En République Démocratique du Congo, comment un peu partout en Afrique subsaharienne, un combat silencieux mais acharné se joue au quotidien dans les rédactions, entre les lignes tracées par la plume des journalistes. La presse, cette gardienne de la démocratie, se retrouve asphyxiée, tiraillée entre la famine imposée par le pouvoir et la soif de vérité réclamée par un peuple qui, ironiquement, n’a pas ne moyen de le financer.
Il est d’une cruauté presque baroque de demander à nos scribes de jouer les chevaliers de la vérité, de porter l’armure lourde du contre-pouvoir, tout en les laissant à la merci d’un salaire de misère, voire inexistant. Le tableau est kafkaïen : comment exiger de ces hommes et femmes qu’ils maintiennent une colonne vertébrale inflexible face à la corruption, alors que leur quotidien est une lutte constante pour la survie?
Et voilà que, dans ce marasme, je, un chroniqueur notoirement corrompu, soulève une braise brûlante. Mes détracteurs clameront que je cherche à excuser l’inexcusable, à justifier la corruption qui gangrène notre métier. Mais non, ce que je lance, c’est un cri de ralliement pour un débat vital : nul ne peut s’attendre à ce qu’un soldat parte au front sans munitions. Pourquoi en serait-il autrement pour les journalistes? Le métier est d’utilité publique. En même temps, le lecteur, dans notre pays démunis, consomme la presse gratuitement. L’annonceur ne veut pas non plus payer une publicité qui ne fait pas vendre ses produits.
Malgré le tableau sombre, il faut ériger en héros ces rares journalistes qui, même éclaboussés par le boueux ruisseau de la corruption, réussissent à garder les pieds secs. Ils jonglent avec les tentations, naviguent dans ce labyrinthe avec une dextérité qui force le respect. Ce sont les équilibristes de l’information, ceux qui, bien que n’étant pas immaculés, parviennent à ne pas sombrer dans l’abîme de la dépravation totale.
Mais le véritable salut de notre presse ne viendra pas du jour au lendemain. L’État doit endosser son rôle. Il est grand temps que les caisses de la République soutiennent ceux qui défendent son essence même. Nous parlons ici d’un financement initial, robuste et ciblé, conçu pour ériger les fondations d’un journalisme indépendant, durable et éthique. Imposez des standards, fixez des critères rigoureux, mais surtout, donnez-leur les moyens de ne pas avoir à choisir entre intégrité et survie.
Continuons ce débat, non pas en chuchotant dans les couloirs sombres du pouvoir, mais en criant sur les places publiques. Car, en fin de compte, c’est la voix du peuple qui doit guider la plume du journaliste, et non le tintement des pièces d’or. Le chemin sera long, les obstacles nombreux, mais la mission est trop cruciale pour être ignorée.
Puissions-nous avoir le courage de transformer nos paroles en actions, pour que le journalisme congolais puisse enfin respirer, libre de toute entrave, dans la dignité de son rôle essentiel à la démocratie.
Litsani Choukran,
Le Fondé.