Une enquête récente de Forbidden Stories a révélé noir sur blanc comment le Rwanda se paie les plus grands services d’experts en relations publiques du monde pour entretenir son image en Europe et aux États-Unis d’Amérique. Lobbyistes, cybercampagnes, trolling… la longue liste des rouages stratégiques auxquels recourt le régime de Kigali — le principal agresseur de la République démocratique du Congo — semblait aussi longue que le bras.
À présent, comme le révèle Le Monde, pour des raisons des critiques du royaume de Belgique contre l’ingérence rwandaise en République démocratique du Congo, Kigali n’a pas réfléchi pour exprimer son refus à la nomination d’un représentant belge de l’Union européenne (UE) pour les Grands-Lacs, une région qui regroupe le Burundi, le Rwanda et la RDC. Ceci amène certains diplomates européens à se demander si le Rwanda se serait pas en train de dicter l’Europe.
Des représailles ?
Le Belge Bernard Quintin, ancien directeur Afrique du service diplomatique européen et qui faisait l’unanimité des Etats membres, restait le second prétendant de la liste de Josep Borell — le chef de la diplomatie européenne — des candidats pour le premier poste du représentant de l’UE dans la région des Grands Lacs.
Le président rwandais n’a pas attendu sa rencontre du 20 juin avec Macron pour faire dévoiler ses arguments de refus sur ce choix, qu’il utilise, sûrement, en guise de représailles contre le royaume de Belgique car le gouvernement du roi Phillipe s’était opposé à l’agrément de Vincent Karega, choisi par Kigali pour être ambassadeur à Bruxelles. Un seul coup de fil de fin avril lui a suffi pour faire parvenir son refus à son homologue français.
Un choix unanime
Dans l’esprit de certains ambassadeurs européens, c’est un « sentiment d’humiliation » qui se fait de la place, l’idée de se faire dicter la marche à suivre par le Rwanda, bien connu en matières d’ingérence comme en témoignent les enquêtes de Forbidden Stories.
« Le choix de M. Quintin par le panel de sélection était unanime et était connu de très peu de personnes, a confié chez le média généraliste français Le Monde un diplomate au courant de l’affaire. Comment M. Kagame l’a-t-il appris ? Que le Rwanda fasse ensuite pression pour éviter la nomination d’un envoyé spécial dans la région, c’est son droit, mais il n’aurait jamais dû être informé si tôt de cette nomination. »
Un autre diplomate sous anonymat, qui appelle à la nomination d’un nouvel envoyé spécial le plus rapidement possible, s’indigne en pestant : « Cette procédure a été une disgrâce » avant d’asséner : « Laisser un pays tiers nous dicter notre conduite envoie un très mauvais message. Un tel processus de recrutement ne peut pas se reproduire. Ce n’est pas possible ».
« La pire option »
Pour un autre diplomate expérimenté selon le généraliste français, Bernard Quintin était un très mauvais choix dans la mesure où « avec le Rwanda, vous avez deux options : soit vous vous opposez et vous vous faites respectez, soit vous cédez, et vous vous faites marcher sur les pieds. L’Europe a choisi la pire option. »
Que fera l’UE ? Se plier à l’opposition de Kagame ou faire respect son choix ? C’est ce que nous allons savoir le 5 juillet prochain, la date que Josep Borell a fixé pour tabler sur la question, selon un e-mail qu’il a envoyé aux Etats membres le 14 juin pour les informer le refus de Kigali.