Ce mardi 10 décembre, s’est clôturé à l’Hôtel de ville de Lubumbashi, province du Haut-Katanga, l’atelier de trois jours sur la formation des magistrats sur la traite des personnes, conduite par le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), appuyé par le projet ARRETE et financé par l’Agence américaine pour le Développement international (USAID).
La loi protégeant la traite des personnes en République démocratique du Congo (RDC) est bien réelle, depuis sa promulgation en 2022. Mais la plupart des acteurs judiciaires, tels que les officiers de police judiciaire (OPJ), les magistrats (procureurs et juges), les défenseurs des droits humains travaillant dans les cliniques juridiques, les avocats offrant leurs services au niveau des bureaux de consultations gratuites (BCG), ne connaissent ignorent souvent l’existence de cette loi.
«Une loi très peu appliquée»
C’est à cette préoccupation qu’a tâché répondre cet atelier. Centré sur le renforcement des capacités des acteurs de la chaine pénale intervenant dans les investigations et la poursuite des trafiquants d’êtres humains en RDC et sous le thème « Traite des personnes, investigations et poursuites des trafiquants d’êtres humains en RDC », il a vu former vingt-cinq candidats sur les notions de base de la traite des personnes.
« Les participants ont été désignés par le président du CSM. Tous des Juges ou des Procureurs qui sont affectés dans les parquets et tribunaux de la province du Haut-Katanga. L’équité de genre a été prise en considération », nous confie Ely Thélot, conseiller principal de l’Association du Bureau américain qui est intervenu dans cet atelier.
« C’est une loi très peu appliquée depuis sa promulgation. La raison est que les acteurs de la chaîne pénale dans leur grande majorité ne connaissent pas encore l’existence et le contenu de cette loi. Voilà pourquoi il faut les former sur la traite et vulgariser la loi auprès d’eux, en commençant par les magistrats », s’est expliqué Ely Thélot avant de renchérir : « Si les magistrats sont formés sur la traite des personnes et connaissent le contenu de la loi n°22/067 du 26 décembre 2022, ils seront mieux outillés pour bien dire le droit et aider les victimes de ce crime transnational organisé à avoir accès à la justice sur le territoire congolais. »
Quand parle-ton d’un cas de traite des personnes ?
Pour d’autres, cet atelier de formation a été l’occasion d’accroître le niveau de connaissances sur le cas de traite des personnes lorsqu’on y fait face en partant de trois éléments cumulatifs clés : des actes, des moyens ainsi que les finalités.
« Lorsque je me trouve devant un cas où il y a des recrutements, des transports des personnes, des hébergements… tout ceci ne constitue jusque-là que des actes. Alors, au moment où ces actes sont posés, il me convient d’examiner les moyens utilisés par le transgresseur pour aboutir l’infraction. Ces moyens peuvent être la ruse, la tromperie, les menaces, le chantage ou encore la violence. C’est après tout ceci que je devrais tâcher établir en dernier lieu les finalités. Les finalités, elles, doivent concourir à un acte reconnu comme une exploitation de la personne humaine tels que la prostitution d’autrui, l’exploitation sexuelle, l’esclavage ou similaire, la mendicité forcée ou le travail forcé », a commenté joint par téléphone Yolande Mwamba, juge d’instance faisant fonction de juge de paix au Tribunal de paix de Lubumbashi/Katuba.
Yolande Mwamba allègue que face à ces actes, la loi sur la traite des personnes sur le territoire congolais prévoit de différentes peines retenues selon la nature de traite. Il y a, entre autres, la peine à perpétuité, qui est plus forte peine réservée aux transgresseurs. Mais la loi prévoit aussi la prise en charge, un fonds pour toutes ces victimes.
Il y a du chemin à faire
Jusque-là, le nombre d’acteurs de première ligne formés par province en 2023 s’élevait à plus de 6 000 acteurs mais il faut considérer que ce nombre est pour 9 provinces sur les 26 que compte la RDC, rapporte Patrick Bosenge, le représentant de la Coordination en charge de la Jeunesse, lutte contre les violences faites aux femmes et traite des personnes, qui estime qu’un grand travail reste à faire pour que la loi soit bien assimilée par tous les acteurs notamment les acteurs judiciaires.
D’après, il est impérieux de doubler les efforts et continuer sur cette lancée de déployer encore plus d’efforts selon la vision du Président de la République, Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, de combattre efficacement ce crime de la traite des personnes sur toute l’étendue de notre territoire.
« Notre intervention consistait à la présentation de notre structure, qui est un service spécialisé du chef de l’état dont le rôle est la coordination des acteurs de première ligne sur l’ensemble du territoire national. Il s’agit notamment de mettre en place des mécanismes de coordination de tous ces acteurs pour permettre la meilleure gestion des ressources, l’efficacité des interventions et la cohérence des politiques à mettre en place pour mieux lutter contre la traite des personnes qui est un grave danger pour la sécurité intérieure de notre pays et une grave violation des droits humains », a-t-il explicité.
Le phénomène de la traite des personnes prend de plus en plus de l’ampleur dans les différentes provinces du pays. Selon l’Agence des Nations unies pour la protection des enfants (UNICEF), 361 000 enfants travaillent dans les sites miniers artisanaux exploitant le cobalt dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga. Le Réseau des Educateurs des Enfants et Jeunes de la Rue (REEJER) affirme avoir répertorié plus de 50.000 enfants vivant en situation de rue dans la ville-province de Kinshasa, parmi lesquels on retrouve ceux qui sont soumis à la mendicité forcée et astreints à commettre toutes sortes de larcins par leurs bourreaux.
Odon Bakumba