Johannesburg. Il fait un froid de canard en ce mois de juin 2014. C’est l’hiver. A peine débarqué dans cette ville qui finira par m’aimer, la curiosité m’amène vers un endroit tant vanté : le Summit Club. Située dans le quartier pauvre et dangereux de Hillbrow Hill, cette « boite » de nuit est réputée au-delà des frontières de l’Afrique du sud même. « C’est le temple du bonheur », me promet un ami qui m’accompagne. Un connaisseur de la ville. Ce jeune congolais qui a fait huit ans en Afrique du sud. « L’accès est fixé à 100 zar [environs 10 dollars] », on paie aussitôt. A l’entrée, un couloir sombre, éclairé à peine. Mais on sent déjà les vibrations de la musique qui vient de la salle au fond. Il est 20h (heure locale), et le lieu se remplie déjà. Mais le Summit n’est finalement pas une « boîte de nuit » à la conception congolaise. Seule une salle au fond en est la discothèque ; de part et d’autre, des salles, et des bars, des escaliers et un ascenseur qui mène vers le haut de cet immeuble d’une dizaine d’étages.
Tiens, une table de billard. Mais un personnage étrange tient la canne, sans y jouer. « Hello », je lance à la jeune dame, qui a oublié de s’habiller. Mon ami sourie. « Tu la veux ? », me pose-t-il la question. « On vient à peine d’arriver », je lui rétorque comme excuse. Car dans le fond, je ne lui ai pas dit que j’étais ici simplement parce que je voulais enfin découvrir l’endroit. Etant devenu sud-africain, Mazone, un voisin du plateau des professeurs à l’Université de Kinshasa, ne met dit pas que personne ne se pointe au Summit Club en tourisme traditionnel. C’est alors que je découvre un monde.
Tenez, la table de billard est une parfaite distraction. Mais tout autour, un restaurant et des clientes étranges qui ne consomment et qui ont toutes le même conflit vestimentaire. Chinoise, métisses, Maghrébine, Zoulu et même des Congolaises. En fait, Johannesburg réunit toutes les nationalités et races africaines. Nous étions, en réalité, dans un marché. Et si je croyais avoir trouvé la bonne excuse du « je viens d’arriver », c’est l’ignorance qui est tout de suite démontée. Contrairement à la pensée Kinoise, ici, la « consommation » se fait sur place. Il suffira alors de monter dans l’ascenseur et de suivre la dame, moyennant au minimum 200 Zar. Dans les 10 étages supérieurs, c’est en réalité des chambres d’Hôtel. Et ces belles dames y viennent comme des touristes, louent, s’installent et font leurs affaires depuis les différents bars du Summit, pour quitter le Week-end suivant. Dans les rues de Gauteng, des parfaites inconnues, des nymphes que seules les Congolaise dépensent.
Dans les faits, ce lieu de perdition a mis tous les efforts pour vous garder surplace. Il y a même trois distributeurs de billets et un casino. Et le summit n’est pas le seul club, d’ailleurs le plus basic. C’est alors que je découvre la prostitution en Afrique du Sud. Oui, il y en a celles qui font les trottoirs. Il y en a qui vont à la manière traditionnelle. Mais au pays de Mandala, le « Mputuville » de l’Afrique noir, l’industrialisation est partout. Royal Park, en sortant du Summit Club, est le rival. Dans un périmètre de 3 kilomètres, 4 de ces genres d’ébahissements sont localisables sur GPS. Et si vous n’êtes pas « riches », le Hillbrow Hill a d’autres endroits adaptés.
Au Summit, le sommet, vous payez au moins 200 Zar pour une passe de 30 minutes. Mais au Maxime Lounge, c’est à peine 50 Zar. Mais Mazone et moi le savons. Il faut être fou pour oser s’offrir de la prostitution à Johannesburg. Tenez, à la même année, l’ONUSIDA et The World Factbook de la CIA estiment que sept millions de personnes vivent avec le virus du VIH/SIDA, soit environ 12 % des 55 millions de Sud-Africains. Ce taux monte à 19,2 % pour les seuls adultes (de 15 à 49 ans). Alors gardez vos préservatifs. Nous sommes en train de quitter les lieux, mettant cap vers le News Café de Rosebank.
L’Afrique du sud nous fait alors aimer le Congo, du moins sur le plan de la prostitution. Car chez nous, dans notre Kinshasa la belle, il faudra se rendre au centre-ville de la Gombe, du côté de l’avenue de Justice pour être choqué. D’autres sont à peine à Planet J, vous balançant des bouchons de bières aux regards insistants. Mais il faut un véritable parcours de titans pour la consommation. Car les hôtels sont à distance et le courage n’est pas facile. Bref, la morale vous gêne déjà à la lecture de tout ceci. On s’imagine alors comment un homme aussi Fondé puisse avoir des tels détails. Vous voilà en train de m’imposer déjà le tabou. Mais ce soir ne sera pas vôtre. Nous allons devoir en parler. La prostitution restera certes un métier comme les autres. Tant pi pour les églises et le semblant.
Ni chiffre, ni données scientifiques. Seulement la loi. Qui veut que la prostitution, en terre congolaise, soit un crime. « L’article 174b point 2 du code pénal congolais puni d’une servitude pénale de trois mois à cinq ans et d’une amende de cinquante mille à cent mille francs congolais, quiconque aura tenu une maison de débauche ou de prostitution », voilà ce que risque les tenants du Summit Club à Kinshasa. Mais en 2017, lorsque je quitte finalement la nation arc-en-ciel pour revenir dans l’arène kinois, la transformation culturelle subit me pousse à des questions. Comment ça passe à Kinshasa ? Surtout lorsque je croise une amie d’école devenir une professionnelle du milieu. Alors j’y plonge. 8 mois durant. Aux côtés d’un jeune homme, acteur du secteur, qui veut bien m’y guider. Dans la peau d’un potentiel client. Nous voyons au cœur du métier à Kinshasa. « Tippo tip », « Pacha », « Chiza », « Passage », on découvre un monde qui réinvente l’histoire et le Larousse. L’usage du « Kifaru ». Le détournement de la codéine, celui du Tramadol. Bienvenue au monde merveilleux des nuits kinoises.
Détrompez-vous. Kinshasa, la Belle, n’a pas d’immeubles où des filles s’entassent dans des chambres. Non ! Dans la capitale congolaise, c’est à ciel ouvert. Et c’est même pire. Johannesburg peut venir prendre des cours. J’exagère alors. Mais lorsque Kanyama décide des traquer la nouvelle génération qui monte en vogue, les Ujana, croyant l’avoir emporté, avec leur disparition des bars et des boîtes, celles-ci vont se cacher derrière des téléphones ! Sur les réseaux sociaux et continuent calmement leurs entreprises. Filles, garçons. La prostitution taboue est réelle à Kinshasa. Et comme on n’arrivera jamais à freiner le plus vieux métier du monde, alors tentons de le comprendre et surtout de freiner sa nouvelle forme : celle qui touche aux plus jeunes, aux mineurs, aux sans visages. La journée ce sont nos sœurs, nos amies et même nos modèles, alors qu’en mode avion, elles lavent les pieds de leurs jésus, en quête du christ-dollar.
Ressembler à Béyoncé, prouver qu’on existe ou simplement joindre les deux bouts. Le profil devient confusant et l’identité de plus en plus cachée. La morale se perd. Donner conseil à qui ? Résoudre quoi ? Quel en est le vrai problème ? Alors l’enquête de POLITICO.CD ne va peut-être pas répondre à toutes les questions. Mais nous voulons d’abord briser ce vieux tabou. Celui du silence. En parler. Pourquoi pas tolérer ? Ou comprendre simplement ? Comment sauver notre jeunesse qui chavire sans l’écouter ? Et la prostitution en question: si métier signifie une activité légale permettant à un ou plusieurs individus de subvenir à leur besoin par le fait de toucher une rémunération en échange d’un travail bien déterminé qu’il ou ils fournissent. Pouvons-nous dire autant de la prostitution ? Devons nous la catégoriser comme une activité commerciale, sociale, médicale ou sportive ? En tout cas, de nos jours, la prostitution constitue un véritable réseau. Sans être exhaustive, sans être limitée, notre enquête qui veut ouvrir les portes vers un débat sans tabou sur cette problématique qui nous concerne tous ! Sommes-nous si irréprochables ? Où avons-nous échoué ? Que faut-il faire ? Il n’y a pas que Ronsard Malonda qui pourrait embraser le Congo. « Que Dieu pardonne nos péchés », à suivre ce dimanche 12 juillet 2020.
Litsani Choukran,
Le Fondé.
2 commentaires
Bonjour, c’est un début captivant, j’attends de découvrir l’intégralité de l’enquête. Je voulais vous mentionner, par contre, que je remarque souvent des fautes d’orthographe dans vos articles. Il faudrait un processus de révision plus rigoureux.
Le plus vieux métier du monde pour la femme « OUI » ma Tabou la porostitution nÄa jamais été un Tabou au Congo ni au monde . Même pas dans la bible