Comme le jour de l’annonce de l’indépendance du Congo belge, en 1960, tout congolais, du moins pour ceux qui n’ont pas eu l’accès à la salle du Congrès du Palais du peuple, était devant son petit écran ou à l’écoute de son poste récepteur.
Pendant 50 minutes (de 15h 35′ à 16h 25′), l’homme est resté le même et constant. De toutes les questions auxquelles les congolais attendaient des réponses claires et précises, Josep Kabila n’a fait allusion à aucune d’elles. Il s’agit notamment, des questions liées à sa probable candidature à l’élection présidentielle, au terme de ses deux mandats constituionnels; à l’usage ou non de la machine à voter; à la décrispation politique; à son éventuel dauphin au sein de sa famille politique.
Au lieu de la réjouissance et d’un ouf de soulagement, c’était plutôt de l’émoi, de la déception, de l’indignation qui pouvaient se lire sur les visages. Bref, le peuple congolais est resté sur sa soif.
Que retenir du discours de Kabila?
« Pourquoi je sens qu’il y a une petite tension dans la salle ? », s’interroge Kabila d’entrée de jeu. Et à lui de répondre, « Je sais pourquoi il y a une petite tension dans la salle. C’est parce qu’il y a les gens qui croient que je vais dire mesdames et messieurs comprenez mon émotion ».
« C’était il y a 28 ans », a-t-il rappelé, faisant allusion au fameux discours de l’ancien président Mobutu, quand il annonçait la fin du Parti unique et le début du multipartisme au Zaïre. « Je ne vous dirai pas comprenez mon émotion mais plutôt, comprenez ma passion pour le Congo« , a dit Joseph Kabila. Ce qui parraissait comme un bon début et une introduction rassurante pour la suite de son allocution.
Le chef de l’Etat a fait un discours-bilan de 17 ans à la tête ce grand pays au coeur de l’Afrique. De la sécurité aux élections en passant par l’économie et la Justice, Joseph Kabila s’est vanté des prouesses réalisées en 12 ans. Un discours complètement déconnecté des réalités du congolais moyen.
Sur le plan sécuritaire le » Raïs » congolais note que « Les rébellions successives depuis 1998, avaient menacé l’intégrité de notre pays, nous avons reçu à les vaincre grâce aux efforts conjugués de tous ». Avant de faire remarquer que « La RDC est le centre de toutes les convoitises, intrigues diplomatiques ainsi que les complots de toute sorte ».
Pour ce qui est de l’Etat de droit, « La Justice vient de connaître son éclatement à 3 ordres de juridictions », a relevé Joseph Kabila. Au plan économique, relève-t-il, « nous avons hérité d’une situation catastrophique avec un taux d’inflation dépassant 4 chiffres ». « Après avoir pacifié et reunifié le pays, nous avons stabilisé l’inflation et ce, sans appui extérieur », s’est-il félicité.
Et au président de poursuivre, « Nous avons doté la Nation de plusieurs lois rendant attractif le secteur privé en vue d’attirer les investisseurs privés. Aujourd’hui, il y a lieu de se réjouir que toutes les réformes du secteur privé aient portées de fruits escomptés ».
En ce qui concerne le social de congolais, Kabila se vante du fait que, le budget de l’État en ressources propres est remonté à « plus de 4 milliards de dollars… l’inflation annuelle a été maîtrisee à moins de 10% ».
» La rémunération de fonctionnaires de l’État s’est améliorée ; le nombre des enfants scolarisés est de 22 millions soit 100% en 2018; l’amélioration du secteur de l’emploi est de 15% de 2001 à 2018, le taux de mortalité a reculé », croit-il savoir, affirmant de surcroit que, « nos efforts de lutte contre Ebola ont été appréciés à travers le monde ».
Sur fonds propre?
A en coire le président congolais, « ces résultats sont dus aux différents programmes initiés et financés par les ressources propres ». Or, on sait l’appui considérable de la Communauté internationale, des Organisations internationales et autres agences du Système des Nations Unies, apporté dans plusieurs programmes et projets à travers le pays.
Ces partenaires de la RDC sont présents même dans des coins reculés du pays où l’autorité de l’Etat est quasi-inéxistante, faisant face à des nombreux défis liés à la sécurité, aux infrastructures et autres imtempéries et ce, au risque de leur vie.
Le cas récent est celui de la réponse à l’épidémie de maladie à virus Ebola. On a vu comment certains membres du gouvernement congolais et agents de l’Etat s’accrochaient derrière les financements et interventions extérieurs pour s’afficher en avant-plan dans la stratégie de réponse à cette maladie mortelle.
Le cas de l’Espace Kasaï en est une autre illustation. Après les dégats causés à la suite des affrontements meurtriers entre les forces de sécurité et les miliciens » Kamuina Nsapu », la Communauté internationale continue à se mobiliser pour apporter une assistance nécessaire aux victimes de ces actes barbares. Partout où l’on est passé, on témoignait moins de l’aide de l’Etat, premier responsable du bien-être social de ses citoyens. Tout ceci, hormis toutes les actions entreprises sur terrain dans le sens d’apporter secours aux victimes de l’insécurité à l’Est de la RDC.
Du reste, dans son discours Joseph Kabila n’a pas été « tendre » avec la Communauté internationale, celle-là même qui ne cesse d’infliger des sanction « injustes », selon Kabila, à certains de ses administrés et autres collaborateurs.
Toutefois, le président congolais dit vouloir « continuer d’appliquer la politique étrangère de bon voisinage en entraînant une relation décomplexée avec tous les pays du monde ».
Au chapitre du processus électoral, Kabila affirme l’avoir « affranchi du financement étranger en vue d’éviter tout chantage ». » Les élections seront entièrement financées par la RDC », a-r-il assuré, soulignant que c’est au nom de la « souveraineté nationale ».
En définitive, le chef de l’Etat a réitéré son engagement de respecter, « sans ésuivoque », la constitution du pays qui lui interdit de briguer un troisième mandat à la présidence de la république.
Le suspense demeure
En outre, au lieu d’un ouf de soulagement et réjouissance, après les 50 minutes de ce discours que certains opposants qualifient de » certificat d’autosatifaction », le peuple congolais est semblé rester sur sa soif. Car, ses attentes n’auraient pas été rencontrées par celui-là même qui détient la clé de la crise en RDC. Pourtant, l’occasion était bien choisie pour apaiser les esprits.
« Du déjà entendu, …Kabila est resté le même », ont déploré quelques personnes interrogées par Politico.cd.
Par ailleurs, il faut avouer que le président Kabila n’a pas répondu aux aspirations de son peuple. Kabila connaissait-il ces attentes ou les a-t-il ignoré simplement? D’aucuns estiment que l’adresse du président de la république est une « insulte » à son Peuple et du mépris vis-à-vis des puissances occidentales qui lui font pressions de quitter le pouvoir.
Alors que le Secrétaire général des Nations Unies, Antnio Guteress avait prédit que le président Kabila annoncerait des « grandes décisions », lors de ce dicours, que de l’illusion! Joseph Kabila a juste tourné au tour de ses réalisations pendant sa gestion du pays. Si l’on se permet d’analyser son discours, celui-ci est tout, sauf la réponse aux grandes questions d’actualité que se pose la population congolaise. Il est allé à côté de la plaque pour ne pas rencontrer les vraies préoccupations de son peuple.
Aucun mot sur la décrispation politique; l’usage ou non de la machine à voter controversée; son dauphin; son avenir politique… Sauf, un discours souverainiste couplé d’un message dur à l’endroit de la communauté internationale.
Qu’à cela ne tienne, à en croire à la mobilisation de la Société civile et les actions d’ « envergure » qu’elle projette d’entreprendre, il y a lieu de croire que les jours avenirs seront au centre de tous les enjeux. Le chaos est prévisible.
Stan