Dans le viseur de la Justice depuis près d’un an déjà sur la débâcle du Parc Agro Industriel de Bukanga Lonzo, engloutissant plusieurs millions de dollars américains du Trésor public congolais, l’ancien Premier Ministre et actuellement Sénateur, Augustin Matata Ponyo est loin de se tirer d’affaires. Si dans l’affaire zaïrianisation, une autre manche de ses déboires judiciaires, il s’en est sorti indemne, du moins jusque-là, pour le fiasco titanesque de Bukanga Lonzo, l’épée de Damoclès reste suspendue sur lui.
Soupçonné de détournement de fonds alloués à l’indemnisation des victimes d’expropriations sous le règne de Mobutu, le 6 juillet dernier le Sénat avait enfin approuvé la levée des immunités parlementaires de Matata. Il devra donc désormais faire face à la justice qu’il qualifiait de « politiquement motivée ». Alors que le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle veut entendre l’ancien Premier Ministre sur sa gestion du Parc Agro Industriel, ses partisans dont sa Défense, s’y opposent. Ils estiment que le Procureur « devrait rester dans son réquisitoire et la lettre du Sénat qui ne concernent que l’affaire de zaïrianisation. Le fait d’aller au-delà de cela, c’est un acharnement ».
Répondant à l’un des avocats de Matata Ponyo, le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo est formel. Dans sa correspondance du 20 juillet 2021 adressée à l’avocat Laurent Onyemba, dont une copie est parvenue à POLITICO.CD, le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle commence par rappeller que Matata Ponyo « a pris l’engagement devant son avocat Maître Shebele de comparaître » devant leur office pour présenter ses moyens de défense dans l’affaire Bukanga Lonzo.
« Point n’est besoin de vous rappeller que votre client a pris l’engagement devant nous et son avocat Me Shebele de comparaître à notre Office pour assurer sa défense dans le dossier portant sur le Parc Agro Industriel de Bukanga Lonzo. Il a déploré à cette occasion le fait qu’il n’ait pas été invité pour assurer sa défense dans le cadre de ce dossier, comme cela a été le cas pour les autres parlementaires concernés dans ce dossier », écrit le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle Jean-Paul Mukolo à Laurent Onyemba, avocat conseil de Matata Ponyo.
Le Procureur Général fait également remarquer que la levée des immunités de Matata Ponyo lui met à la disposition de la justice pour tous les faits pénaux. Il mentionne que si aux termes de l’alinéa 2 de l’article 107 de la Constitution, aucun parlementaire ne peut, en cours de session, être poursuivi ou arrêté sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Nationale ou du Sénat, cette autorisation n’est requise, en dehors des sessions, que pour l’arrestation du parlementaire, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive, et ce en vertu de l’alinéa 3 de l’article 107 de la Constitution.
« L’honorable Sénateur Matata Ponyo Augustin dont les les poursuites ont été autorisées et les immunités levées par le Bureau du Sénat est donc mis à la disposition de la Justice, ne peut se soustraire des enquêtes engagées contre lui dans un autre dossier judiciaire au simple motif que l’autorisation des poursuites et la levée des immunités n’ont concerné que certains faits pénaux, et non d’autres », tranche la justice congolaise.
Bientôt un mandat d’amener ?
Le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle n’exclut pas de contraindre « par toute voie de droit », Matata Ponyo à se présenter devant son Office pour audition. Une mesure prise après que l’ancien Premier Ministre ait mandaté ses avocats pour lui présenter à toutes les invitations.
« L’extension des pouvoirs du Ministère Public à instruire ces faits ne viole nullement la Constitution et s’il pouvait en tête ainsi, il appartient au juge de conformité à la constitution de se prononcer. Cela étant, j’invite pour la énième fois votre à se présenter à mon Office ce jeudi 22 juillet 2021 à 11h00 pour y être entendu pour les faits infractionnels lui reprochés dans le cadre du dossier sur la gestion du Parc Agro Industriel de Bukanga Lonzo. Faute de quoi, il y sera contraint par toute voie de droit », conclu le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle.
Malgré cette mise en garde, le Sénateur Matata Ponyo a une nouvelle fois décliné personnellement l’invitation de la justice. Il s’est fait présenté, comme pour les précédentes invitations, par ses avocats.