Dans cette lettre du 26 septembre 2016, l’opposant congolais révèle plusieurs incidents dont il aurait été victime depuis le début de l’année, y les menaces de mort par les militaires des services de renseignements, exprimant son « indignation » par rapport à ces événements.
En février 2016, le député Martin Fayulu a été arrêté au siège de son parti, Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (ECiDé) à Kinshasa. Il a fini par être libéré dans la soirée et reconduit à son domicile. En mai dernier, son hôtel à Kinshasa, qui est aussi sa résidence, a été mis sous scellé.
« 14 février de cette année, pendant près de sept heures et demi, de 14 heures à 21h20’, député national, j’ai été victime d’un enlèvement, de tortures physiques et morales, de coups et blessures, d’extorsion des biens, de menaces de mort et d’injures publiques de la part des services de renseignements militaires communément appelés DEMIAP« , révèle Martin Fayulu.
Martin Fayulu a été également blessé à la tête lors des heurts qui ont éclaté au cours de la manifestation de l’opposition lundi 19 septembre à Kinshasa.
L’opposant congolais et député national dénonce le « silence » du président de l’Assemblée Nationale face à ces « multiples » violations de ces droits.
« Rassurez-vous, Monsieur le Président, je n’attends sûrement pas de vous un tel geste de grandeur mais convenez que votre silence, mieux votre indifférence vis-à-vis des menaces de mort, des actes de torture, des harcèlements, des intimidations ainsi que de la tentative d’assassinat dont je suis victime est au mieux discriminatoire et s’apparente au pire à non-assistance à député en danger contre laquelle j suis en droit de m’insurger« , conclu le député Fayulu.
Par ailleurs, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’union national des fédéralistes du Congo (Unafec) a effectué une visite de « réconfort » à Martin Fayulu à Kinshasa. Les deux hommes ont échangé sur les « futures actions » à mener au sein du Rassemblement dont ils font partie.
https://twitter.com/AfricaTopTweet/status/781796408169000961
La lettre de Martin Fayulu
A Monsieur le Président de l’Assemblée nationale
à Kinshasa/Lingwala
Objet : Mon indignation
Monsieur le Président,
Je viens, par la présente, vous faire part de mon indignation relativement à deux faits dont je suis personnellement victime et qui, malheureusement, ont rencontré une indifférence criante frisant la discrimination de la part du Président de l’Assemblée nationale que vous êtes.
En effet, le 14 février de cette année, pendant près de sept heures et demi, de 14 heures à 21h20’, député national, j’ai été victime d’un enlèvement, de tortures physiques et morales, de coups et blessures, d’extorsion des biens, de menaces de mort et d’injures publiques de la part des services de renseignements militaires communément appelés DEMIAP.
Le 18 février 2016, dans une plainte en bonne et due forme, j’ai saisi les services de Monsieur l’Auditeur Général des Forces armées de la République Démocratique du Congo et, en votre qualité de Président de l’Assemblée nationale, j’ai pris soin de vous en réserver une copie. Il en est de même de la plainte que j’ai introduite le 24 février 2016 auprès de Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation de la République Démocratique du Congo dont une copie vous a été aussi remise.
Depuis lors, ma Jeep Mercedes ML, immatriculée 3985-01AA et mes effets personnels, notamment mon agenda 2014, mes quatre carnets de chèques, mon téléphone portable de marque Samsung, mes six cent soixante-dix dollars américains, mes 27.000 FC ainsi que d’autres documents relatifs à mes activités politiques sont toujours retenus par le pouvoir sans motif.
Et c’est non sans regret que je constate qu’en rapport avec cette situation, votre seule et unique réaction enregistrée à ce jour, demeure votre tardif tweet du 12 février 2016 posté à 22h20 en ces termes : «Arrestation 2 Hn Fayulu, j’ai saisi le PGR pour que les principes constitutionnels soient respectés dans la procédure. Il vient d’être libéré» !
Pour votre information, l’office de Monsieur l’Auditeur Général des Forces armées comme celui de Monsieur le Procureur Général près la Cour de Cassation de la République Démocratique du Congo demeurent silencieux jusqu’à ce jour et mes biens décrits ci-dessus sont toujours confisqués sans raison.
Le deuxième fait que je voudrais relever ici est consécutif à ma participation à l’activité politique organisée le 19 septembre dernier par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, dont je suis membre. Malheureusement, cette activité voulue pacifique s’est transformée, par la volonté du pouvoir en place, en un véritable massacre des paisibles citoyens sans défense.
Manifestement ciblé, un policier, posté à près de 60 m de là où je me trouvais avec les autres manifestants, a tiré à bout portant une balle en caoutchouc sur moi. La balle a atteint ma tempe du côté droit et la sévérité de son impact est encore visible sur mon visage. C’est cette tentative d’assassinat qui justifie mon hospitalisation depuis le 19 septembre jusqu’à ce jour. Six jeunes qui étaient à mes côtés ont reçu, eux, des balles réelles.
Curieusement, une fois de plus ni vous, ni aucun autre membre du Bureau de l’Assemblée nationale, vous n’avez, au minimum, daigné vous enquérir de ma situation ou de me faire bénéficier des avantages prévus dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et liés à ma qualité de Député national.
Pour de loin moins que cela, l’ancien Président de l’Assemblée nationale du Gabon et ancien Président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), Mr Guy Nzouba avait, en mars de cette année, démissionné de son poste de Président lorsqu’effectivement les services de renseignements gabonais voulaient empêcher le trésorier de l’assemblée nationale gabonaise de partir avec des documents de travail.
“Je ne puis cautionner une quelconque jurisprudence qui viserait à fouler aux pieds l’immunité parlementaire dont jouissent les députés, en principe, tout comme la tentative d’intimidation exercée sur ces derniers dans le cadre de leurs fonctions”, avait-il dit pour soutenir sa décision.
Rassurez-vous, Monsieur le Président, je n’attends sûrement pas de vous un tel geste de grandeur mais convenez que votre silence, mieux votre indifférence vis-à-vis des menaces de mort, des actes de torture, des harcèlements, des intimidations ainsi que de la tentative d’assassinat dont je suis victime est au mieux discriminatoire et s’apparente au pire à non-assistance à député en danger contre laquelle j suis en droit de m’insurger.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de mes sentiments patriotiques.
Kinshasa, le 26 septembre 2016
Martin M. FAYULU
Député national