Alors que plusieurs rapports de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont déjà attesté la présence des Forces armées rwandaises (RDF) en territoire congolais combattant aux côtés des terroristes du Mouvement du 23 mars (M23), le tout dernier rapport onusien vient de révéler qu’un autre voisin de la République démocratique du Congo (RDC), Ouganda, est également impliqué dans cette agression qui sème la désolation dans l’Est du territoire congolais.
Selon des experts onusiens, les renseignements militaires ougandais ont permis aux troupes du M23 – ainsi qu’aux troupes rwandaises qui les soutiennent – de transiter sur le territoire ougandais. Le même rapport, publié le 8 juillet dernier, démontre aussi que certains chefs du mouvement rebelle se rendent en Ouganda pour des réunions. Les experts citent notamment Sultani Makenga, chef militaire du M23 ainsi que Corneille Nanga, président du mouvement politico-militaire dénommé « Alliance Fleuve Congo », allié direct du M23.
« Nous n’avons aucune raison de soutenir ces rebelles »
Pour le brigadier général Félix Kulayigye, le porte-parole de l’armée ougandaise, ce rapport n’a absolument aucun fondement scientifique : « Il manque de documentation et il est biaisé. Nous n’avons aucune raison de soutenir ces rebelles, alors que nous faisons partie des mécanismes régionaux pour la résolution des conflits dans l’est de la RDC. Que des gens fassent ce genre d’allégations est une façon de saboter les efforts que nous entreprenons, plutôt que de les soutenir », a estimé le brigadier, contacté par RFI.
L’Ougandais remet en cause la crédibilité des auteurs de ce rapport, avançant que si ces derniers étaient des experts onusiens, ils devraient soutenir les efforts régionaux pour trouver une solution pacifique, plutôt que de se livrer à simples accusations.
« Non, notre pays n’est pas utilisé comme base par ces rebelles. En revanche, notre pays accueille des réfugiés pour leur propre sécurité, en accord avec la politique des Nations unies. Nous avons de très bonnes relations avec le gouvernement de la RDC », a-t-il rétorqué.
« Nous avons d’ailleurs une mission conjointe dans la région de l’Ituri, pour lutter contre les terroristes des ADF. Alors pourquoi, est-ce que l’on soutiendrait un groupe qui se bat contre le gouvernement avec lequel nous travaillons ? », sinterroge-t-il enfin.
Parrainage de milices et trafic d’or
Cependant, les soupçons autour du soutien ougandais à ces rebelles ont émergé bien avant le rapport onusien ne soit dévoilé. Un article publié par Le Monde à mi-juin dernier a révélé comment Kampala excelle dans le parrainage de groupes armés et le trafic d’or dans la province d’Ituri.
Depuis 2017, la province congolaise d’Ituri, située dans le nord-est du territoire du pays et riche en plusieurs minerais dont l’or, le coltan, la cassitérite, le diamant et le pétrole, est sous l’emprise d’une avalanche des violences entre différentes communautés. Et le gouvernement ougandais profite de cette instabilité pour faire galoper son économie.
L’armée ougandaise opère aux cotés de l’armée congolaise depuis 2021 en RDC. C’est dans le cadre de l’opération Shujaa, pour lutter contre les Forces démocratiques alliées (ADF), une rébellion d’origine ougandaise ralliée au groupe Etat islamique. Toujours selon Le Monde, Kampala entretient aussi des liens étroits avec certaines milices pour sécuriser ses intérêts dans la région. « Profitant des guerres sans fin qui déchirent, depuis 30 ans, l’Est congolais, le pays [Ouganda] a capté une partie des immenses richesses minières de l’Ituri. Et entend bien garder la main », rapporte le média généraliste français.
L’or est le minerais principal qui garantie le financement des groupes armés de l’Ituri et l’Ouganda ne reste pas en retrait pour en tirer gain de cause. La quasi-totalité du produit traverse la frontière illégalement et le minerai congolais est ainsi devenu le premier produit d’exportation en Ouganda, devant le café. Les recettes ont même augmenté depuis la reprise des violences en RDC, passant de 413 millions de dollars en 2017 à 2,3 milliards en 2023, précise la même source.