Le Haut Commissariat des réfugiés (HCR), l’agence des Nations unies pour les réfugiés, a alerté sur une intervention immédiate face aux risques accrus pour les personnes déplacées dans la crise humanitaire qui prévaut dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). C’est ce qu’a déclaré le porte-parole du HCR Matthew Saltmarsh lors de la conférence de presse du 26 mars au Palais des Nations à Genève, en Suisse.
Les deux dernières années de conflit dans les territoires de Rutshuru et de Masisi au Nord-Kivu ont contraint plus de 1,3 million de personnes à fuir leurs foyers en RDC. Au total, 5,7 millions de personnes sont déplacées internes dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri.
Depuis les violents affrontements qui ont eu lieu le 7 février dans la ville de Sake, dans le territoire de Masisi, près de 300 000 personnes ont rejoint la ville de Goma et ses environs. La taille des sites qui accueillent les personnes déplacées, qu’ils soient informels ou officiels, ne cessent de s’accroître, car les populations cherchent désespérément à s’abriter des bombardements aveugles et d’autres violations des droits humains. Les conditions de vie y sont très difficiles.
« Les conditions de vie y sont très difficiles. Les besoins croissants en matière d’abris, d’installations sanitaires et de moyens de subsistance dépassent largement les ressources disponibles », a déclaré Matthew Saltmarsh avant de poursuivre « 85 000 personnes supplémentaires ont également fui les violences et se sont réfugiées dans la région de Minova, dans le Sud-Kivu. En janvier, la ville de Minova accueillait déjà plus de 156 000 personnes déplacées, la majorité d’entre elles vivant dans des abris de fortune ».
L’utilisation croissante des armes lourdes
Matthew Saltmarsh ajoute que la tendance très inquiétante de l’utilisation accrue d’artillerie lourde dans le conflit se poursuit, des informations faisant état de bombardements ciblant des sites civils à Minova. Le bombardement en date du 20 mars d’un quartier commerçant a tué une femme déplacée et en a blessé au moins trois autres, dont deux enfants.
Les informations faisant état de bombardements aveugles sur Sake et Goma au cours des dernières semaines, qui ont tué plus de 30 personnes et en ont blessé au moins 80, sont également préoccupantes, de même que la menace que représentent les engins non explosés.
Le HCR insiste sur le fait qu’il est impératif de protéger les civils et de préserver le caractère civil et humanitaire des sites de déplacés.
Les derniers rapports des équipes du HCR sont alarmants. Des familles continuent d’arriver sur les sites, traumatisées et épuisées par les attaques, marquées physiquement et psychologiquement. Nombre d’entre elles déclarent avoir été victimes d’abus – parfois sexuels – pendant leur fuite. Les nouveaux arrivants trouvent refuge dans des abris de fortune situés dans des sites surpeuplés, dans des écoles et des églises, ou dans des familles d’accueil, ce qui met à rude épreuve les maigres ressources de ces dernières.
49 écoles menacées, plus de 50 000 cas violence sexiste
Il est inquiétant, dit le porte-parole du HCR, de noter que les acteurs humanitaires ont observé des incursions systématiques de groupes armés dans des structures civiles telles que les sites de déplacement, les hôpitaux et les centres de santé.
En 2023, 25 écoles ont été occupées par des groupes armés non étatiques dans les seuls territoires de Masisi et de Rutshuru, et 17 autres écoles ont été attaquées.
Depuis le début de cette année, 7 écoles ont été détruites par des bombardements. Le vol de médicaments et de matériel essentiel dans les centres de santé au cours des dernières semaines a entravé davantage la capacité des humanitaires à venir en aide aux personnes déplacées. Des centaines de milliers de personnes ont été identifiées comme étant déplacées derrière les lignes de front dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo, coupées de toute aide.
La recrudescence des violences a entraîné le déplacement de beaucoup d’enfants. Un grand nombre d’entre eux ne sont plus accompagnés et sont exposés à de graves dangers, notamment d’enlèvement, de recrutement forcé, de mutilation et de viol.
En 2023, dans la seule province du Nord-Kivu, 50 159 cas de violence sexiste ont été signalés, dont plus de la moitié étaient des viols. Parmi ces victimes, 90 % étaient des femmes et des jeunes filles, et 37 % des enfants. L’assistance du HCR aux victimes d’abus sexuels comprend un soutien psychosocial et une aide médicale. Le HCR intervient par ailleurs auprès des déplacés.
L’appel au cessez-le-feu immédiat et au respect du DIH
Alors que la violence se poursuit et que l’accès à l’aide humanitaire est de plus en plus difficile, les risques se multiplient pour les populations civiles et déplacées. Le HCR appelle à une cessation immédiate de la violence et exhorte toutes les parties au conflit à respecter et à faire respecter le droit international humanitaire et les droits humains, ainsi qu’à protéger les civils.
Une action humanitaire renforcée dans les provinces de l’est entre juin et décembre 2023 a permis d’apporter une aide vitale à plus de 3,1 millions de personnes. Le HCR, avec ses partenaires, a fourni des abris d’urgence à plus de 40 000 personnes parmi les plus vulnérables arrivées à Goma. La distribution de plus de 3600 kits de première nécessité et de 1000 bâches a permis d’améliorer la vie quotidienne des personnes se trouvant à l’extérieur des sites aménagés. Mais ces distributions ne concernent qu’une petite partie de ceux qui ont désespérément besoin d’aide.
L’agence onusienne se dit résolument engagée à soutenir les personnes affectées et appelle d’urgence à une action internationale concertée pour faire face à la crise. Le HCR n’a reçu que 14 % des 250 millions de dollars nécessaires pour ses activités en RDC en 2024. Le manque de financement compromet l’acheminement de l’aide, et exacerbe la grave crise humanitaire que connaît la région.