« Les Grandes Idées », c’est une tribune accordée aux intelligences congolaises pour apporter un regard prospectif sur les grands enjeux politiques de la RDC et de l’Afrique médiane. Après Jean-Jacques Wondo, Elikya Mbokolo, Olivier Kamitatu, et beaucoup d’autres experts c’est au tour du prisonnier Firmin Yangambi de politiquer. »
Avocat à la Cour pénale internationale et président de l’ONG des droits de l’homme «Paix sur terre», condamné à 20 ans de Prison pour tentative d’organisation d’un mouvement insurrectionnel et de détention illégale d’armes de guerre, Me Firmin Yangambi, du fond de sa geôle s’est confié à Politico.cd au sujet de la saisine de la Cour Constitutionnelle par des députés de la Majorité Présidentielle.
Des personnages de la majorité présidentielle sont à la manœuvre pour demander à la cour constitutionnelle d’interpréter l’alinéa 2 de l’article 70 de la constitution qui stipule : « à la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’ à l’installation effective du nouveau président ».
Les dispositions pertinentes de la constitution reconnaissent évidemment à divers types de personnes le droit de saisir la cour constitutionnelle.
La question fondamentale est à propos celle de l’intérêt des requérants par rapport à la cause de leur demande.
Les requérants de la majorité présidentielle voulant saisir la cour constitutionnelle doivent justifier d’un motif légitime à agir en vertu du principe » il n’y a pas d’action sans intérêt. »
La légitimité de l’intérêt de la requête est objectivement appréciée par la cour principalement au regard des éléments des faits de la cause et du but véritablement poursuivi par les demandeurs.
Il s’agit en effet, en sus des faits, de scruter l’élément psychologique qui détermine véritablement la démarche des requérants.
Ainsi, la cour doit vérifier en fait et en droit si les demandeurs agissent de bonne foi. Aussi, elle doit s’assurer que la demande n’est ni une manœuvre dilatoire ni un stratagème tendant à soustraire malicieusement de la cour un avis dont les requérants useraient à temps opportun pour des actions politiciennes en fraude de la constitution même.
A ce propos, il convient de rappeler que le devoir constitutionnel et légal de fournir à la commission électorale nationale indépendante tous les moyens de réalisation de sa mission d’organiser les élections à tous les niveaux incombe à l’assemblée nationale, au président de la république et au gouvernement.
Évidemment, les institutions politiques en charge de cette tâche sont toutes contrôlées depuis dix ans, soit la durée de deux législatures et de deux mandats présidentiels, par la majorité présidentielle.
La non mise à jour du fichier électoral et son opacité, le déni délibéré de publier un calendrier électoral global pour les élections générales à temps opportun, le défaut de financement des différentes phases du processus électoral, les cafouillages officiellement entretenus au sein de la commission électorale nationale indépendante, les atermoiements des acteurs politiques qui paraissent un handicap à d’organisation des différents scrutins et principalement la présidentielle dans le délai constitutionnel engagent les responsabilités juridique, politique, civique et morale de la majorité au pouvoir.
Que le régime de la majorité présidentielle proclame des bilans toujours mirobolants de gouvernance économique à forte croissance, de défense militaire du territoire et de la sécurité des personnes et des biens, du réveil du géant et de progrès social et qu’il annonce en même temps que les comptes du trésor public ne sont pas suffisamment garnis pour financer les élections est une fourberie inadmissible.
Cette impossibilité de financer des élections pour lesquelles le gouvernement a disposé pendant cinq ans au moins des lois annuelles de finance contenant un poste budgétaire justement consacré à l’organisation des élections frise la faillite de l’État pour mal gouvernance.
L’intérêt de la majorité présidentielle à saisir en interprétation la cour constitutionnelle sur la vacance de fonction du président de la république au terme du deuxième et dernier mandat du président en fin de parcours n’est évidemment pas légitime.
La cause de cette demande dévoile une démarche politiquement incorrecte.
En réalité, la mauvaise foi de la majorité présidentielle doit être sanctionnée. Sa manœuvre judiciaire a pour véritable cause d’obtenir une fraude à la constitution et porter un arrêt préjudiciable à l’État de droit et à la démocratie.
La probité intellectuelle et le sens du devoir de l’État appellent le premier ministre à présenter la démission de son gouvernement pour inaptitude à faire fonctionner régulièrement le processus électoral, régulateur attitré de la marche de l’État de Droit et de la démocratie.
Organiser de manière délibérée les conditions du blocage du processus électoral et entretenir un climat prohibitif d’exercice des droits civiques et des libertés publiques pour s’assurer un glissement ad vitam et aeternam est un complot contre le peuple.
Et que ces mêmes individus se tournent du côté de la cour constitutionnelle pour faire avaliser leur coup d’État constitutionnel est carrément contraire aux objectifs officiellement poursuivis par le dialogue politique inclusif qu’ils semblent appeler eux-mêmes par tous les moyens en vue d’un apaisement social et politique.
Qui veut à la fois une chose et son contraire n’est ni crédible vis-à-vis des autres ni sérieux avec lui-même.
La majorité présidentielle fait juridiquement fausse route avec cette requête en interprétation.
La cour constitutionnelle n’a pas la compétence de créer le droit! La cour dit plutôt le droit positif.
Or aux termes des articles pertinents de la constitution que doit dire la cour, la vacance est évidente à la fin du deuxième mandat de tout président de la république.
Tout président de la république ayant épuisé successivement deux mandats est constitutionnellement en situation d’empêchement définitif juridique car nul ne peut exercer la fonction du président de la république au-delà de dix ans. Il ne peut donc demeurer président de la république pendant plus de dix ans.
La disposition de la constitution limitant le mandat présidentiel total à deux fois cinq ans est impérative et il n’existe aucune exception à cette règle.
Dès lors, d’où le juge constitutionnel tirera-t-il le fondement constitutionnel d’une décision de prolongation du mandat du président actuel?
L’alinéa 2 de l’article 70 qui dispose « à la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’ à l’installation effective du nouveau président » ne sert pas de siège de la matière pour la prolongation du mandat présidentiel. Erreur!
Dans sa lettre, il ne le prétend pas et son esprit renvoie au temps d’expédition des affaires courantes avant la remise et reprise entre le président sortant et le président déjà élu effectivement.
Il ne s’agit pas d’attendre l’élection hors délai constitutionnel du nouveau président mais de permettre une passation de pouvoir régulière entre le sortant et le déjà élu dans le délai constitutionnel.
La rédaction du texte est d’ailleurs claire:
« …. à la fin de son mandat, ( donc le mandat est fini. Le sortant n’est plus président )
… le président de la République reste en fonction ( le sortant qui n’est plus president procède simplement à de l’expédition des affaires courantes )
…. jusqu’ à l’installation effective du nouveau président ( il n’est pas écrit jusqu’à l’élection du nouveau président car la condition pour rester en fonction expédier les affaires courantes est l’installation effective et non l’élection ).
Par l’absurde, si un président en fin mandat doit rester au pouvoir jusqu’à l’organisation d’une nouvelle élection présidentielle, la disposition qui impérativement limite le mandat présidentiel à cinq ans est vidée de toute valeur juridique.
Au fait, dans le cas d’école d’une élection présidentielle nouvelle qui ne peut être organisée que dans vingt ans pour diverses raisons, un président fin mandat de cinq ans peut encore rester en fonction tous les vingt ans! S’agirait-il toujours de la même constitution?
La cour constitutionnelle ne peut sous le prétexte d’une interprétation faire à la constitution ce qu’elle n’a pas prévu. Ce serait une menace évidente au Droit.
En effet, la cour constitutionnelle ne peut créer son propre » droit constitutionnel ». Elle n’en a pas la compétence.
La cour constitutionnelle n’a donc pas la prérogative de prolonger le mandat du président de la république élu au suffrage universel direct par la seule et unique autorité compétente, à savoir le souverain primaire.
En vertu du parallélisme des formes et des compétences, seul le peuple peut prolonger le mandat du président de la république encore qu’il ne le peut que dans les cas, selon la forme et d’après la procédure prévue par la constitution en vigueur, le cas échéant.
Une constitution est adoptée comme loi fondamentale pour être scrupuleusement respectée coûte que coûte, sauf à considérer le cas de force majeure.
Or, il n’y a incontestablement pas force majeure!
Me Firmin Yangambi Libote
Avocat
Inscrit sur la Liste des Conseils à la Cour Pénale Internationale
Kinshasa, le 17 avril 2016.
Me Yangambi est détenu depuis septembre 2009, après son arrestation à Kisangani.
Un commentaire
La RDC doit remercier à jamais les enfants doués des sentiments patriotiques qui y sont nés pour la déterminations sans failles pour la survie et la renaissance d’un pays à la hauteur de sa grandeur. Au nom de mes frères congolais , mes remerciements à quiconque met sa brique pour édifier un Congo qu’on s’immagine en chantant l’hymne national.