Le docteur Tejshri Shah, directrice générale de Médecins sans frontières (MSF) et pédiatre spécialisée dans les maladies infectieuses, a rappelé mercredi 04 septembre qu’il sera impossible d’endiguer le virus Mpox dans les sites de déplacés si l’on n’écoute pas les besoins des populations et si l’on n’améliore pas leurs conditions de vie épouvantable.
La pédiatre spécialisée est récemment revenue du Nord-Kivu, une province de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où la situation sécuritaire et humanitaire est critique à cause des affrontements armés qui opposent les militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC) aux multiples groupes armés dont le Mouvement de 23 mars (M23), supplétif de l’armée rwandaise.
Un variant du virus
« A Goma, de nombreuses personnes à qui j’ai parlé semblent sentir que quelque chose de nouveau, d’incertain et d’effrayant est en train de se produire. Mais personne ne peut encore prédire ce que cela signifiera pour eux ou à quel point cela aura un impact sur leur vie », raconte Tejshri Shah dans via un communiqué de MSF en poursuivant : « La Mpox n’est pas nouvelle en RDC. La maladie est endémique dans plusieurs régions du pays et les notifications de cas sont en augmentation depuis une dizaine d’années. »
Dans les Kivus, cependant, le virus a muté en une forme qui semble être plus transmissible entre humains, ce qui est préoccupant car des cas ont été signalés dans des zones très densément peuplées comme Goma – une ville de deux millions d’habitants – et dans les sites de déplacés qui l’entourent, où des centaines de milliers de personnes ont trouvé refuge en raison du conflit armé au Nord-Kivu.
Pour la directrice générale de MSF, si le taux de létalité de cette nouvelle souche reste limité, il y a tout de même lieu de s’inquiéter carl es conditions nécessaires pour empêcher sa propagation à Goma et dans ses environs ne sont pas réunies. Et parce que la capacité à fournir des soins aux patients qui présentent des risques de complications —les jeunes enfants, les personnes à un stade avancé du VIH— reste limitée.
« Comment peut-on attendre de familles qui vivent dans de minuscules abris, sans eau ni installations sanitaires adéquates, voire sans savon, qu’elles mettent en œuvre les mesures préventives préconisées ? Comment des enfants souffrant de malnutrition peuvent-ils avoir la force de lutter contre les complications de la mpox ? Et comment pouvons-nous espérer que cette variante – qui se transmet notamment par contact sexuel – ne se propage pas dans les sites de déplacement, étant donné les niveaux dramatiques de violence sexuelle et d’exploitation qui touchent les filles et les femmes ? », s’interroge-t-elle.
Des conditions de vie précaires dans les camps des déplacés
À maintes reprises, MSF a dénoncé les conditions de vie inhumaines dans ces sites, ainsi que les lacunes flagrantes de la réponse humanitaire. Plus de deux ans après le début de la crise dite «M23» et les déplacements massifs qu’elle a provoqués, les personnes qui vivent dans les sites surpeuplés manquent toujours de tout : nourriture, eau, sécurité, articles d’hygiène de base, ainsi que l’accès à l’assainissement et aux soins de santé.
« Au cours d’une réunion à laquelle j’ai assisté avec des survivantes de viols, une femme m’a dit qu’elle vivait avec ses sept enfants sous une bâche en plastique. Son partenaire l’avait abandonnée suite à son viol. Pour des femmes comme elle, les solutions classiques destinées à prévenir la propagation del’épidémie sont inimaginablement difficiles à mettre en œuvre », relate cette représentante de MSF.
D’après elle, si cette femme développe une éruption cutanée, on lui dira de changer de linge, de tout laver soigneusement, de désinfecter ses affaires et de s’isoler jusqu’à sa guérison. Mais comment se laver sans savon et avec seulement quelques litres d’eau par jour ? Comment s’isoler et protéger ses enfants alors qu’ils vivent ensemble sous leur minuscule abri en bâche plastique ? Si elle s’isole, qui ira chercher de la nourriture pour les enfants ? Qui ramassera le bois de chauffage ?
Pour cette déplacée ainsi que tous ceux qui ont trouvé refuge dans les sites de déplacés, l’épidémie de mpox n’est qu’un défi de plus dans un torrent de problèmes. Et, à vrai dire, pas le défi le plus urgent, compte tenu des difficultés quotidiennes auxquelles les personnes déplacées sont confrontées, notamment les épidémies d’autres maladies potentiellement mortelles telles que la rougeole ou le choléra, argumente la directrice générale de l’ONG internationale humanitaire.
« Pour relever le nouveau défi que représente la Mpox, il faut de toute urgence améliorer les conditions de survie des gens en apportant une réponse adaptée à leurs besoins spécifiques et aux défis qu’ils rencontrent dans la vie réelle. Cela commence par les écouter. Comprendre leurs besoins », a-t-elle estimé pour amplifier : « Et mettre à leur disposition ce qui est nécessaire pour le contrôle des infections : eau, savon, désinfectant, installations sanitaires. Ce sont des choses simples mais essentielles. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’arrivée des vaccins pour résoudre le problème».
Le vaccin n’est pas une solution miracle
Sur terrain, les équipes de MSF, en collaboration avec les autorités sanitaires congolaises, ne ménagent aucun effort pour fournir des soins et sensibiliser les personnes vivant sur les sites, comme nous le faisons dans d’autres régions du pays touchées par l’épidémie.
Comme beaucoup d’autres, nous espérons que les vaccins tant attendus arriveront dans le pays le plus rapidement possible.
Cependant, Tejshri Shah estime que ces vaccins ne constitueront pas une solution miracle. Pour elle, les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux doivent également se pencher de toute urgence sur les fondements de la réponse à la mpox, qui doit être adaptée aux besoins et aux réalités de la population.
Odon Bakumba