L’arrivée de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), avec à sa tête feu président Laurent-Désiré Kabila, a enregistré, dans son entrée pour la prise de Kinshasa, une série d’actions touchant aux droits de l’homme et à la dignité humaine, documentée par le rapport Mapping de l’équipe des Nations Unies. Des faits commis avec le concours de l’Armée patriotique rwandaise (APR) et alliés.
Au cours des jours suivant la prise de Kinshasa, comme l’indique ce rapport de l’ONU, les troupes de l’AFDL/APR et leurs alliés ont commis des exécutions sommaires, des actes de torture provoquant parfois la mort ainsi que des viols. « Entre le 18 et le 22 mai 1997, à Kinshasa et dans ses environs, les équipes de volontaires de la Croix-Rouge nationale ont ramassé entre 228 et 318 corps. Ils ont également évacué plus d’une dizaine de blessés dans divers hôpitaux et cliniques de la ville », note-t-il.
Les militaires de la Division Spéciale Présidentielle (DSP) ont été les principales cibles de ces massacres au même titre que les anciens dignitaires du régime de Mobutu. Des civils ordinaires ont également été victimes de graves violations. De nombreuses personnes ont notamment été arrêtées arbitrairement et détenues dans des conditions propres à entraîner de lourdes pertes en vies humaines.
Au mois d’octobre 1997, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RDC a signalé au Gouvernement plus de 40 cas de torture.
À ce propos, le rapport Mapping a documenté quelques incidents allégués suivants :
• Entre mai et juin 1997, des éléments de l’AFDL/APR, avec l’aide de la population civile, ont procédé à un grand nombre d’exécutions publiques. Dans de nombreux cas, les corps des victimes ont été brûlés, notamment dans les communes de Masina, Matete et dans le quartier Kingabwa de la commune de Limete.
• Entre mai et juin 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont exécuté un nombre indéterminé de militaires des ex-FAZ et d’opposants politiques détenus dans le bâtiment GLM (Groupe Litho Moboti). Chaque nuit plusieurs personnes étaient
sorties des cachots et emmenées au bord du fleuve où elles étaient exécutées et leurs corps jetés dans l’eau. Ces opérations ont cessé suite aux protestations des
organisations de défense des droits de l’homme alertées par les pêcheurs locaux qui voyaient chaque jour remonter des cadavres à la surface du fleuve.
Parlant des faits produits au mois de juin et juillet 1997, il est évoqué que des éléments des FAC(Forces Armées Congolaise)/APR ont détenu et torturé un nombre indéterminé de personnes dans les cachots des camps Kokolo et Tshatshi. « De nombreux prisonniers sont morts du fait de mauvais traitements, de la malnutrition, de l’insalubrité et du manque d’accès aux soins médicaux ».
À compter de novembre 1997, renseigne-t-il, 24 blessés de guerre au moins des ex-FAR ont officiellement été portés disparus, très probablement exécutés par des éléments des FAC/APR à une date inconnue. Huit d’entre eux, dit-il, se trouvaient auparavant à la clinique Ngaliema et à la clinique Kinoise. Les 16 autres avaient été transférés par des éléments de l’AFDL/APR, quelques jours après la prise de Kinshasa, du pavillon 11 de l’hôpital « Mama Yemo » au camp Kabila (anciennement camp
Mobutu). À en croire ledit rapport, dans le camp, ils ont été menacés de mort et ont subi des traitements cruels et dégradants avant de disparaître. Après la perte de la province Orientale par les FAZ ex-FAR/Interahamwe en mars 1997, une centaine de blessés de guerre des ex-FAR qui avaient combattu aux côtés des FAZ dans cette province, avaient été hospitalisés dans plusieurs hôpitaux de Kinshasa.
Dès la prise de la capitale, des éléments des FAC/APR, en particulier de nombreux Kadogo ont instauré à Kinshasa des méthodes de sanction qui s’apparent à des traitements cruels, inhumains et dégradants, notamment des flagellations en public et le supplice de la chicotte. « De nombreux civils sont décédés à la suite des hémorragies internes provoquées par des coups de fouet reçus sur l’abdomen », indique-t-il.
À compter de juin 1997, lit-on, la haute hiérarchie militaire du nouveau régime a envoyé les militaires des ex-FAZ sur la base militaire de Kitona, au Bas-Congo, afin qu’ils suivent des cours « d’idéologie et de rééducation ».
Dès le départ des ex-FAZ pour Kitona, les militaires des FAC/APR ont investi les camps où les militaires de l’ancien régime étaient logés. Dans ce contexte l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
• Dans les camps militaires CETA [Centre d’entraînement des forces aéroportées] et Tshatshi, des éléments des FAC/APR ont violé un grand nombre d‘épouses et des filles (parfois mineures), de militaires ex-FAZ partis à Kitona. Ils ont forcé certaines victimes à vivre avec eux en concubinage et à effectuer pour eux des tâches domestiques.
• Au camp Kokolo, des éléments des FAC/APR ont violé un grand nombre d’épouses et de filles de militaires ex-FAZ partis à Kitona ainsi que des femmes arrêtées au hasard dans la ville. De nombreux viols collectifs ont eu lieu dans la partie du camp appelée « camp américain ». Une jeune fille a été violée par plusieurs soldats puis torturée, les militaires faisant couler de la cire brûlante sur ses parties génitales et sur son corps.
• Au cours de la période considérée, de nombreuses sources rapportent qu’à travers tout Kinshasa les militaires de l’AFDL/APR ont aussi violé et battu un grand nombre de femmes, dont de nombreuses prostituées.
Au mois de septembre 1997 vers la fin, plusieurs quartiers de Kinshasa avaient été touchés par des tirs d’obus tirés depuis Brazzaville par les groupes armés en conflit pour le contrôle de la Présidence en République du Congo. En retour, les FAC/APR avaient alors riposté en tirant pendant deux jours sur Brazzaville au lance-roquettes.
L’incident allégué suivant a été documenté :
• Du 29 septembre au 1er octobre 1997, des tirs à l’arme lourde en provenance de Brazzaville frappant sans discrimination ont causé la mort d’au moins 21 personnes dans différents quartiers de Kinshasa.
À la suite de la décision prise par le Président Kabila (M’zee) d’interdire l’activité des partis politiques, les forces de sécurité du nouveau régime ont pris pour cible, relate le rapport Mapping, les dirigeants et militants des principaux partis d’opposition. Lors de la répression, les femmes se trouvant dans l’entourage immédiat des opposants arrêtés ont fréquemment été victimes de viols.
Ainsi, plusieurs incidents ont été allégués suivant le rapport des Nations Unies dont notamment entre 1997 et 1998, où des militaires des FAC/APR auraient régulièrement arrêté arbitrairement et torturé des militants du Parti Lumumbiste Unifié (PALU). Selon eux, lors des activités de répression du 25 juillet 1997 organisées contre une manifestation du PALU, les militaires FAC/APR ont tué entre un et quatre militants et en ont blessé au moins quatre autres, et plusieurs dizaines de militants du PALU ont été arrêtés arbitrairement et torturés à cette occasion.
Le même jour, note-il, les militaires ont perquisitionné et pillé la résidence du Président du Parti, Antoine Gizenga, située dans la commune de Limete. Au cours de cette opération, comme le soutient l’équipe Mapping, ces derniers ont tué un militant du PALU et en ont blessé grièvement six, en les frappant avec des fouets, des barres de fer ou des crosses de fusil.
Cependant, il est mentionné qu’entre 1997 et 1998, des militaires des FAC/APR ont régulièrement arrêté les militants de l’UDPS et les ont soumis à la torture pendant plusieurs mois dans divers lieux de détention. Et au dixième jour de décembre 1997, des militaires des FAC/APR ont battu et violé collectivement deux des sœurs du Président du Front pour la survie de la démocratie au Congo (FSDC). « Le Président du FSDC, ancien dignitaire sous Mobutu, a finalement été arrêté en février 1998. Au cours de sa détention à la prison centrale puis au centre d’entraînement militaire de Mikonga, il a été régulièrement torturé », conclut le Rapport Mapping sur les faits survenus à Kinshasa.
Hervé Pedro