C’est l’histoire d’un grand homme, mais assez petit pour faire passer les présidents tout-puissants qui ont trôné sur la RDC, tout en prenant soin de toujours rester à leurs côtés. Léon Kengo détient l’unique palme d’avoir eu tous les pouvoirs au pays de Lumumba et les avoir façonné, sans jamais réussir, certes, à leur inculquer la rigueur qui le caractérise. Sur exactement 387 pages, l’homme, dont les origines se situent entre les Juifs, la Pologne, la Belgique, le Rwanda et son Congo qu’il a dans la peau… rouvre ses tiroirs pour déballer 60 ans de l’histoire politique de la RDC.
Alors détrompez-vous. L’homme, très aiguisé et prestigieux que le Congo découvrira, n’est pas d’une haute naissance. Le gamin de Libenge, une bourgade enfouie dans la forêt équatoriale, a connu une enfance démunie de matériels mais riche en amour. L’amour d’un grand-père qui veilla sur lui tel un soleil et d’une grand-mère qui donnera de sa jambe pour le protéger contre le « bleuissage » de ses condisciples dans une école primaire qui s’étale entre Coquilhatville (actuel Mbandaka) et une école de fortune au cœur des plantations d’hévéas à Monkoto.
Léon Lubicz aura plusieurs pères et restera un véritable témoignage du destin : un Blanc trop Noir, né en pleine colonisation, qui aura eu tout le mal à devenir quelqu’un. « J’aurais pu mal finir », insiste-t-il plusieurs fois. Têtu, vrai Ngandi, élevé dans la culture Mongo, il est tellement unique qu’il termine ses études secondaires à l’âge de 24 ans ! Il monte à Léo’ (Kinshasa) dès 1958. Non sans être déjà père d’une fille. Il y épouse rapidement l’amour de sa vie. Maman Eliane, petite-fille d’un riche-homme. « Son grand-père m’a difficilement adopté », confesse-t-il, lui qui vient d’une famille sans nom. Si l’amour est aveugle, la richesse fait suer. Léon Kengo habite une cour commune à Ngiri-Ngiri, avant de se bouiller avec son oncle et finir par s’installer dans un petit enclot qu’il réussira à construire grâce à son salaire de personnel administratif de la magistrature d’un Congo-Belge qui commence, à cette époque de 1958, à entrer dans les tourments.
« Yo moto obebisi liboso »
Mais, Léon Kengo, ni homme de famille. Ni histoire tranquille. Le voilà, en 1968, Magistrat. Il connaît Mobutu, le grand général qui vient de prendre les pouvoirs au Congo à peine indépendant. Ils viennent du même coin, tous Ngbandi. Surtout, Mobutu a étudié, comme Kengo, au « Groupe Scolaire » de Coquilhatville. Certes Mobutu fera venir Kengo à Kinshsa parce qu’il le connaît depuis Bruxelles, où Léon Lubicz est allé faire ses études, après avoir pris temporairement congé de la magistrature congolaise. Débute alors une longue relation. Un véritable couple d’amoureux. Qui s’aime beaucoup, parfois, mal. Très mal même. La montée en flèche arrive vite. Kengo est d’abord Conseiller du nouveau Président, avant d’être placé dans son terrain de prédilection : au cœur de la magistrature congolaise, où il enchaine les postes, aux côtés du très rigoureux Marcel Lihahu.
La passion de l’État déjà, celle de la rigueur. Celle du Congo. Il est Procureur général de la République lorsqu’il entame sa « répression » des mauvaises pratiques. « C’est toi qui, le premier, as fauté ». Vaut mieux ne pas commencer. Telle est la culture de ce Ngbandi de Libenge. Le Procureur général de la République est sans pitié, y compris dans son auditoire à l’actuelle Université de Kinshasa. Le grand Maître Luambo Makadia goûtera la méthode Kengo. Y compris ses propres amis, dont Laurent Eketebi, qui finira condamné. « C’est l’un des procès qui a titillé ma conscience d’homme », avoue-t-il.
Plusieurs autres se frotteront à ce Procureur répressif, dit-il, mais pédagogique. Mais, il ne résistera pas au retour de la manivelle qui arrive. Les Mouvement populaire de la révolution (MPR), veut devenir une institution. Marcel Lihahu, qui tente de s’opposer, trépasse. Léon Kengo apprend alors la compromission « responsable » qu’il perfectionnera. Il laisse tous les pouvoir à Mobutu pour éviter de se faire écarter. Mais, rapidement, les « mauvaises langues », qu’il adore dénoncer, chuttotent à l’oreille du Président-Fondateur « C’est Kengo qui t’arrêtera ». Léon l’État est rapidement placé en isolement. Loin du pouvoir, sans pouvoir, broyant du noir. Trop puissant. Trop craint. Le Maréchal s’en méfie. Nous sommes vers la fin des années 1970.
Cependant, Mobutu a aimé Kengo, et la réciprocité est plausible. En 1982, lorsque les choses se gâtent pour le Zaïre et son immortel MPR, le Marechal le rappelle de son hibernation à Bruxelles, son autre Kinshasa. Premier ministre, ou exactement Citoyen Premier Commissaire d’État en novembre de la même année. Mais, Mobutu et son système sont en réalité aux abois. Le pays fait faillite et il lui faut un fin tacticien pour « changer les choses ».« Kengo, je veux que tu mettes de la discipline », lui lance le Président-Fondateur qui lui a souvent parlé en Lingala. La fameuse rigueur, les Zaïrois l’auront. Quatre ans durant, un record battu à peine par un certain Augustin Matata Ponyo.
Les mouvanciers suffoquent. La rigueur les traumatise. Eux, qui sont habitués à tout prendre, tout dépenser sans compter, voient les robinets fermés. Même Mobutu va s’en lasser. Maintenant que l’économie est stabilisée, l’illusion de la guérison est là, Kengo doit sauter. « On ne mange pas les félicitations de la Banque mondiale », lui lance le Guide suprême avant de porter l’estocade. Toutefois, la vérité est souvent cachée. Kengo aura finalement commis l’irréparable péché de dire « non » au Maréchal Tout-Puissant.Les détails sont cachés dans ce livre palpitant. Bref, le début de la fin.
Mais, quel homme ! Quelle histoire! Kengo reviendra à la Primature en 1984 et en 1994. Il verra le Marechal tomber, mais comme opposant. Car, ces mémoires détaillent tous les tournants. D’un Kengo Mobutuiste au Kengo opposant à Mobutu, qui finit par affronter le Créateur durant la fameuse Conférence nationale souveraine, non sans être accusé de jouer le double-jeu. Car, il finira par rafler à nouveau la Primature. La suite ? Les derniers jours de Mobutu, l’exil que Kengo déconseille à tous, le retour à Kinshasa sous Joseph Kabila.
On ne terminera pas tout le livre ici. Il vous faudra le lire, y découvrir comment Léon l’État suscite la méfiance de Joseph Kabila, se fait caillasser par Jean-Pierre Bemba, ou encore, arrive à dribbler She Okitundu pour finir président du Sénat et successeur d’un président Kabila qui finira, lui aussi, par l’aimer. Comment ne pas l’aimer, Kengo, ou lui rendre hommage ?
60 ans, telle une caméra de cinéma, Kengo reste des yeux dans un jeu des pouvoirs qui s’est souvent joué loin du petit peuple et à son détriment; un jeu qui a dessiné le Congo actuel dans toutes ses perspectives, bonnes ou mauvaise, y compris son chaos. Il est vrai que Kengo prend aucune responsabilité dans ses mémoires. Le Fondé ne pourra également avoir le courage de juger un tel homme! Qui suis-je, face à un tel géant, qui a finalement gagné notre respect! Un détail qui fait de lui une exception : il ne sera ni poursuivi, ni accusé, sauf quelques fois même blanchi, mais jamais condamné! D’une discipline de fer, même dans sa vie privée. À l’heure où la politique congolaise nage dans les abîmes du déshonneur, se ressourcer auprès d’une telle personne qui fait étrangement unanimité, ne serait qu’un bel exercice. 40 euros et une bonne semaine seront suffisants pour redécouvrir le Congo, le Zaïre, le ADLFland et la RDC sous le regard de Léon l’État, sans doute l’un des politiques les plus remarquables, toujours en vie.
Litsani Choukran,
Le Fondé.
7 commentaires
Merci pour cet article plus riche
Il n’y a rien d’intelligent dans tout ça. C’est juste des racontage creux. Je ne trouve pas en Kengo un politique géant, non. Qu’est ce qu’il a fait n’inoubliable qui restera dans le souvenir de la nouvelle génération congolaise ? Ils sont tous incapable de faire régner de l’ordre dans le pays après toutes ces années en politique. Pour moi c’est vide, zéro. Raisons nous et personne ne lira ces bêtise. Les historiens comme les éminents Elikia Mbokolo, Ndaywel e nziem nous ont déjà tout dis et nous leurs rendons hommage bien qu’ils soient en vie. Pas ces gens qui ont cloué le pays dans la distraction et le mensonge durant 60 ans.
Il est de ceux qui ont conduit le pays dans le déshonneur, comme président du sénat c’était quoi? Quel conseil donne t il au jeunes qui l’entoure pour une amélioration de ce Congo qui meurt à petit feu? Nous sommes fatigués d’entendre les mensonges. Ce pays n’a plus besoin de philosophe qui réfléchissent a son sort, il a besoin de philosophes pour le transformer : les pragmatiques.
qu’est ce que le peuple congolais peut retenir de lui? sa mort sera un non évenement.
C’est un de personnage comme tant d’autres qui a amené le Congo dans la misère pour un profit personnel. Que personne ne lise ses mémoires car c’est pour sa gloire personnelle.
Vous êtes fort,vous avez lu ce gros livre déjà? ou bien vous vous foutez de nous?
salut mes cher compatriote!je suis vrement désole en autorité congolaise toujours après avoir passe un bon moment,en laissent les pays dans les chaos.