« Les prisons surpeuplées et insalubres de la République démocratique du Congo présentent un grave risque de propagation de l’épidémie de COVID-19 , menaçant la santé et la vie des détenus, des gardiens et de la population en général », a déclaré Human Rights Watch, vendredi 17 avril 2020.
D’où, cette organisation de défense des droits l’homme plaide pour la réduction davantage de la population carcérale et pour le décaissement des fonds pour la nourriture et l’amélioration de l’hygiène.
Depuis le 21 mars 2020, les magistrats ont remis en liberté un peu plus de 2,000 personnes en détention provisoire ou détenues pour des infractions mineures, afin de réduire la population carcérale du pays, selon la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RDC (MONUSCO).
Selon HWR, en RD Congo, environ 71% des détenus n’ont pas été reconnus coupables d’un crime ou sont toujours dans l’attente d’un procès. Les libérations devraient ainsi être multipliées d’urgence tandis que les personnes nouvellement arrêtées pour des infractions non violentes ou mineures ne devraient pas être incarcérées.
« Il est nécessaire que le gouvernement congolais prenne des mesures plus audacieuses pour éviter une crise majeure dans des prisons surpeuplées », a déclaré Lewis Mudge , directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch.
« Il a hérité d’un système carcéral laissé à l’abandon pendant des décennies et maintenant que le COVID-19 est aux portes des prisons, le temps est compté avant le déclenchement d’une possible catastrophe ».
Le gouvernement congolais devrait rapidement décaisser les fonds alloués aux prisons et s’assurer qu’ils permettent d’offrir aux détenus une nourriture et des soins médicaux adéquats. Les conditions d’hygiène et d’assainissement devraient être améliorées, les familles des détenus autorisées à leur apporter de manière sécurisée des colis de nourriture dont ils dépendent, et les garanties judiciaires des détenus devraient être respectées.
Les prisons principales de la RD Congo affichent un taux de surcapacité moyen de 432%, selon la MONUSCO. Ce qui les classe parmi les plus surpeuplées du monde. Les établissements pénitentiaires de Goma et d’Uvira, dans l’est du pays, sont à plus de 600% de leur capacité tandis que la prison centrale de Makala, à Kinshasa, l’est à 461%. Les détenus y sont entassés par centaines en cellules collectives et sans lits.
« Dans le pavillon où j’étais jusqu’à récemment, nous étions au moins 850 personnes dans un espace prévu pour 100 », a déclaré un détenu à Human Rights Watch.
« Avec un tel nombre, quand il faut dormir, personne ne peut avoir plus d’un mètre carré d’espace, et c’est encore pire dans d’autres pavillons. Si le Coronavirus atteint Makala, il n’y restera plus personne ».
L’interdiction des colis de nourriture, une réponse pas adéquate
Le COVID-19 se transmet principalement par contact rapproché et prolongé entre individus et rien ne prouve que la nourriture est un vecteur de transmission. L’interdiction des colis de nourriture ne semble ainsi pas répondre au souci légitime de protéger la santé des détenus. Même s’il existe un risque que les récipients soient contaminés, il peut être facilement réduit en les désinfectant.
La malnutrition et les maladies qui y sont liées sont, depuis longtemps, la cause de décès de détenus dans les prisons congolaises. Les détenus reçoivent, au mieux, un repas par jour, ce qui est dû en partie au fait que les portions alimentaires sont budgétées en fonction de la capacité des prisons et non pas de leur population réelle.
Entre le 9 et le 13 avril, cinq détenus seraient morts « par manque de nourriture » dans la prison de Matadi, dans le sud-ouest du pays.
À Mbandaka, une ville de l’ouest, la prison ne fournit que rarement de la nourriture.
« Des sœurs catholiques viennent deux fois par semaine et nous servent des haricots et des boules de manioc », a indiqué un détenu à Human Rights.
« Nous ne savons jamais quand la prison nous donnera à manger, la plupart d’entre nous sommes alimentés par ce qui arrive de l’extérieur ».
Au moins 40 détenus sont morts de faim à Makala en janvier et 20 autres en février, selon la MONUSCO
Depuis janvier 2020, toutes les administrations pénitentiaires ont dû acheter de la nourriture et des produits essentiels à crédit car les fonds du gouvernement n’ont pas été décaissés. Au moins 40 détenus sont morts de faim à Makala en janvier et 20 autres en février, selon la MONUSCO.
Les caisses de la prison étaient vides depuis plusieurs mois et les détenus n’étaient pas nourris.
Le 2 avril 2020, le ministre de la Justice a suspendu les visites d’avocats à leurs clients en détention. Le gouvernement devrait mettre en place une solution alternative sécurisée afin que les droits de tous les détenus soient protégés dans le contexte des restrictions dues à la crise du COVID-19.
Le 25 mars 2020, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a exhorté les gouvernements à réduire les populations carcérales, affirmant que « les mesures prises durant une crise sanitaire ne devraient pas porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes détenues, y compris leurs droits à l’eau et à une alimentation adéquate ».
Les prisons doivent être dotées des moyens pour lutter contre le COVID-19
« Les garanties contre les mauvais traitements sur des personnes en garde à vue, notamment l’accès à un avocat et à un médecin, devraient également être pleinement respectées ».
Les autorités ont installé des points de lavage des mains dans certains centres de détention du pays mais, selon les témoignages de détenus, l’accès à l’eau et à des installations sanitaires propres demeure un gros problème.
« La prison n’est pas alimentée en eau. Ce sont nos familles qui nous apportent de l’eau potable », a déclaré un détenu de la prison de Mbandaka.
« Nous n’avons pas de lave-mains et les toilettes ne sont pas entretenues. Nous ne redoutons pas seulement le Coronavirus mais aussi d’autres maladies, comme le choléra ».
À la prison de Munzenze, à Goma, un détenu a déclaré que le nombre de points d’eau pour le lavage des mains ne correspondait pas aux besoins.
À Makala, l’eau est également rare.
« Dans mon pavillon, il y a des robinets un peu partout mais l’eau ne coule pas. On a un seul robinet qui coule mais il ne fonctionne que deux ou trois heures par jour », a déclaré un détenu.
« Vous pouvez imaginer comment les gens se disputent pour puiser l’eau. On nous dit que cette situation exige certaines distances à respecter, mais est-ce possible dans de telles conditions ? ».
« Selon le droit international, le gouvernement congolais a l’obligation de protéger et de prodiguer des soins médicaux à tous les détenus», a affirmé Lewis Mudge.
« Il devrait doter les prisons des moyens nécessaires de prévention et de lutte contre l’épidémie de COVID-19 afin de protéger les détenus et le personnel pénitentiaire, tout en garantissant le lien familial aux prisonniers ainsi que leur droit de communiquer avec un avocat ».
Thierry Mfundu