Dans un rapport publié ce mardi 5 juillet 2016, l’ONG britannique Global Witness renseigne que des groupes armés du territoire de Shabunda « se sont vu offrir des armes et de l’argent par une entreprise minière chinoise et ont dégagé jusqu’à 25 000 dollars par mois en extorquant des mineurs locaux lors de la récente ruée vers l’or qu’a connue cette région pendant deux années »
« Rien qu’en l’espace d’un an, de l’or d’une valeur pouvant atteindre les 17 millions de dollars, produit par l’entreprise chinoise Kun Hou Mining, s’est volatilisé, ayant probablement quitté le Congo en contrebande pour gagner les chaînes d’approvisionnement internationales, dit Global Witness.
Selon ce rapport, l’État congolais, a laissé échapper les recettes fiscales qu’il aurait dû dégager des 38 millions de dollars d’or artisanal produit chaque année pendant cette période de ruée vers l’or le long de la rivière Ulindi.
« Plus de 500 cas de malnutrition ont été signalés dans la ville de Shabunda en 2014 ; pourtant, les recettes considérables générées par cette ruée vers l’or ont bénéficié non pas à la population congolaise, mais à des hommes armés et à des entreprises prédatrices », a déclaré Sophia Pickles, responsable de campagne à Global Witness. « Il faut que le gouvernement congolais applique ses propres lois pour veiller à ce que les entreprises dans son secteur aurifère ne produisent ou ne vendent pas d’or qui a servi à financer des groupes armés. Toute entreprise qui enfreint ces lois doit être tenue de rendre compte de ses actes. Les autorités minières provinciales qui ne gèrent pas correctement le secteur des minerais doivent elles aussi être tenues responsables. »
Les travaux de recherche de Global Witness indiquent que de l’or de Kun Hou d’une valeur de près d’un demi-million de dollars a été exporté vers une entreprise à Dubaï par les voies officielles. Il est probable que le reste de la production d’or de la société, estimé à 17 millions de dollars, ait été exporté clandestinement.
Des autorités provinciales pointées du doigt.
« Des groupes armés connus sous le nom de Raïa Mutomboki se sont vu remettre au moins deux fusils d’assaut AK-47 et 4 000 dollars en espèces par la Kun Hou Mining, laquelle opère des dragues mécanisées sur la rivière Ulindi, en territoire de Shabunda, dans la province du Sud-Kivu. Par ailleurs, les hommes armés ont taxé des mineurs artisanaux qui travaillaient sur des dragues de fabrication locale pour extraire l’or le long de la rivière. Les autorités locales ont aussi collaboré avec les Raïa Mutomboki, s’accordant sur le partage des recettes fiscales. Les taxes perçues par les autorités semblent s’être volatilisées, privant ainsi le Congo de revenus indispensables qui auraient pu être investis dans ses secteurs de la santé et de l’éducation », ajoute Global Witness.
D’après l’ONG britannique, le gouvernement provincial et les autorités minières du Sud-Kivu ont continué de soutenir la Kun Hou Mining malgré les multiples infractions à la loi perpétrées par cette société et les nombreuses demandes que lui a adressées le gouvernement national congolais à Kinshasa pour qu’elle cesse ses activités.
« Du fait de leurs actions ces deux dernières années, les autorités provinciales chargées de superviser la ruée que connaît actuellement Shabunda ont directement porté atteinte aux efforts internationaux ainsi qu’à ceux du gouvernement national visant à réformer le commerce de l’or artisanal de l’est du Congo », a commenté Sophie Pickles. « Il incombe aux États de s’assurer que les entreprises ne causent aucun préjudice, y compris en vérifiant que les chaînes d’approvisionnement n’ont aucun lien avec le conflit et les violations des droits de l’homme ; la République démocratique du Congo et les Émirats Arabes Unis ont failli à leurs responsabilités à cet égard. »
Un ressortissant français cité.
« Des documents indiquent qu’un ressortissant français, Franck Menard, qui travaillait pour la Kun Hou Mining, est étroitement impliqué dans les actes répréhensibles perpétrés par la société. Des groupes armés Raïa Mutomboki ont adressé un courrier à Menard en février 2015 pour le remercier des deux fusils d’assaut AK-47 et des 4 000 dollars qui leur avaient été offerts. Menard a également signé un document officiel confirmant la vente d’or de la Kun Hou au bureau congolais d’Alfa Gold. Global Witness a tenté de contacter Franck Menard, en vain. »