Human Right Watch (HRW) a, dans un article publié ce jeudi 22 août, dénoncé la détention depuis le 1er août par les autorités congolaises de deux défenseurs des droits humains qui tenaient une conférence de presse pour critiquer l’état de siège dans deux provinces de l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Jack Sinzahera, âgé de 35 ans, membre du mouvement citoyen Amka Congo (« Réveille-toi Congo » en français), est un militant de longue date qui plaide activement pour la levée de l’état de siège décrété dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Gloire Saasita, âgée de 27 ans, est membre du mouvement citoyen Génération Positive, qui lutte pour la défense des droits humains en RD Congo.
Des militants des mouvements citoyens présents à la conférence de presse du 1er août 2024 ont dit à HRW que vers 10h45 du matin, alors que Jack Sinzahera et Gloire Saasita se trouvaient dans le stade de basketball de l’Institut Supérieur de Commerce de Goma et donnaient séparément des interviews à des journalistes, des hommes en tenue civile sont venus vers eux. Les militants ont expliqué les avoir reconnus comme étant de la police de renseignement (P2) de la ville de Goma.
Ces derniers ont raconté qu’un des hommes a dit à Jack Sinzahera qu’ils étaient venus l’arrêter et qu’un autre a dit à Gloire Saasita : « Comme tu te couvres du drapeau du pays et que tu es patriote, alors toi aussi viens tu vas t’expliquer après. » Les hommes ont embarqué les deux militants dans un véhicule privé et sont partis.
Utilisation de l’état de siège comme moyen de pression
L’ONG internationale de défense des droits humains condamne le fait qu’aucun de deux détenus n’a été traduit devant une autorité judiciaire compétente, ce que le droit congolais requiert dans les 48 heures suivant une arrestation. HRW appelle le gouvernement à les libérer immédiatement.
« Human Rights Watch est extrêmement inquiet pour la sécurité des activistes Jack Sinzahera et Gloire Saasita », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch, ajoutant : « Les autorités congolaises devraient les libérer et cesser d’utiliser l’état de siège pour réprimer les droits à la liberté d’expression et d’association. »
Selon un membre de la famille ainsi qu’un défenseur des droits humains basé à Kinshasa et joints par HRW, le 10 août, les deux militants ont été transférés à la Direction Générale de Renseignement (DGR) à Kinshasa. Les familles ont déclaré que les autorités ne leur avaient pas donné de motif de leurs arrestations.
Cependant, Human Rights Watch a déjà fait état de l’utilisation de l’état de siège par l’armée et la police pour restreindre la liberté d’expression, utiliser une force mortelle lors des manifestations pacifiques, et arbitrairement arrêter et juger des militants, des journalistes et des membres de l’opposition politique. C’est le cas de Mwamisiyo Ndungo, un militant membre de Lucha, une organisation qui lutte pour la protection des droits et des libertés en RD Congo, a été arrêté le 2 avril 2022 et plus tard condamné à 5 ans de prison pour avoir critiqué l’état de siège sur son compte X (ex-Twitter).
L’ONG évoque qu’en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel la RDC est un État partie, certains droits peuvent être suspendus lors d’un état d’urgence comme un état de siège, mais celui-ci doit être mis en place « dans la stricte mesure ou la situation l’exige » et être légal, nécessaire et proportionné.
HRW rappelle que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, que la RD Congo a ratifié, n’autorise en aucun cas la suspension de l’application de ses dispositions. « Le gouvernement congolais devrait s’assurer que l’état de siège n’est pas utilisé pour réprimer des droits fondamentaux, et il devrait trouver des mesures effectives pour résoudre les problèmes sécuritaires au Nord-Kivu », a déclaré Carine Kaneza Nantulya.