Dans une tribune envoyée exclusivement à POLITICO.CD, le député et président provincial de l’UNC de Vital Kamerhe s’est exprimé sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle en interprétation de l’article 70 de la constitution.
LA COUR CONSTITUTIONNELLE : UN RENDEZ-VOUS MANQUE DE PLUS AVEC L’HISTOIRE
Par l’Honorable MAYO MAMBEKE Jean Baudouin
Tout le monde sait que plus de deux cents cinquante députés nationaux ont, par requête, saisi la Cour Constitutionnelle en interprétation de l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution, lequel dispose : « A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». C’est nous qui soulignons.
Motivant leur requête, « les députés requérants expliquent que deux options s’affrontent autour des conséquences devant découler de la fin du mandat du Président de la République, au cas où l’élection de son remplaçant n’est pas organisée dans le délai fixé par la Constitution ». (Arrêt de la Cour Constitutionnelle R. Const. 263 du 11 mai 2016, p.3).
Il en découle que la demande en interprétation des requérants était intimement liée au cas où l’élection du remplaçant et par la suite son installation effective n’avaient pas eu lieu.
A cette demande, la Cour Constitutionnelle a répondu qu’en vertu du principe général de la continuité du service public fondé en l’espèce sur l’article 69 de la Constitution, le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu. Elle n’a pas contenu cette situation dans le temps, de telle sorte qu’il n’est pas malvenu que le mandat se prolonge au-delà de ses limites, et ce, en violation de l’article 220 de la Constitution qui rend intangible et non flexible la durée du mandat du Président de la République.
C’est ainsi qu’il peut être affirmé, à juste titre, que la Cour Constitutionnelle a violé la Constitution et partant, son arrêt ne peut obliger personne.
Sans nécessairement lier l’interprétation de l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution à celle de son article 73, la disposition en cause est, on ne peut plus, explicite en elle-même.
En parlant de l’installation effective du nouveau Président élu, la Constitution affirme en même temps qu’à la fin du mandat du Président en exercice, le nouveau Président de la République est élu.
C’est ça le sens « du nouveau Président élu ». Il n’est donc pas à élire car, il doit l’être, attendant tout simplement son installation effective, laquelle a lieu dans les 10 jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle (Art. 74 de la Constitution).
La Cour Constitutionnelle a, sciemment, évité de rencontrer la motivation des requérants lorsqu’ils lient leur demande au cas où l’élection du remplaçant n’est pas organisée. La Cour a bien ressorti cette motivation sans la rencontrer. C’est là le déni !
Est-il possible constitutionnellement parlant d’arriver à la fin du mandat du Président en fonction sans qu’il ne soit organisé l’élection de son remplaçant ?
Evidemment que non, car l’article 73 du texte fondamental fait obligation à la CENI de convoquer le corps électoral 90 jours avant la date de l’expiration du mandat du Président sortant.
La requête dont la Cour était saisie, avait un fondement non constitutionnel en posant le cas où l’élection présidentielle n’était pas organisée ; hypothèse purement d’école pour le besoin des travaux pratiques des étudiants. Et dans ce cas, il faudrait justifier d’un cas de force majeure, c’est-à-dire, un événement soudain, imprévisible, insurmontable et irrésistible. Or, nous n’en sommes pas encore là. C’est prématuré d’en parler.
A la question posée par les requérants sur le sort du Président de la République en cas de non tenue de l’élection présidentielle du remplaçant, la Haute Cour a répondu que le Président reste en fonction jusqu’à l’élection du remplaçant, sous-entendu peu importe le délai. C’est ça même la raison de la jubilation des requérants.
C’est dommage de la part de la Haute Cour qui a jugé une requête dont la motivation s’écarte de la Constitution. Elle a donc mal jugé et tourné le dos à sa mission de gardienne de la Constitution. Elle a raté sa deuxième grande sortie après la première sur saisine de la CENI en interprétation d’une disposition constitutionnelle, alors que la CENI n’avait pas qualité pour la saisir. A cette occasion, la Haute Cour avait même statué « ultra petita », c’est-à-dire, au-delà de la requête irrecevable de la CENI.
Lorsque cet arrêt fut décrié et critiqué, y compris par nous-même, d’aucuns, ont conclu aux extravagances et autres exagérations. Mais la suite nous a donné raison lorsque nous avons tous assisté à la nomination des commissaires spéciaux, lesquels n’ont pas fait long feu car, même ceux qui en étaient bénéficiaires, finirent par se rendre compte de la supercherie. La situation fut normalisée par l’élection à l’emporte-pièce des gouverneurs des nouvelles provinces, toute honte bue.
La question qui hante notre esprit est celle de savoir si une Cour Constitutionnelle peut fonctionner dans un contexte d’absence de l’indépendance de la magistrature.
Et pourtant, l’histoire est pleine des cas où les Cours Constitutionnelles ont libéré leurs pays et leurs peuples d’une part et on fait montre d’indépendance vis-à-vis de l’Exécutif d’autre part.
Sera-t-il un jour le cas pour nous ? Dieu seul sait. Mais à considérer la qualité de l’intellectuel congolais, prompt à la flatterie et démuni du sens du sacrifice, il y a lieu de douter que cela le soit pour bientôt.
Il ne reste qu’au peuple de se prendre en charge, comme le disait Mzee Laurent Désiré KABILA.
Un rendez-vous manqué de plus avec l’histoire !