Lors du lancement de l’Ordre Supérieur Épiscopal du Congo (OSEC), le samedi 20 juillet dernier, l’archevêque Léonard Matebwe Lamba Lamba a tenu à clarifier la position de l’Église vis-à-vis du pouvoir politique.
Pour lui, l’idée selon laquelle l’Église serait dans l’opposition est à rejeter. Selon le droit congolais comme la Bible, dit-il, une telle posture serait impossible.
« Je vais ouvrir une petite parenthèse. Nous avons affirmé que l’Osec souhaite restaurer la dignité des serviteurs de Dieu, c’est notre objectif principal. Nous voulons que les hommes de Dieu soient respectés. Nous constatons malheureusement un manque d’égard envers le chef de l’État et envers l’État congolais. Nous parlons de manière irrespectueuse et disons n’importe quoi, ce qui est très grave. Une fois de plus, nous avons remarqué que certaines personnes soutiennent l’idée selon laquelle l’Église est dans l’opposition. Je voudrais souligner quelque chose : il est pratiquement impossible pour l’Église d’entrer dans l’opposition, ni selon la loi congolaise, ni selon la Bible », a-t-il déclaré.
Toutefois, l’archevêque, qui se définit aussi comme historien, a retracé l’histoire de cette relation complexe, remontant à l’époque de Léopold II en 1885. À cette période, poursuit-il, l’Église jouait un rôle crucial aux côtés du pouvoir colonial, participant activement à la gestion du pays.
Cette collaboration étroite, indique-t-il, s’est poursuivie même après que le Congo soit devenu une colonie belge, avec l’Église formant l’un des trois piliers du pouvoir aux côtés de l’État belge et de l’armée.
« Pour votre information, comment l’Église pourrait-elle déclarer qu’elle est dans l’opposition et d’où cela provient-il? Permettez-moi d’éclairer votre lanterne à ce sujet. Le Congo existe depuis très longtemps, mais avec l’avènement de Léopold II en 1885, afin de consolider son pouvoir, il a fait appel aux missionnaires, autrement dit à l’Église. Elle était présente, travaillant aux côtés du roi belge qui gouvernait le pays, car le Congo était sa propriété privée. En raison des nombreuses atrocités et exactions commises à l’encontre des autochtones, un mouvement s’est levé dans le monde pour contraindre le roi à mettre fin à ces pratiques… Après que Léopold II ait cédé le Congo à la Belgique, le pays était géré par trois pouvoirs : l’État belge, l’armée et l’Église », a-t-il relaté.
Cependant, il a fait comprendre que la dynamique a changé après l’indépendance en 1960. Le président Mobutu, conscient de l’influence considérable de l’Église catholique, a cherché à limiter son pouvoir en s’appuyant davantage sur d’autres mouvements religieux comme l’Église du Christ au Congo (ECC) et le Kimbanguisme. Selon l’analyse de l’archevêque Lamba Lamba, c’est probablement à cette époque que certains ont commencé à percevoir l’Église comme étant dans l’opposition.
« Après 1960, avec Mobutu au pouvoir, il a refusé d’être dirigé par l’Église catholique, connaissant son influence. Il s’est davantage appuyé sur l’ECC, le Kimbaguisme et d’autres mouvements pour diminuer le pouvoir de l’Église. Selon ma compréhension en tant qu’historien, car on vous a également dit que je suis professeur d’histoire et que je mène des recherches professionnelles, c’est peut-être à ce moment-là que l’Église est entrée dans l’opposition », a complété l’archevêque.
Un outil de lutte contre les dérives dans le secteur religieux
Au cours de cette cérémonie de lancement, le président de l’Ordre Supérieur Episcopal du Congo (OSEC), Léonard Matebwe Lamba Lamba a également annoncé la mise en place d’un numéro vert accessible à tous les Congolais pour utter contre les comportements irresponsables de certains leaders.
Il permettra, d’après lui, de dénoncer anonymement les manquements à l’éthique et aux valeurs religieuses de certains responsables. L’objectif est de faciliter la remontée d’informations sur les dérives afin que l’OSEC puisse y répondre de manière adaptée.
Cet organe épiscopal se veut également une interface entre Eglises et pouvoirs publics. Il entend jouer les médiateurs pour établir un cadre déontologique commun et éliminer les tendances négatives.
Mgr Matebwe a appelé le gouvernement à appuyer l’OSEC dans ses missions, notamment la lutte contre la corruption. Il plaide aussi pour un renforcement du cadre légal entourant le secteur associatif. A travers ce nouvel acteur, les Eglises entendent mieux prévenir les dérives et restaurer la crédibilité du clergé.
Mgr Léonard Matebwe a plaidé pour une modification de la loi encadrant les associations sans but lucratif (ASBL). Cette loi de 2001 ne correspondrait plus aux réalités actuelles et comporterait des lacunes dans son application. L’objectif est de donner à l’OSEC un socle légal solide pour intervenir efficacement.
Le vice-président Jacques Kambala a souligné lors de son sermon l’importance d’un retour aux fondamentaux de la foi. Selon lui, la société congolaise souffre d’une perte des valeurs, d’un déni de l’identité et d’une inversion des repères. L’OSEC entend y remédier en rétablissant l’intégrité du secteur religieux.