La Conférence Épiscopale Nationale du Congo, à travers son Comité permanent, est revenue dans une conférence de presse ce jeudi 8 avril sur la situation d’insécurité et des massacres perpétrés dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Dans leur message intitulé « Arrêtez de tuer vos frères », les Princes de l’Église dressent un tableau sombre de la crise sécuritaire.
Les évêques de la CENCO disent constater notamment que « les assaillants se servent des points faibles des Forces Armées régulières pour parvenir à leur but politique ou religieux : l’occupation des terres, l’exploitation illégale des ressources naturelles, l’enrichissement sans cause, l’islamisation de la région au mépris de la liberté religieuse, etc. ».
Et cette situation, notent les Évêques, « a endeuillé des familles, entrainé des déplacements massifs des populations et causé des pertes importantes des biens, en portant un coup dur à l’économie d’une région qui sert à juste titre de grenier du pays. Les victimes se comptent par milliers : plus de 6.000 morts à Beni depuis 2013 et plus de 2.000 à Bunia pour la seule année 2020. On compte également au moins 3 millions de déplacés et environ 7.500 personnes kidnappées ».
L’armée et « son impact mitigé »
Face à cette recrudescence de la situation sécuritaire, les Évêques estiment que l’impact de la présence des éléments des FARDC dans des zones à conflits est mitigé. « Les éléments de l’armée sont présents mais l’impact de leur présence est mitigé. D’aucuns leur reconnaissent de gros efforts effectués pour endiguer les massacres et les pillages. Certains officiers sont accusés de torpiller les avancées des hommes de rangs et des officiers subalternes. D’autre part, la multiplicité des centres de commandements FARDC et leurs faibles interventions contre les milices renforcent le pillage et l’économie criminelle », disent-ils.
Pour la CENCO qui mentionne « l’avis de plusieurs observateurs », les FARDC se caractérisent par « une sédentarisation de certains officiers qui sont restés longtemps dans la région et s’opposent à être déployés ailleurs ; la modicité et le détournement de la solde des militaires de rang et de leur ration, d’où l’amenuisement de leur motivation ; une mauvaise gestion des effectifs, tantôt insuffisants, tantôt fictifs : ceux qui tombent au front ne sont ni recensés ni déclarés ; une grande infiltration des éléments étrangers à la faveur des opérations de brassage et de mixage ; cfr. cas du Procès de Bosco Ntaganda. La présence des anciens rebelles du RCD, du CNDP et du M23 dans les rangs des militaires engagés dans les opérations à l’Est et soupçonnés de complicité avec l’ennemi. L’affairisme de certains officiers, plus soucieux du business que de la conduite des opérations militaires. Une forte porosité des frontières qui facilite des entrées nocturnes d’hommes armés provenant des pays voisins ».
Insécurité : « une réalité complexe »
Des constats faits, les Évêques concluent que « l’insécurité dans cette partie du pays est une réalité très complexe et pour la vaincre, il faudrait une conjugaison d’efforts à plusieurs niveaux ». Ils préconisent « une refondation de la vision, des approches et des structures à divers niveaux : politique, militaire, police, services des renseignements, humanitaire, partenaires du Congo ».
Toujours concernant l’armée, les Évêques recommandent « que diligence soit faite pour régulariser la paie de la solde des militaires, surtout celle des soldats de rangs, et vérifier la meilleure utilisation des ressources allouées aux unités engagées dans les opérations, la maîtrise des effectifs et la bonne tenue de la logistique sur le théâtre des opérations. Détourner la solde et la ration des militaires au front est un acte criminel ».
Les Évêques estiment qu’il s’avère urgent et nécessaire de déplacer tous les officiers militaires ayant évolué dans les différentes rébellions ou groupes armés à l’Est du pays, et mettre à l’écart de la chaine de commandement et de la logistique ceux qui seraient réputés agents-relais des armées étrangères.
La demande est aussi faite par la CENCO de « renforcer les effectifs des régiments et les doter des moyens logistiques adéquats dont les drones de reconnaissance et d’attaques en vue de réduire les pertes en vies humaines et en matériels. »
Stéphie MUKINZI