C’est la semaine où un « simple » député a pris une envergure nationale en République démocratique du Congo. Si ses deux rivaux, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe ont contesté sa désignation comme candidat commun de l’opposition en novembre dernier à Genève, affirmant que « la base » ne saurait suivre un appel à voter pour ce candidat de moindre épaisseur (sur papier), la réalité de cette semaine a prouvé le contraire. Loin de sa base « sociologique », dans un pays qui vote fortement tribal, Martin Fayulu a drainé des marrées humaines dans les rues de l’Est du pays, une zone très cruciale pour le prochain vote.
Reports de soutiens réussis
Derrière ce succès, se cache bien des reports d’adhésions. D’abord celui des partisans de Moïse Katumbi. A Beni le mercredi, alors que le candidat de LAMUKA était largement retenu à Kinshasa avec son jet privé — mis à sa disposition par le duo Katumbi-Bemba — dans la ville meurtrie, des hommes et des femmes prenaient d’assaut la célèbre place Nyamwisi. Ils sont principalement de la coalition Ensemble, formée un peu plus tôt cette année par l’ex-gouverneur du Katanga. Quelques heures plutôt, leur leader avait notamment lancé un appel à travers les réseaux sociaux. Mais internet n’est pas donné ici, dans cette région loin de tout développement. Beaucoup ont donc suivi le mot d’ordre de leurs représentants locaux.
Le temps passe, Martin Fayulu n’est toujours pas là. A midi, une info se propage: « Il a déjà décollé de Kinshasa. Il va arriver bientôt« , chuchote-t-on. Si Fayulu a quitté Kinshasa, il doit bien faire escale à Goma, capitale du Nord-Kivu, où il doit changer d’avion. Il arrive donc sur place à 15H. Le temps de changement et quelques tracasseries, il est déjà en route vers Beni.
17h, un Antonov se pose à l’aéroport de Mavivi, ou du moins ce qui s’en approche. Le temps qu’une silhouette coiffée d’une casquette blanche pointe son nez, une foule euphorique envahie la piste. Au pied de l’avion, Fayulu est cueilli par ces curieux et fervents partisans de la nouvelle coalition. Il lui faudra énormément d’efforts pour s’extirper et s’installer dans le véhicule de suite qui sera lui aussi marqué à la culotte.
Certes, il manque de fond
A la place Nyamwisi, c’est l’exultation. « Le leader » est en route. Le temps de tailler la dizaine de kilomètres, c’est dans une sombre nuit que des milliers des habitants de Beni veront leur héros. Porté par la marée humaine en liesse, Martin Fayulu n’a réellement pas de message à adresser ici. Il leur rappelle l’insécurité qui sévit, promettant de les délivrer des 20 ans de Kabilisme.
Ce début est à l’image de la tournée du candidat de LAMUKA cette semaine. En continuant à s’opposer aux machines à voter, Martin Fayulu traverse les foules de Butembo, Goma ou encore Bunia presque de manière incongrue. Le message sonne certes creux, car il appelle à la fois à tourner la page, mais surtout à voter sans bulletins. Mais ici, comme à Goma, au lendemain du triomphe de Beni, la population n’a que faire de la logique. Ils sont des milliers à camper plusieurs heures pour voir le héros, qui revenait de Butembo. Là-bas, aux côtés de la dame de fer de la politique congolais, Eve Bazaïba, Martin Fayulu a ouvert le ventre de la ville, derversant toute sa population dans la rue pour l’accueilir.
A Goma, au bout de la nuit, cet homme que l’on donnait « sans base », voit les drapeaux des partis de ses alliés, des torches allumées dans le noir, et des cris surgir de l’obscurité pour former une simbiose. Des piques contre Kabila sont alors plébiscités. La foule, ivre et dingue, donne la replique à un homme visiblement ému.
Le lendemain, la dure vie d’opposants politiques en RDC rattrape Fayulu et son équipe, cloués au sol à l’aéroport de Goma. Les autorités, surmement gênées par la vague des foules, tentent une fois de plus de retarder le départ des LAMUKA en direction de Bunia. Et la suite leur donnera raison. Sur les riches plaines de l’Ituri, théatre de violences ethniques entre des communautés locales, une marrée humaine sortie de nulle part envahit le centre ville de Bunia. Ni Hema, ni Lendu, seulement des Congolais acquis à la cause de leur leader camperont débout, pendant plusieurs heures, jusqu’à l’arrivée du nouveau leader de la ville.
Pendant plusieurs heures donc, en communion totale, Martin Fayulu triomphe comme jamais. Ses alliés, dont Moïse Katumbi qui aura mobilisé jusqu’au bout, peuvent alors exulter, même si tout reste à faire. Car si aujourd’hui, Martin Fayulu a prouvé qu’il pouvait bien recueillir l’adhésion autour de sa candidature, il faudra rapidement fixer ces milliers de voix qui adherent à son projet, mais qui revent surtout d’aller simplement voter le 23 décembre.
La sortie, en fin de journée vendredi, de Moïse Katumbi appelant à se préparer pour « l’application de l’article 64 », n’a pas beacoup rassuré ici. Beaucoup, qui connaissent les affres de la violence, espèrent en découdre avec Kabila dans les urnes et dans la paix. La semaine s’achève ainsi entre succès et inquiétudes pour l’avenir au sujet de Martin Fayulu. Les prochains jours restent cruciaux.