Le rapport Mapping, au contenu lugubre, publié en août 2010 par le Haut-commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme révèle plusieurs violations graves des droits de l’homme et droits internationaux commis en RDC, dans différentes provinces. Comme dans d’autres coins du pays, la victoire des groupes rebelles alliés AFDL/APR sur les Forces Armées Zaïroises (FAZ) et les ex-FAR/Interahamwe (mouvement de rébellion Rwandaise formé à l’Est de la RDC) dans la province Orientale n’a pas mis fin aux massacres, aux disparitions forcées et aux graves violations des droits des réfugiés. Dans cette édition spéciale Mapping, POLITICO.CD vous fait découvrir les différentes hostilités armées qui se sont soldées entre fin 1996 et 1997, à la mise à mort des centaines de milliers des réfugiés d’origine Rwandaise, massacrés à Kisangani (chef-lieu de la Province Orientale à l’époque) et dans les villages environnants, tandis que d’autres ont été jetés dans les rivières et noyés dans le fleuve Congo, anciennement appelé « fleuve Zaïre. »
Le rapport Mapping révèle que suite au déclenchement de la première guerre et à l’avancée des troupes de l’AFDL/APR à travers la province orientale, les services de sécurité zaïrois et la population de Kisangani ont adopté un comportement de plus en plus hostile envers les Rwandais et toutes les autres populations d’origine Rwandaise, notamment les Tutsi. C’est ainsi qu’à partir d’octobre 1996, les services de sécurité zaïrois ainsi que des civils ont tous tué un nombre indéterminé des rwandais et d’autres détenus. Il les ont aussi torturés jusqu’à la prise de la ville de Kisangani par les troupes de l’AFDL/APR.
D’après le rapport, à l’exception du groupe des militaires qui accompagnaient l’entourage de l’ancien Président rwandais Habyarimana, qui a rapidement traversé la région entre fin 1996 et début 1997, l’immense majorité des réfugiés rwandais n’est arrivée dans la province Orientale qu’en mars 1997. « Alors qu’ils tentaient d’atteindre Kisangani en compagnie d’un nombre extrêmement réduit d’éléments des ex-FAR/Interahamwe via la route Lubutu-Kisangani, sur la rive droite de la rivière Lualaba (ou fleuve Congo), ils ont été repoussés par les FAZ vers Ubundu, à 100 kilomètres au sud de Kisangani, sur la rive gauche de la rivière Lualaba. À compter du 6 mars 1997, des dizaines de milliers de réfugiés se sont installés à Njale, dans le territoire d’Ubundu, sur la rive droite du fleuve Zaïre, en face du village d’Ubundu», précise ce document. À travers les pages du rapport Mapping, l’on découvre que les combats qui se sont déroulés entre les troupes de l’AFDL/APR et celles des ex-FAR/Interahamwe dans les environs de Njale ont suscité chez les réfugiés un mouvement de panique et beaucoup d’entre eux ont tenté de traverser le fleuve par tous les moyens, malgré des conditions météorologiques difficiles. « Plusieurs centaines de
réfugiés seraient ainsi morts noyés au cours de la traversée», souligne-t-on.
Attaques contre les réfugiés sur l’axe Lubutu–Kisangani
Avançant plus rapidement que les autres, affirme l’équipe Mapping, un petit groupe d’environ 1 000 réfugiés et d’éléments des ex-FAR/Interahamwe a pu passer avant la fermeture de la route Lubutu-Kisangani. Le 12 mars 1997, ils sont arrivés à Wania Rukula, village situé à 64 km de Kisangani. Ils se sont installés dans deux camps temporaires situés entre les localités de Luboya et Maiko, sur la rive droite de la rivière Luluaba. « Le même jour, des militaires des FAZ de la Division Spéciale Présidentielle (DSP) sont venus dans les camps et ont distribué des armes aux ex-FAR/Interahamwe en prévision d’une attaque de l’AFDL/APR», explique l’équipe Mapping qui a ensuite allégué avoir documenté l’incident suivant :
• Le 14 mars 1997, vers 20 heures, après la défaite de la coalition FAZ/ex-FAR/Interahamwe, des militaires de l’AFDL/APR ont tué au moins 470 réfugiés dans les deux camps situés près de Wanie Rukula, dans le territoire d’Ubundu. La plupart des corps des victimes ont été jetés dans la rivière Luboya mais certains ont été placés dans trois fosses communes.
Exécutions et disparitions forcées de réfugiés à Kisangani et ses environs
Après la prise de Kisangani, le 15 mars 1997, les militaires de l’AFDL/APR ont organisé des opérations de ratissage dans la ville et ses environs, à la recherche des réfugiés.
« Les nouvelles autorités de l’AFDL ont donné pour instructions aux responsables locaux de rassembler tous les réfugiés présents dans la région. Chaque fois que des groupes de réfugiés étaient repérés, des militaires de l’AFDL/APR se rendaient sur les sites de rassemblement et emmenaient les réfugiés vers une destination inconnue», souligne l’Équipe Mapping qui dit avoir documenté les incidents allégués suivants :
• Aux environs du 15 mars 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont fait disparaître une trentaine de réfugiés détenus dans la prison centrale de Kisangani. Une fois entrés dans la prison abandonnée par les services de sécurisé zaïrois, ils ont trié les prisonniers en fonction de leur ethnie. Les Tutsi ont été libérés et leur rapatriement au Rwanda a été organisé. Les Hutu ont été emmenés à l’extérieur de la prison et leur destination reste inconnue jusqu’à ce jour. Une vingtaine de femmes et d’enfants hutu ont été également emmenés à l’extérieur de la prison en vue de leur rapatriement au Rwanda. Leur retour n’a toutefois pu être confirmé.
• Fin avril 1997, des militaires de l’AFDL/APR ont arrêté un groupe de 11 réfugiés sur la route Kisangani–Lubutu. Ces derniers non plus n’ont jamais été revus.
Attaques contre les réfugiés sur le chemin de fer Ubundu–Kisangani
Après avoir traversé la rivière Luluaba au niveau du village d’Ubundu, les réfugiés ont, pour la plupart, poursuivi leur chemin et se sont installés, vers le 14 mars 1997, dans un camp de fortune appelé « Camp de la Paix », situé dans le village d’Obilo, à 82 km de Kisangani.
Le 15 mars cependant, les troupes alliés de l’AFDL/APR/UPDF ont pris la ville de Kisangani. Les réfugiés, dans leur majorité, ont décidé de continuer leur chemin, à l’exception de quelques centaines qui sont restés à Obilo.
L’incident allégué suivant a été documenté par l’équipe Mapping:
• Le 26 mars 1997 à l’aube, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 80 réfugiés au moins, dont des femmes et des enfants, au camp d’Obilo, dans le territoire d’Ubundu. Quelques jours auparavant, des militaires de l’AFDL/APR en provenance de Kisangani s’étaient rendus à Obilo et avaient donné pour ordre aux autorités locales de ramener dans le « Camp de la Paix » tous les réfugiés présents dans le village afin qu’ils puissent recevoir une aide humanitaire. Le 26 mars également, les villageois ont entendu des coups de feu pendant 45 minutes environ. Le lendemain, ils sont entrés dans le camp parsemé de douilles et ont découvert les cadavres des victimes. En quittant Obilo, les militaires ont déclaré à la population que les réfugiés étaient des personnes malfaisantes et qu’ils ne devaient en aucun cas aider les survivants.
La Croix-Rouge ainsi que certains habitants ont enterré les cadavres dans quatre fosses communes. Deux d’entre elles se trouvent à proximité du marché, une près de l’église des Témoins de Jéhovah et une autre sur les bords de la rivière Obilo. Les réfugiés qui avaient quitté Obilo avant l’attaque se sont séparés dans deux directions. Un premier groupe, dans lequel se trouvaient des éléments des ex-
FAR/Interahamwe est parti en direction de la province de l’Équateur en coupant par la forêt au niveau du point kilométrique 52 puis en passant par le territoire d’Opala. Un second groupe composé principalement de réfugiés, a continué d’avancer en direction de Kisangani dans l’espoir d’avoir accès à l’aide humanitaire, voire d’être rapatrié. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont installées dans le village de Lula, à 7 km de Kisangani, sur la rive gauche du fleuve.
Le 31 mars 1997 cependant, les militaires de l’AFDL/APR sont arrivés dans la zone et les ont obligé à rebrousser chemin en direction d’Ubundu. Les réfugiés ont alors investi des camps provisoires le long de la ligne de chemin de fer reliant Kisangani et Ubundu sur une distance de 125 kilomètres.
Vers la mi-avril, 50 000 réfugiés au moins s’étaient ainsi installés dans les camps de Kasese I et II, situés près de la localité de Kisesa, à 25 km de Kisangani. Un second camp de fortune a accueilli 30 000 réfugiés au niveau de Biaro, à 41 km de Kisangani.
« Le personnel humanitaire s’est fortement mobilisé afin de venir en aide aux réfugiés vivant dans ces camps. Compte tenu de l’ampleur des besoins et des difficultés d’accès aux camps, seule une faible proportion de la population réfugiée a pu bénéficier d’une aide humanitaire. Le personnel humanitaire a par ailleurs dû faire face à l’hostilité des responsables de l’AFDL/APR sur le terrain.» indique l’Équipe Mapping qui a, dans ce contexte, documenté les incidents allégués suivants :
• Au cours d’avril 1997, alors qu’entre 60 et 120 réfugiés mourraient chaque jour de maladie ou d’épuisement, les militaires de l’AFDL/APR ont, à plusieurs reprises, interdit l’accès des camps aux organismes et ONG à vocation
humanitaire et entravé le rapatriement des réfugiés vers le Rwanda. Malgré l’accord donné officiellement au HCR le 16 avril 1997 par les responsables de l’AFDL pour qu’il rapatrie par avion les milliers de réfugiés se trouvant dans la région de Kisangani, le Gouvernement rwandais a contesté cette option et insisté pour que les réfugiés soient rapatriés par la route. À plusieurs reprises, cependant, les opérations de rapatriement par voie terrestre ont été reportées sous différents prétextes. Le rapatriement de 80 enfants du camp de Biaro prévu pour le 18 avril a ainsi été annulé par les responsables de l’AFDL/APR au motif controversé que plusieurs cas de choléra avaient été signalés dans le camp voisin de Kasese. Par la suite, un convoi humanitaire et un dépôt du PAM ont été attaqués par la population locale à l’instigation des militaires de l’AFDL/APR et le personnel humanitaire s’est vu interdir l’accès aux camps situés au sud de Kisangani. Une barrière dressée au niveau de Lula a ainsi marqué l’entrée de cette zone restreinte à tout le personnel humanitaire.
Les 19 et 20 avril, raconte le rapport Mapping, l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) a négocié un passage mais n’a pu travailler que pendant deux heures par jour dans les camps. À compter du 21 avril, l’accès aux camps a été totalement interdit au personnel humanitaire.
• Le 21 avril 1997, des habitants de Kisesa visiblement encouragés par des militaires de l’AFDL/APR ont attaqué les camps de Kasese I et II en faisant usage de machettes et de flèches, tuant un nombre indéterminé de réfugiés et pillant des dépôts humanitaires.
Plusieurs sources ont indiqué que l’attaque avait été menée en représailles au meurtre par les réfugiés de six villageois de Kisesa. Cette version des faits a toutefois été contestée par plusieurs sources crédibles. Des militaires de l’AFDL/APR présents sur place auraient directement incité la population à attaquer les camps, selon le rapport.
De nombreux témoins et différentes sources citée par l’équipe Mapping ont indiqué qu’un train en provenance de Kisangani était arrivé le 21 avril 1997 à proximité des camps avec à son bord des éléments des unités spéciales de l’APR déployées depuis le 17 avril à l’aéroport de Kisangani.
L’incident allégué suivant a été documenté :
• Le 22 avril 1997 au matin, des éléments de l’AFDL/APR accompagnés de villageois ont, en présence de plusieurs hauts responsables de l’APR, tué au moins 200 réfugiés dans les camps de Kasese I et II. Les tueries ont duré de 7 à 12 heures.
Selon plusieurs sources, quelques éléments des ex-FAR/Interahamwe se seraient trouvés dans les camps mais les victimes étaient pour la plupart des civils.
Après le massacre, les militaires se sont rendus dans le village de Kisesa et ont donné ordre aux villageois de se rendre dans les camps pour ramasser les corps qui, dans un premier temps ont été enterrés dans des fosses communes. Par la suite, les militaires de l’AFDL/APR sont revenus à Kisesa afin d’exhumer les corps et de les brûler.
Le 24 avril, des responsables du Haut Commissariat des Réfugiés (HCR) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM) ainsi que quelques journalistes ont pu se rendre dans les camps de Kasese I et II sous escorte militaire de l’AFDL/APR. Tous les réfugiés, y compris les malades et les enfants, avaient disparu.
Immédiatement après les massacres de Kasese, les militaires de l’AFDL/APR ont attaqué le camp de Biaro, à 41 km de Kisangani. L’incident allégué suivant a été documenté par l’équipe Mapping:
• Le 22 avril 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont ouvert le feu de manière indiscriminée sur le camp de réfugiés de Biaro, tuant près de 100 personnes, dont des femmes et des enfants. Les militaires ont ensuite traqué les réfugiés qui étaient parvenus à s’enfuir dans la forêt et en ont tué un nombre indéterminé. Ils ont aussi réquisitionné le bulldozer d’un exploitant forestier basé à Kisangani afin de creuser des fosses communes. Des témoins contactés par l’équipe Mapping disent avoir vu des éléments de
l’AFDL/APR transporter du bois dans des camions. Ce bois a servi par la suite à dresser des bûchers et à brûler les corps.
Le 28 avril 1997, l’ONG MSF a été autorisée à visiter les camps de Kasese et Biaro mais tous leurs occupants avaient disparu. Selon MSF, avant les attaques, ces camps abritaient au moins 5 000 personnes qui se trouvaient dans un état d’épuisement extrême.
Le 22 avril 1997, alors que se déroulaient les attaques sur les camps de Biaro et Kasese, des militaires de l’AFDL/APR et des villageois ont arrêté des réfugiés qui tentaient de s’enfuir et les ont contraints à partir en direction du centre ville d’Ubundu.
L’incident allégué suivant a été documenté par l’équipe Mapping :
• Le 22 avril 1997, au niveau du point kilométrique 52, les militaires de l’AFDL/APR ont ordonné aux réfugiés de s’arrêter et de s’asseoir, puis ils ont ouvert le feu sur eux, tuant un nombre indéterminé de personnes, parmi lesquelles un grand nombre de femmes et d’enfants. Les cadavres ont été entassés au bord de la route puis enterrés ou brûlés.
En mai 1997, alors même que le HCR et le personnel humanitaire organisaient le rapatriement de certains réfugiés qui se trouvaient entre le point kilométrique 41 et Kisangani, les massacres se sont poursuivis dans la zone située au sud du camp de Biaro. Cette zone est restée interdite au personnel humanitaire, aux journalistes et aux diplomates jusqu’au 19 mai au moins.
Le 14 mai, la délégation de Sérgio Vieira de Mello, adjoint du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, s’est vue refuser l’accès à la zone par des militaires de l’AFDL/APR. À la même époque, interrogé par des journalistes dans le cadre d’un reportage télévisé, un Zaïrois membre des ex-Tigres katangais intégrés dans l’AFDL/APR a déclaré avoir été témoin de plus d’un millier d’exécutions par semaine dans cette zone. Il a également indiqué que les corps des victimes étaient acheminés de nuit sur certains sites afin d’être brûlés. Les militaires de l’AFDL/APR ont mené une campagne de « sensibilisation » auprès de la population afin qu’elle ne parle pas de ce qui s’était passé.
À partir du 30 avril 1997, les militaires de l’AFDL/APR ont commencé à acheminer par train plusieurs groupes de réfugiés qui avaient survécu aux attaques sur les camps de Kasese jusqu’au camp de transit installé à proximité de l’aéroport de Kisangani.
Ici, l’équipe Mapping a documenté l’incident suivant :
• Le 4 mai 1997, les militaires de l’AFDL/APR ont provoqué la mort de plus de 90 réfugiés en les faisant voyager dans un train dans des conditions propres à provoquer de nombreuses pertes en vies humaines. Les militaires de l’AFDL/APR qui avaient refusé que le personnel humanitaire organise leur rapatriement avaient
entassé les réfugiés dans des wagons sans respecter les consignes de sécurité
minimales pour la survie des voyageurs.
Attaques contre les réfugiés le long de l’axe Kisangani–Opala
Début avril 1997, des réfugiés en provenance du territoire d’Ubundu, qui avaient probablement fui les massacres de Biaro et Kasese, se sont regroupés dans la localité de Yalikaka, au bord de la rivière Lobaye. Un incident allégué a été documenté par l’équipe Mapping :
• En avril 1997, certains habitants du village de Yalikaka, dans le territoire d’Opala, agissant sous les ordres d’un civil, ont tué au moins 50 réfugiés à l’arme blanche ou à coups de branches. Les cadavres ont été enterrés sur les lieux ou jetés dans la rivière. Cette attaque aurait eu lieu en représailles à l’assassinat, survenu un peu plus tôt, d’un habitant du village par des éléments des ex-FAR/Interahamwe.
Après le massacre, certains habitants du village de Yalikaka ont continué à empêcher de nombreux réfugiés de traverser la rivière et de s’enfuir. Ils ont aussi prévenu les militaires de l’AFDL/APR de la présence des réfugiés dans le Village.
« Vers le 28 avril 1997, une vingtaine de militaires de l’AFDL/APR sont arrivés dans le village de Yalikaka et ont tué des centaines de réfugiés. À leur arrivée, ils ont interrogé les réfugiés et écarté un Zaïrois au moins qui se trouvait parmi eux. Ils ont ensuite exécuté les réfugiés par balle. Les corps des victimes ont été enterrés sur place par les villageois», documente l’équipe Mapping. C’est ainsi qu’après la chute de Kisangani et la destruction des camps situés entre Kisangani et Ubundu, plusieurs milliers de réfugiés se sont regroupés dans les villages de Lusuma et Makako, à 206 km de Kisangani. Ils n’ont pas pu franchir la rivière Lomami pour atteindre Opala et sont restés sur les lieux, pillant les biens et les récoltes des civils.
Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
• Entre avril et mai 1997, certains habitants du village de Yalikaka et des éléments de l’AFDL/APR ont tué 300 réfugiés par balle ou à l’arme blanche dans le village de Makako du territoire d’Opala.
• Au cours d’avril et mai, le long de la route entre Yaoleka et Anzi, dans le territoire d’Opala, des villageois ont tué plusieurs dizaines de réfugiés en les attaquant avec des flèches empoisonnées ou en laissant à leur portée des produits comestibles empoisonnés. Les villageois cherchaient ainsi à dissuader les réfugiés de venir s’installer dans leur village et, dans certains cas, à se venger des actes de pillage perpétrés par des éléments des ex-FAR/Interahamwe et des réfugiés ayant traversé la région. « Entre 25 et 30 réfugiés ont été tués à Yaata, 10 à Lilanga, 21 à Lekatelo et une quarantaine à Otala, à la frontière avec la province de l’Équateur», fait savoir l’équipe Mapping.
À partir de mai jusqu’à juin 1997, des militaires de l’AFDL/APR ont, au cours d’une opération planifiée, tué un nombre indéterminé des réfugiés, parmi lesquels se trouvaient quelques éléments des ex-FAR, dans la localité de Bengamisa, à 51 km au nord de Kisangani. Les victimes ont été enlevées à Kisangani et ses environs, puis acheminées par véhicule dans un site militaire.
D’après des témoins, les militaires auraient fait croire aux victimes qu’ils allaient les ramener au Rwanda par la route. Une fois arrivées dans les bâtiments du camp, les victimes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, ont été emmenées à l’extérieur des bâtiments par petits groupes, ligotées puis égorgées, ou tuées à coups de marteau sur la tête. Les corps ont ensuite été jetés dans des fosses ou brûlés avec de l’essence. L’opération a été menée de façon méthodique et a duré au moins un mois. Avant de quitter les lieux, les militaires ont tenté de faire disparaître les traces des massacres. À l’aide d’un bateau à moteur et d’une pirogue, ils ont jeté les cadavres dans les rapides de la rivière ainsi qu’une partie de la terre prise sur le site d’extermination. Ils ont aussi fait exploser des bombes dans le camp de façon à retourner la terre où les corps avaient été enterrés.
Après la fermeture du camp de Bengamisa, des militaires de l’AFDL/APR se sont installés à une trentaine de kilomètres de là, dans la localité d’Alibuku. Ils ont monté un camp temporaire à 5 km du village, dans une zone non habitée près d’une carrière de graviers. Ils ont dit aux villageois qu’ils cherchaient les Hutu qui avaient tué les Tutsi au Rwanda et leur ont demandé de les aider à les retrouver. Ils ont aussi bloqué la route menant au camp et ordonné au chef de secteur d’interdire à la population de venir chasser dans la forêt environnante.
L’équipe Mapping a documenté l’incident suivant :
• À compter de juin 1997 et au cours des deux ou trois mois suivants, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de réfugiés dans les environs d’Alibuku. Deux fois par semaine, un camion transportant des réfugiés arrivait sur le site escorté par deux jeeps militaires de l’AFDL/APR. Les victimes ont été tuées à l’arme blanche ou ligotées et jetées vivantes du haut de la colline dans la vallée rocheuse. Il est impossible de déterminer avec précision le nombre de personnes tuées sur ce site, mais les victimes se comptent probablement par centaines, vu le nombre d’allers et retours effectués.
Avant de partir, les militaires ont tout de même cherché à faire disparaître les traces des massacres. Après leur départ, un groupe de villageoises a malgré tout découvert sur place de nombreux restes humains.
Comme dans les autres provinces, la victoire des militaires de l’AFDL/APR sur les FAZ n’a pas mis un terme aux graves violations des droits de l’homme des réfugiés
dans la province Orientale.
Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
• Le 4 septembre 1997, à 4 heures, des militaires des FAC/APR ont fait sortir 765 réfugiés d’un camp de transit situé à 11 kilomètres de Kisangani et les ont rapatriés de force au Rwanda et au Burundi en l’absence de témoins extérieurs (organismes des Nations Unies ou ONG). Cette opération, souligne le rapport Mapping, a touché 440 Rwandais et 325 Burundais, dont 252 femmes et 242 enfants.
• En septembre 1997, des militaires des FAC/APR, agissant en présence des autorités administratives locales, ont procédé à la fouille systématique des maisons dans les environs du camp de réfugiés de Lula, à 7 km de Kisangani, afin d’en retirer les enfants des réfugiés recueillis par la population locale.
Selon un témoin, les militaires auraient déclaré que les « Hutu » étaient une mauvaise race qui créerait des problèmes pour les Congolais. Ils ont aussi ajouté que « même les enfants, une fois adultes […] commenceraient à faire de choses incroyables ».
Les organismes humanitaires n’ont pas été impliqués dans le rapatriement de ces enfants et leur sort demeure incertain.
• En novembre 1997, des militaires des FAC/APR ont enlevé 33 réfugiés à l’Hôpital général de Kisangani et les ont conduits vers une destination inconnue.
• Entre janvier et février 1998, à Kisangani, des militaires des FAC/APR ont arrêté quatre réfugiés rwandais, dont deux mineurs. Leur sort reste inconnu à ce jour, souligne le rapport Mapping qui allègue que les victimes étaient membres d’une même famille. Leur père enseignait depuis 1996 à la faculté des sciences de l’université de Kisangani.
Après ces événements odieux, la ville de Kisangani a déjà connu plusieurs autres affres de guerres notamment les guerres de Mai 1998, celles de deux, trois et six jours. Ces successions d’affrontements entre les armées étrangères ont causé d’énormes dégâts dont les traces planent encore à ces jours. Des milliers des morts et des victimes dont ni justice ni réparation n’ont été rendu jusqu’à ce jour. Plus de 600 obus ont retenti en pleine ville, en juin 2000, pendant la guerre historique de six jours. Près de 20 ans après, la ville martyre se reconstruit après une vache destruction dite « aux affres de guerres ».
Serge SINDANI / POLITICO.CD