisons bien entendu des échéances lointaines, au moins 10 ans et bien plus sur des projets de grande envergure. Cette durée implique forcément une relation de confiance qui fait défaut entre les prêteurs et les emprunteurs
L’expérience de certains pays d’Amérique latine offre de nombreux exemples qui démontrent que les marchés intérieurs peuvent financer le développement sans emprunts sur les marchés extérieurs. Mais avec un total bilantaire chiffé à 8,5 milliards de dollars US pour toutes les institutions en 2019, avons-nous réellement la capacité de répondre localement aux besoins financiers de développement de ce pays ?
Le Congo est un marché de plus de 80 millions d’habitants, avec une jeunesse entreprenante, autant de ressources naturelles, une forte demande d’investissement et des conditions très favorables avec un taux d’intérêt ailleurs négatif, on pourrait aussi bien créer une demande et susciter l’intérêt auprès l’épargnant par des incitants attractifs. Il doit sûrement y avoir une clé ou plusieurs verrous cachés à nos brillants cerveaux, ils nous empêcheraient de développer ainsi le marché local.
Nous avons besoin de rêver grand pour réaliser des choses extraordinaires. Une des missions de dirigeants économiques est d’innover et de s’adapter aux besoins de l’économie et de ses agents. Pour autant, les performances observées traduisent malheureusement la réalité de notre système économique et financier. Ils démontrent clairement le manque d’ambitions collectives pour ce pays.
Nico MINGA
Consultant en Développement
Afrique Centrale
[1] www.financialafrik.com/Finance RDC : ls Bons du Trésor rapportent 21 millions USD du 8 mai 2020