À l’appel patriotique lancé par un collectif des mouvements citoyens de la Tshopo, des militants et activistes pro-démocratie sont impuissamment descendus vendredi dans la rue pour décrier la montée vertigineuse d’un phénomène insécuritaire au mode opératoire inconnu dans la ville de Kisangani.
Braquage nocturne, vols à main armée, viols des femmes, Kuluna, dent pour dent, Evapo,… Bref, le tableau est peint au noir depuis plus d’un mois.
« Il ne passe plus un seul jour sans qu’on enregistre des cas de cambriolage à mains armées, meurtre, vol et viol à tel enseigne que la ville de Kisangani est redevenue un véritable état de la nature invoqué notamment par Épicure », a vociféré l’un des manifestants à POLITICO.CD
Des « staffs » inciviques
Au centre-ville de Kisangani s’érigent désormais des écuries de jeunes se revendiquant des « staffs » pour la défense des intérêts locaux. Torses parfois bombées, biceps gonflés, ces jeunes sont pourtant identifiés comme des « délinquants » et sont regroupés dans plusieurs associations localement appelées STAFF (Mexicains, Kosovo, Zaire, Monusco, Etats-Unis, Katamoto) à travers la ville. Ils commettent des bavures à leur souhait au vu et au su de tout le monde.
Outre ce mode de banditisme urbain dû à la délinquance juvénile face auquel, déplore un collectif des mouvements citoyens, la Mairie ne dispose « d’aucune politique » d’endiguement.
« Le phénomène des bandits à mains armées prend de l’ampleur très inquiétante. La liste de victimes est devenue longue et continue à s’allonger chaque seconde qui passe », dénonce ce collectif.
Cependant, face au chaos qui s’installe petitement dans la ville d’espoir, l’autorité urbaine semble insouciante. Les regards sont braqués ailleurs. D’après les jeunes militants, plusieurs sources dignes de fois affirment que depuis la nomination de l’actuel maire de Kisangani, aucun conseil urbain de sécurité n’a jamais été convoqué face à cette situation d’urgence sécuritaire.
« Monsieur le Maire, permettez-nous de vous dire que votre gestion commence à inquiéter vos administrés qui n’hésitent plus à la qualifier de désastreuse voire dangereuse pour les Boyomais », a déclaré le collectif des mouvements citoyens dans un mémorandum non déposé à la mairie.
Une police plus « violente »
Vendredi 05 avril, le soleil est orageux. La marche prévue à 9 heures est vite repoussée vers 12 heures. Sous un soleil de plomb, des militants courageux membres des différents mouvements citoyens prennent l’assaut du boulevard du 30 juin. Un haut prélat catholique est à la queue leu leu. Des calicots brandis à l’air. Les uns demandent la démission du maire de la ville, les autres l’appellent à endiguer l’insécurité.
La marche « non autorisée », selon le maire, n’aura pas été longue. Au rond-point dit Espace trois milles, la police se pointe à robot, armes à la main et des gaz lacrymogènes ouverts, tel dans un champ de bataille. La violence éclate. Face à la résistance, les éléments de la police ouvrent le feu sur les manifestants pacifiques. Des gaz lacrymogènes jetés par-ci par-là. Les altercations prennent une allure effroyable. Les jeunes se heurtent à une forte répression policière. Ils sont violemment bastonnés, traînés par terre, torturés voire ligotés puis emmenés au cachot. « j’ai les larmes aux yeux », se larmoye un journaliste couvrant la marche.
« Pourquoi arrêter les gens qui ne réclament que plus de sécurité, dans un pays démocratique ? Ces autorités locales méritent une sanction sévère. Ce comportement barbare est inacceptable », a vite réagi le député national, élu de Kisangani, Fontaine Mangala.
Des blessés par « balles »
Une dizaine de militants et activistes pro-démocratie ont été arrêtés, avant d’être relâchés après plusieurs heures sur fond d’intervention du Président de l’Assemblée provinciale, le député Mateus Kanga. On note aussi quelques jeunes manifestants arrêtés. Des blessés par balles et des biens pillés par les éléments de la police.
« On a tiré sur moi. On a vraiment tiré sur moi. Je ne sais pas si c’était une balle réelle ou un gaz lacrymogène. Nous étions tellement coincés par les policiers. Ils nous ont dépouillés. Ils ont pris nos téléphones, de l’ argent… », témoigne le militant Senior Bushiri, gravement blessé au pied et hospitalisé à l’hôpital Rozaria.
« L’ordre a été mal donné par le maire, exécuté par des éléments mal intentionnés aboutissant aux tortures, extorsion et arrestation arbitraire au commandement de la ville de Kisangani », a, à son tour, dénoncé Dr Germain Mukulangando, l’un des manifestants arrêtés.
Dans leur mémorandum non déposé à la mairie où la marche devait chuter, les mouvements citoyens de la Tshopo recommandent à l’autorité urbaine de renforcer considérablement les mesures de sécurité, comme :
- L’intensification des patrouilles diurnes et nocturnes surtout dans les zones considérées comme dangereuses;
- La dotation de carburant nécessaire à la police nationale congolaise pour assurer sa mobilité surtout pour des interventions urgentes;
- Traquer jusqu’à leur dernier retranchement tous les groupes des délinquants en installant les S/Ciat dans leurs bases arrières respectives notamment au stadium de basket-ball de l’Hellénique en ce qui concerne les Mexicains;
- L’organisation régulière de Conseil urbain élargi de sécurité auquel certaines organisations de la société civile peuvent être invitées;
- La mise en place d’un numéro vert que la population pourrait appeler pour signaler certains cas d’insécurité.