Alors que la présidence de la République voudrait élargir les avantages prévus par cette loi à tous les corps constitués, les « élus des élus » sont restés catégoriques en les limitant aux seuls chefs d’Etat élus. D’où, cette loi garde l’esprit et la lettre de son auteur, le sénateur Modeste Mutinga Mutuishayi. Cependant, la bataille ne fait que commencer dès lors que la désormais « Loi Mutinga » renvoyée à la Chambre basse du Parlement pour la seconde lecture fait déjà l’objet d’un débat houleux à l’hémiciycle. Les craintes sont telles que, tout pourrait être bloqué au niveau de l’Assemblée nationale. C’est une étape décisive et un défis pour cette Chambre basse du Parlement.
Considérée comme « Temple de la démocratie », l’Assemblée nationale devra faire preuve de maturité politique en laissant tomber les prises de position partisanes et emprunter la voie de la sagesse tracée par les sénateurs. Ces derniers avaient élagué du texte original présenté par l’initiateur tous les amendements tendancieux et subjectifs proposés par la présidence. Celle-ci avait jugé bon d’élargir les avantages dûs aux anciens présidents élus, en vertu de cette loi, à tous les corps constitués, incluant notamment les anciens Premiers ministres, ministres et autres dignitaires de l’armée, de la police et des services des renseignements. Ceci est une pillule que le Sénat n’entendait pas avaler et dont l’amerture était susceptible de consacrer l’impunité. Ainsi, le Sénat a revêtu cette loi de sa robe authentique en reprennant la version originale de l’auteur.
Pour rappel, la loi Mutinga accorde un certain nombre d’avantages aux seuls anciens présidents élus. Le suspense imposé pour l’examen de cette loi est à présent rompu. Ce, à la satisfaction de son auteur qui attendait impatiemment son adoption. « Cette loi porte sur la légitimité et le travail accompli par le Chef de l’Etat élu au suffrage universel. Tous les chefs des corps constitués sont-ils élus ? Ont-ils la même légitimité ? Si c’est non, alors on ne peut étendre cette loi à tout ce monde-là », a tranché le sénateur Modeste Mutinga.
Pour sa part, le sénateur et constitutionaliste Jacques Djoli qui a participé à l’assainissement de cette loi en tant que vice-président de la commission spéciale chargée de son toilettage, s’est également réjoui du fait que « La loi vise également à réduire le taux de la délinquance constitutionnelle. C’est-à-dire le tripatouillage de la constitution afin d’éviter des régimes anticonstitutionnels caractérisés par un pouvoir éternel. C’était ça notre préoccupation. Vouloir offrir une garantie aux anciens présidents. Et nous pensons que ça va largement contribuer au respect de la constitution et de la démocratie », a-t-il confié à Actualité.cd.
Etape de tous les enjeux
Cependant, le pari est loin d’être gagné en dépit de l’adoption de cette loi au niveau du Sénat. Une étape, la plus décisive reste encore à franchir. C’est celle de l’Assemblée nationale où depuis hier, les débats vont dans tous les sens sur fond des contradictions pour la seconde lecture. Les travuax se poursuivent encore ce mardi à l’Assemblée nationale pour aboutir ou non à l’adoption de cette loi, avant sa promulgation par le chef de l’Etat.
Il est tout à fait clair que la Présidence de la République n’entend plus baisser les bras dans la mesure où elle tenait à ce que cette loi soit étendue aux corps constitués. En plus, dès lors que cette Assemblée nationale est acquise à la Majorité présidentielle (MP) car, dominée par les députés de cette plateforme qui soutient le président Kabila, plus besoin de réfléchir deux fois. La Chambre basse ne pourrait pas, dans une certaine mesure, émettre sur la même longueur d’onde que le Sénat. Mais, le peuple congolais voudrait voir ses élus rencontrer la sagesse des sénateurs en adoptant cette proposition de loi telle que soumise par le Sénat. Et non, faire passer les amendements de la Présidence en vue d’élargir les avantages et autres immunités à tous les corps constitués.
« Tout citoyen congolais qui, ayant accédé aux fonctions de président de la Républiques au suffrage universel direct, les a exercées et les a quittées conformément à la Constitution », stipule la constitution de la RDC. Par conséquent, la loi Mutinga ne peut pas s’appliquer à « toute personne ayant accédé aux fonctions de président de la République par des voies non conformes à la Constitution », à en croire cette même constitution. Celle-ci prévoit en outre que, « tout ancien président de la République élu est soumis à une obligation générale de réserve, de dignité, de patriotisme et de loyauté envers l’Etat ».
En termes des crimes internationaux commis par l’ancien président de la République élu, la loi mentionne que « les juridictions nationales ont primauté sur toute juridiction internationale ou étrangère ». Mais, quant au « président de la République déchu de ses charges par la Cour constitutionnelle ou un ancien président de la République condamné par un jugement irrévocable pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, crime d’agression ou pour toute autre infraction prévue et punie par la loi congolaise », cette loi reste muette.
Qu’à cela ne tienne l’étape de tous les enjeux est encore à venir. Et c’est l’Assemblée nationale qui en détient la clé et sa crédibilité sur le plan national et intetnational dépendra de la façon dont elle tranchera quant à ce. Wait and see.
Stan